« La prière en premier lieu. Ensuite le reste », a insisté le pape François en célébrant la messe dominicale, ce 10 mai 2020, en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, au Vatican.
« Quand les autres choses prennent la place de la prière, quelque chose ne fonctionne pas, a-t-il dit dans son homélie en direct streaming… Ainsi l’Eglise avance, par la prière, le courage de la prière, car l’Eglise sait que sans cette montée vers le Père elle ne peut pas survivre. »
Au début de la messe, le pape a prié pour que l’Europe « grandisse unie, dans cette unité de fraternité qui fait grandir tous les peuples par l’unité dans la diversité ».
Homélie du pape François
Dans ce passage de l’Évangile (cf. Jn 14,1-14), le discours d’adieu de Jésus, Jésus dit qu’il va au Père. Et il dit qu’il sera avec le Père et que celui qui croit en Lui aussi « fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai. » (vv. 12-14). Nous pouvons dire que ce passage de l’Évangile de Jean est la déclaration de la montée vers le Père.
Le Père a toujours été présent dans la vie de Jésus, et Jésus en parlait. Jésus priait le Père. Et si souvent, il parlait du Père qui prend soin de nous, comme il prend soin des oiseaux, des lys des champs… le Père. Et quand les disciples lui demandèrent d’apprendre à prier, Jésus a enseigné à prier le Père : «Notre Père» (Mt 6,9). Il va toujours [s’adresser] au Père. Mais c’est très fort dans ce passage ; c’est même comme si l’on ouvrait les portes de la toute-puissance de la prière. “Je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes” (cf. Jn 14,11). Cette confiance dans le Père, confiance dans le Père qui peut tout faire. Ce courage de prier, parce que pour prier il faut du courage ! Il nous faut le même courage, la même franchise que pour prêcher : la même. Pensons à notre père Abraham, quand il – je crois qu’on dit cela – “marchandait” avec Dieu pour sauver Sodome (cf. Gn 18,20-33): “Et s’il y en avait moins ? Et moins ? Et moins ?…”. Vraiment, il savait “négocier”. Mais toujours avec ce courage : “Pardon, Seigneur, fais-moi une remise : un peu moins, un peu moins…”. Toujours le courage de la lutte dans la prière, parce que prier c’est lutter : lutter avec Dieu. Et puis, Moïse : les deux fois où le Seigneur aurait voulu détruire le peuple (cf. Ex 32,1-35 e cf. Nb 11,1-3) et faire de lui le chef d’un autre peuple, Moïse a dit “Non !”. Et il a dit “non” au Père ! Avec courage ! Mais si tu vas prier ainsi – [il murmure une prière timide] – c’est un manque de respect ! Prier c’est aller avec Jésus au Père qui te donnera tout. Courage dans la prière, franchise dans la prière. La même chose qu’il faut dans la prière.
Et nous avons entendu dans la première Lecture ce conflit dans les premiers temps de l’Eglise (cf. Ac 6,1-7), car les chrétiens d’origine grecque murmuraient – en ce temps déjà on murmurait : on voit que c’est une habitude de l’Eglise… – ils murmuraient car leurs veuves, leurs orphelins n’étaient pas bien pris en charge ; les apôtres n’avaient pas le temps de faire beaucoup de choses. Et Pierre [avec les apôtres], éclairé par l’Esprit Saint, “inventa”, disons-le ainsi, les diacres. “Faisons cela : cherchons sept personnes qui soient courageuses et que ces hommes s’occupent du service” (cf. Ac 6,2-4). Le diacre est le gardien du service, dans l’Eglise. “Nous les établirons dans cette charge – dit Pierre, nous l’avons entendu. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole” (cf. v. 3-4). C’est la mission de l’évêque : prier et annoncer. Avec cette force que nous avons entendue dans l’Évangile : l’évêque est le premier qui va au Père, avec la confiance qu’il a donnée à Jésus, avec le courage, avec la parresìa, pour lutter en faveur de son peuple. Le premier devoir d’un évêque est de prier. Pierre le dit : “En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole.”
J’ai connu un prêtre, un saint curé, bon, qui lorsqu’il rencontrait un évêque le saluait, bien, très aimable, et lui posait toujours la question : “Excellence, combien d’heures par jour priez-vous ?”, et lui disait : “Parce que le premier devoir est de prier”. Parce que c’est la prière du chef de la communauté pour la communauté, l’intercession envers le Père afin qu’il protège le peuple.
La prière de l’évêque, son premier devoir : prier. Et le peuple, en voyant son évêque prier, apprend à prier. Parce que l’Esprit Saint nous enseigne que c’est Dieu qui “fait la chose”. Nous faisons un tout petit peu, mais c’est Lui qui “fait les affaires” de l’Eglise, et c’est la prière qui fait avancer l’Eglise. C’est pourquoi les chefs de l’Eglise, pour ainsi dire, les évêques, doivent continuer avec la prière.
Cette parole de Pierre est prophétique : “Que les diacres fassent tout cela, ainsi l’on prend soin du peuple et l’on résout ses problèmes et ses besoins. Mais à nous, évêques, la prière et l’annonce de la Parole.”
C’est triste de voir des évêques courageux, courageux, de bonnes personnes, mais affairés par tant de choses, l’économie, et ceci et cela… La prière en premier lieu. Ensuite le reste. Mais quand les autres choses prennent la place de la prière, quelque chose ne fonctionne pas. Et la prière est forte pour ce que nous avons entendu dans l’Évangile de Jésus : « Je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. » (Jn 14,12-13) Ainsi l’Eglise avance, par la prière, le courage de la prière, car l’Eglise sait que sans cette ascension vers le Père elle ne peut pas survivre.
Traduction de Zenit, Anne Kurian