Rencontre sur la protection des mineurs, 22 février 2019 © Vatican Media

Rencontre sur la protection des mineurs, 22 février 2019 © Vatican Media

Protection des mineurs: «On ne rend pas service à l’Église si on ne fait pas la vérité», déclare Mgr Desfarge

L’archevêque d’Alger a participé au sommet de Rome

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Dans le domaine de la protection des mineurs, « il faut faire la vérité, ne pas vouloir cacher », affirme Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger : « on ne rend pas service à l’Église si on ne fait pas la vérité ».
Présent lors des 4 jours de la rencontre sur « La protection des mineurs dans l’Église » (21-24 février 2019) au Vatican, l’archevêque a accordé une grande interview à Vatican News du 25 février 2019 (Manuella Affejee). Il a souligné que c’est « la question du silence » qui avait particulièrement retenu son attention.
Il faut « dire ‘oui… Il y a du malheur, il y a du drame. Faisons la vérité’, affirme Mgr Paul Desfarges : « Ce chemin-là me parait important et ce n’est que ce chemin de vérité qui permettra de trouver des chemins de guérison, de paix pour les victimes, et aussi, si on peut, pour ceux qui ont commis des choses qui ne sont pas acceptables. »
« Savoir davantage pleurer »
En évoquant les témoignages des victimes des abus, Mgr Desfarges a cité les paroles du cardinal Tagle, qui avait souligné que « les blessures des victimes sont les blessures du Christ ». « Ça me bouleverse, a dit l’archevêque. Je ne peux pas ne pas entendre la souffrance du Christ dans la souffrance de ces victimes… J’entends les pleurs de Jésus et quand le pape nous dit, ‘peut-être n’avons-nous pas encore assez pleuré…’, je crois que c’est une grâce que je demande : de savoir davantage pleurer. »
« Il nous faut beaucoup de cœur, de liberté profonde, de miséricorde pour accueillir jusqu’au bout le malheur des victimes », a-t-il poursuivi. « Il faut qu’elles sentent qu’elles sont entendues comme elles sont, en pouvant dire les mots qu’elles emploient sans avoir l’impression que ‘ce n’est pas bien’, et ça, ça me parait très important. » Il est aussi important, a souligné Mgr Desfarges, de dire à la victime « tu n’es pas coupable », car souvent la victime retourne « la culpabilité sur elle ». « Je crois que cette dimension-là a été bien exprimée, bien entendue durant ces jours-ci et je pense qu’on ne repart pas comme avant. »
Au cours de la rencontre, a expliqué aussi l’archevêque, « les témoignages des victimes sont été des moments forts qui imposaient le silence, et on aurait voulu dire : ‘arrêtons, laissez-nous entendre jusqu’au bout la souffrance de ses personnes’, et je crois que ça, c’est le chemin le plus important qui a été fait déjà depuis un certain temps, et qui continue d’être fait par tous les évêques du monde. C’est la prise de conscience de la destruction intérieure, profonde, qui s’est opérée chez les victimes suite à ces actes pédophiles invraisemblables ».
Mgr Desfarges a réfléchi aussi à une autre question importante : « Comment faire avec ceux qui ont abusé ? » Certes, « il y a des sanctions, des choses qui sont prévues par la loi civile, il faut faire la vérité, que la justice passe, mais ça reste des frères humains… Ils ne sont pas à rayer de la carte ! Comment les accompagner ?»
« Cette question est ouverte, a-t-il dit. Suivant les pays, suivant les contextes, il y a des solutions diverses, mais on ne peut pas ne pas réfléchir aussi à cette question, parce que la miséricorde, elle est aussi pour eux… » « Souvent, a expliqué l’archevêque, ces abuseurs ont été eux-mêmes abusés ou ont vécu dans des conditions pas évidentes du tout. Faisons la vérité, allons jusqu’au bout, mais il faudrait sauver tout le monde… »
« C’est un petit frère de Jésus qui a mal ! »
C’est important, a aussi souligné Mgr Desfarges, « que ce travail que nous faisons dans notre Église – malgré ses piétinements, ses difficultés, mais elle avance ! – puisse être entendu, que ça donne à d’autres le courage de faire la vérité, que cela puisse être une aide, un encouragement pour les autres institutions ».
En Algérie, a-t-il raconté, un de ses collègues a parlé avec un imam qui « lui a dit : ‘vous, dans l’Église, vous avez le courage d’aborder ces questions, nous, nous n’avons pas ce courage’».
En citant les paroles de l’Évangile : « comme c’est malheureux quand le scandale arrive pour un seul de ces petits !», l’archevêque d’Alger a dit : « Ces petits frères de Jésus, qu’ils soient chrétiens ou musulmans ou n’importe, ce n’est pas le problème… C’est un petit frère de Jésus qui a mal ! Et ce n’est pas supportable… »
L’Église en Algérie « est très limitée, a-t-il poursuivi, elle est très étrangère. Nous avons nos services Caritas, donc c’est pour ça, par tel ou tel biais, que nous avons accueilli certaines femmes de passage, migrantes, avec des petits enfants. On parle aussi en Algérie d’enfants des rues, il y a des associations qui s’en occupent. Mais comme structure d’Église, nous sommes encore peu armés pour aider ».
« Dans chaque diocèse, a-t-il dit, on a ouvert des cellules d’écoute et on les a affichées, et puis dans le diocèse d’Alger, j’ai constitué une commission, au cas où. Jusqu’à présent, nous n’avons pas de dénonciation ou d’abus sexuel sur mineur qui a été signalé, mais nous ne sommes pas à l’abri. »
 

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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