« Vous avez, en tant que peuple, un rôle prépondérant à assumer, et vous ne devez pas avoir peur de partager et d’offrir ces notes particulières qui vous constituent », déclare le pape François à la communauté des Roms dont il a rencontré quelques centaines en Roumanie, à Blaj. Il a demandé pardon pour les discriminations vécues et il a invité au pardon.
Le pape François a quitté le palais épiscopal majeur de Blaj (Roumanie), ce dimanche, 2 juin 2019, et il s’est rendu en voiture dans le quartier Barbu Lautaru où, à 15h45 (14h45, heure de Rome), il a rencontré la communauté des Roms de la ville – a rencontré un peu plus de 300 membres de la communauté rom, qui forment environ 9% de la population de la ville – dans la nouvelle église dédiée à Saint-André apôtre et à l’évêque martyr Ioan Suciu, béatifié le matin avec six autres évêques gréco-catholiques martyrs du communisme. L’église, dont la première pierre a été bénie le 1er octobre 2017 par le cardinal Leonardo Sandri, a été consacrée en mai dernier.
« Dans mon coeur, je porte un poids. C’est le poids des discriminations, des ségrégations et des mauvais traitements subis par votre communauté. L’histoire nous dit que même les chrétiens, même les catholiques, ne sont pas étrangers à tant de mal. Je voudrais demander pardon pour cela. Je demande pardon – au nom de l’Église, au Seigneur et à vous – pour les fois où, au cours de l’histoire, nous vous avons discriminés, maltraités ou regardés de travers, avec le regard de Caïn et non pas celui d’Abel, et où nous n’avons pas été capables de vous reconnaître, de vous valoriser, et de vous défendre dans votre singularité. Pour Caïn, son frère n’a pas d’importance. »
Il a mis en relief les valeurs des Roms: « Vous ne devez pas avoir peur de partager et d’offrir ces notes particulières qui vous constituent, a dit le pape, et qui marquent votre chemin et dont nous avons tant besoin: la valeur de la vie et de la famille au sens large (cousins, oncles, tantes…); la solidarité, l’hospitalité, l’aide, le soutien et la défense des plus fragiles au sein de leur communauté; la valorisation et le respect des anciens ; le sens religieux de la vie, la spontanéité et la joie de vivre. »
Le pape a insisté sur ce partage fécond des valeurs: « Ne privez pas de ces dons les sociétés où vous vous trouvez et encouragez-vous aussi à recevoir tout le bien que les autres peuvent vous offrir et vous apporter. »
Le pape a repris un thème clef de de son voyage en Roumanie (31 mai-2 juin 2019), la « marche ensemble »: « C’est pourquoi je veux vous inviter à marcher ensemble, là où vous êtes, dans la construction d’un monde plus humain, en allant au-delà des peurs et des soupçons, en faisant tomber les barrières qui nous séparent des autres, en nourrissant la confiance réciproque dans la recherche patiente et jamais vaine de la fraternité. »
Et de préciser: « S’engager à marcher ensemble dans la dignité : la dignité de la famille, la dignité de gagner le pain de chaque jour – c’est ce qui te fait avancer – et la dignité de la prière. Toujours en regardant en avant. »
Sur la route, une stèle catholique en mémoire de la visite du pape François rappelait l’extermination des roms sous le nazisme.
Le quartier rom est « pauvre mais pas misérable », l’église « petite, mais élégante », avec les icônes néo-byzantines: « beaucoup de gens attendent le pape dans un climat retenu et joyeux à la fois », indique l’Eglise locale.
À son arrivée, le pape est accueilli par l’évêque, par une famille et par des enfants qui lui offrent des fleurs qu’il place devant l’icône de la Vierge.
Avant d’entrer dans l’église, qui peut contenir environ 60 personnes, l’évêque présente au pape François le Crucifix et l’eau bénite pour l’aspersion.
Puis, après le témoignage d’un prêtre gréco-catholique de l’ethnie rom, le choeur des enfants, de l’ONG « Concordia », qui s’engage dans l’aide sociale, à Bucarest, Sofia, Moldavie, Autriche, a interprété un chant.
Le pape a offert à la communauté de Barbu Lautaru un ostensoir en métal doré et cristal de roche pour l’adoration du Saint-Sacrement.
Puis le pape François a lu son allocution. Et, après la prière du Notre Père et la bénédiction finale, le pape a quitté Blaj pour rejoindre l’aéroport de Sibiu et repartir à Rome.
L’évêque dont l’église porte le nom, Ioan Suciu (Blaj, 1907- prison de Sighet, 1953), béatifié le matin même, a commencé à donner une série de sermons, au cours desquelles il fit valoir l’impossibilité d’un accord avec le communisme, après l’arrivée des communistes au pouvoir et l’interdiction de l’Église gréco-catholique par Staline en 1948.
Arrêté le 27 octobre 1948, il subit de durs interrogatoires pendant dix-sept mois. Il suivit le même parcours que six autres évêques gréco-catholiques roumains. Il mourut de faim à la prison de Sighetu Marmației dans la nuit du 27 juin 1953, entouré par ses confrères. Il fut enterré au cimetière des pauvres et sa tombe n’a jamais été identifiée.