« La pratique synodale voulue et mise en œuvre par François mérite d’être examinée afin de découvrir les frontières qui, dans la réalisation concrète de la collégialité, séparent les deux catégories », explique Mgr Patrick Valdrini dans cet article publié à l’occasion dyu synode (3-28 octobre), dans L’Osservatore Romano en italien du 26 octobre 2018.
AB
Synode des évêques et collégialité
Les développements sous le pontificat du Pape François
Patrick Valdrini
La doctrine de la collégialité épiscopale était l’une des grandes affirmations ecclésiologiques du concile Vatican II, qui voulait rééquilibrer le contenu de la Constitution De Ecclesia du Concile Vatican II, car celle-ci était restée inachevée en raison des problèmes politiques qui ont empêché le concile de terminer ses travaux. La constitution décrivait la fonction primatiale du Pontife romain, négligeant apparemment les évêques, soumis à sa juridiction. La collégialité du corps épiscopal n’apparaissait pas dans les textes, même si elle était présente dans les rapports préliminaires. Cependant, ceux-ci étaient trop faibles pour s’opposer à une ecclésiologie née du Concile de Trente, qui visait à protéger l’Église des affirmations ecclésiologiques protestantes qui niaient le caractère sacramentel des ministères et des théories politiques régaliennes qui ignoraient la dimension universelle de l’Église.
Le concile Vatican II n’a pas inventé la doctrine de la collégialité. Il l’a redécouverte et valorisée, aidé d’une part par l’évolution des relations entre l’Église et le monde, qui, comme l’a dit le savant français Yves Congar, se sont développées selon un projet qui conduit à la consommation eschatologique de ce dernier et pour la réalisation duquel l’Église est « le sacrement universel du salut », de l’autre, par le grand nombre d’œuvres ecclésiologiques et bibliques et les discussions oecuméniques. Le concile Vatican II a développé une théologie de l’épiscopat qui, sans nier les prérogatives du Pontife romain, a affirmé avec autorité le caractère collégial de la succession des fonctions que le Christ a confiées aux apôtres, exercées au cours des siècles par les évêques dans de nombreux conciles généraux et particuliers, auxquels s’ajoutent désormais les nouvelles fonctions mentionnés par le concile Vatican II, comme le Synode des évêques suivant le motu proprio de Paul VI Apostolica sollicitudo du 15 septembre 1965.
La thèse doctorale de Francesco Candia porte sur deux aspects. D’une part, elle expose la doctrine catholique de la collégialité épiscopale contenue dans les textes du concile Vatican II et les développements reçus dans les déclarations ultérieures des papes et dans les travaux théologiques, ecclésiologiques et canoniques ; d’autre part, elle concentre ses recherches sur le synode des Évêques pour évaluer, conformément au souhait de Paul VI, comment l’idée de participation à la fonction primatiale du Pontife romain s’est concrétisée dans les assemblées synodales successives. Jean Paul II et Benoît XVI ont convoqué de nombreux synodes.
Deux synodes seulement [avant celui sur les jeunes] se sont tenus sous le pontificat de François, mais ils ont permis au pape d’exprimer sa conception de la fonction du Pontife romain qu’il entend exercer avec les évêques et, surtout, avec le synode des évêques. C’est pourquoi Francesco Candia étudie en détail le discours de François à la cérémonie du cinquantième anniversaire de la fondation du synode des évêques, le 17 octobre 2015. Le Pape déclare que, dès le début de son ministère, il a voulu valoriser le Synode, qui constitue l’un des legs les plus précieux du concile Vatican II, car la synodalité, affirme-t-il, est une « dimension constitutive de l’Église », elle « nous offre le cadre interprétatif le plus adéquat pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même ». Le discours présente de nombreux éléments qui méritent d’être soulignés : les implications œcuméniques de la synodalité, ses fondements bibliques, en particulier son lien profond avec la notion de peuple de Dieu, l’exercice de sa fonction cum Petro et sub Petro, l’éthique spirituelle qu’il exige des participants, à savoir l’écoute, car « l’Eglise synodale est une Eglise de l’écoute, le Peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome : l’un à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, pour savoir ce qu’Il dit aux Églises ».
Cette thèse doctorale intéresse la science canonique car elle examine les évolutions que comporte la pratique synodale du pape François. Le Code de droit canonique de 1983 présente le statut des deux sujets de l’autorité suprême de l’Église, le Pontife romain et le collège des évêques. Ce dernier peut exercer sa fonction de deux manières, lorsqu’un concile œcuménique est convoqué et lorsqu’il exprime un acte collégial des évêques dispersés dans le monde. Ces deux modes d’expression sont difficiles à réaliser pour des raisons pratiques. L’acte solennel du concile, devant réunir cinq mille évêques, est rare et aucun pape n’a tenté d’organiser un acte collégial. Cette situation crée un déséquilibre dans l’exercice concret de l’autorité suprême, puisque le Pontife romain est en effet le seul sujet à gouverner. Par conséquent, s’il entend développer la collégialité, un pape doit développer les instruments institutionnels qui lui sont offerts comme moyens permettant aux évêques de l’aider à exercer sa charge sans être une expression de l’ensemble du collège épiscopal.
Le pape François l’explique dans le discours cité plus haut : « Le Synode des Évêques, représentant l’épiscopat catholique, devient une expression de la collégialité épiscopale à l’intérieur d’une Église tout entière synodale. Deux expressions différentes : « collégialité épiscopale » et « Église tout entière synodale ». Elles manifestent la collégialité affective, laquelle peut même devenir dans certaines circonstances « effective », qui unit les Évêques entre eux et avec le Pape dans la sollicitude pour le Peuple de Dieu ». Cette déclaration oblige à bien comprendre la distinction entre les deux catégories de collégialité effective et affective utilisées par Jean Paul II et exposées par Francesco Candia. La collégialité effective s’accomplit uniquement dans un concile ou dans un acte collégial. Le Synode des évêques réalise la collégialité affective. Cependant, sans aucun doute, la pratique synodale voulue et mise en œuvre par François mérite d’être examinée afin de découvrir les frontières qui, dans la réalisation concrète de la collégialité, séparent les deux catégories.
(c) Traduction de Zenit, Océane Le Gall
Ouverture du synode des évêques sur les jeunes © Vatican Media
"Synode des évêques et collégialité" sous le pontificat du pape François, par Mgr Patrick Valdrini
Les « développements » actuels