"Qui est responsable de l'assassinat des moines de Tibhirine ?"

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CITE DU VATICAN, Jeudi 11 Décembre 2003 (ZENIT.org) – La famille de l’un des moines assassinés en Algérie et Dom Veilleux, Père Abbé de l’abbaye de Scourmont,en Belgique, se sont constitués partie civile dans le procès « pour comprendre les assassinats de Tibhirine », annonce l’agence catholique belge « CathoBel » (www.cathobel.be), dans la dépêche ci-dessous que nous reprenons intégralement avec l’aimable autorisation de l’agence.

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Plus de sept ans après l’assassinat de sept moines trappistes du monastère de Tibhirine, situé à une centaine de Km au sud d’Alger, une plainte contre X a été déposée à Paris pour « assassinat », « séquestration » et « enlèvement ». La famille de l’un des moines assassinés ainsi que le père Armand Vielleux, procureur général de l’ordre des cisterciens au moment des faits, ont saisi la justice française ce 9 décembre. Pour le Père Abbé de Scourmont, à la cherche de la vérité depuis longtemps, c’est « le respect de la vérité et de la mémoire » des moines qui « commande » cette action en justice.

« Qui est responsable de l’enlèvement et de l’assassinat des moines de Tibhirine ? ». C’est pour obtenir -enfin – une réponse à cette question que des membres de la famille du P. Christophe Lebreton, l’un des sept moines trappistes assassinés en 1996 en Algérie, ainsi que le P. Armand Veilleux qui exerçait alors la fonction de procureur général de l’Ordre cistercien, ont décidé de saisir la justice.

Un procès, enfin

Selon la thèse officielle, communément admise, le seul responsable de l’enlèvement des moines dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 et de leur assassinat deux mois plus tard serait Djamel Zitouni, chef du groupe islamique armé (GIA), qui aurait agi par fanatisme religieux. Des témoignages d’anciens gradés ayant appartenu à l’armée ou aux services secrets, des révélations troublantes de militaires dissidents et les confidences d’anciens islamistes repentis sont venus semer le trouble dans cette affaire.

C’est en tenant compte « des révélations récentes qui tendent à démontrer que la version officielle est erronée, qu’il paraît cohérent que la justice française puisse établir la vérité », a déclaré l’avocat de la famille Lebreton et du père Veilleux. « Il est stupéfiant qu’il n’y ait pas eu d’enquête officielle, ni en Algérie, ni en France », a-t-il ajouté, précisant que la plainte déposée visait des faits de « séquestration », « enlèvement » et « assassinat », en tant qu’infractions de droit commun et non « en relation avec une entreprise terroriste ».

Faire la vérité sans diviser

Le 31 décembre 2002, s’appuyant sur ces éléments nouveaux, le P. Armand Veilleux, désormais Père Abbé de l’abbaye de Scourmont en Belgique (Chimay), exposait le scénario qui lui semblait « le plus vraisemblable ».

« Depuis six ans je n’ai cessé d’essayer de découvrir la vérité concernant les circonstances de l’enlèvement, la captivité et la mort de nos frères de Tibhirine. J’ai analysé attentivement tous les témoignages et toutes les « révélations » faites dans la presse ou recueillies dans des rencontres privées, les recoupant soigneusement avec l’aide de spécialistes dans ce genre de recherches. Récemment j’ai cru que le moment était venu d’évaluer chacune des hypothèses » expliquait-il alors. Il a ainsi rédigé un document qui n’était pas d’abord privé puis publié ‘Le Monde’, sous une forme abrégée.

Selon lui, l’entêtement des moines à vouloir rester à Tibhirine « agaçait » les chefs militaires. Les chefs de la sécurité militaire auraient donc fait enlever les moines par des hommes recrutés par Djamel Zitouni, avec l’intention de les faire libérer par l’armée et les renvoyer en France. L’affaire aurait dérapé parce qu’une autre branche du GIA se serait emparée des otages. Dès lors, toutes les démarches faites par la sécurité militaire algérienne ou la DST française pour les libérer auraient été vaines. Grand doute également sur les conditions de leur mort.

Pour l’essentiel, ces éléments sont repris dans la plainte avec constitution de partie civile déposée au tribunal de grande instance de Paris. Les membres de la famille de F. Christophe et le P. Armand Veilleux attendent aujourd’hui qu’une enquête judiciaire soit ouverte avant le délai légal de prescription dans deux ans et demi. « Le respect de la vérité et de leur mémoire le commande », explique Dom Armand dans les lignes du journal ‘La Croix’. Pour Dom André Barbeau, abbé d’Aiguebelle jusqu’en 2001 et donc responsable immédiat de Tibhirine, la démarche des familles est « légitime ». Il souhaite simplement qu’il soit possible de « faire la vérité sans diviser » et de « préserver la communion » entre les familles, les chrétiens et les musulmans, les Algériens et les Français que les Frères, dans le silence, « ont cherché à vivre ». Toujours dans ‘La Croix’, Mgr Henri Teissier, archevêque d’Alger, regrette quant à lui une démarche « en contradiction absolue avec ce que les Frères de Tibhirine ont vécu, avec le message de solidarité humaine et spirituelle qu’ils ont laissé ».

Lire Plus:
« La mort des moines de Tibhirine : faits, questions et hypothèses », Dom Armand Veilleux, (31/12/2002) : http://users.skynet.be/bs775533/Armand/wri/hypotheses-1.htm

« Tibhirine : vers une enquête », (La Croix, 10/12/2003) : http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=1080383=4078

« Chronique des années de sang. Algérie : comment les services secrets ont manipulé les groupes islamistes », Mohammed Samraoui, Éditions Denoël, Paris 2003.
© CathoBel

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ZENIT Staff

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