« Pourquoi je t’aime , ô Thérèse », homélie de Mgr Guy Gaucher

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A l’occasion de son départ

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ROME, Vendredi 1er juillet 2005 (ZENIT.org) – A l’occasion de son homélie de départ, Mgr Guy Gaucher s’adresse à Thérèse de Lisieux (cf. http://therese-de-lisieux.cef.fr) en ces termes :

Homélie de Mgr Gaucher, le 19 juin dernier

A l’heure où mon ministère épiscopal va s’exercer autrement – car la mission continue -, je veux rendre grâce pour cette jeune femme, « phare de ce siècle » comme disait le P. Congar, par une méditation, un témoignage qui pourrait s’intituler :

« Pourquoi je t’aime , ô Thérèse. »
[…]je ne puis que répondre – parce que c’est toi. Ce qui, évidemment, n’explique rien. Pourtant, on me demande de donner des raisons. Alors cherchons-en.

-Je t’aime parce que tu demeures une surprise permanente, une personnalité insaisissable, déroutante.
Tu n’as rien de commun avec cette image pétrifiée que j’imaginais autrefois.[…] Tu ne doutes de rien. Par amour encore, tu deviens « folle » en septembre 1896, souffrant des désirs infinis qui oppressent ton cœur : tu veux être prêtre, docteur de l’Eglise, missionnaire, martyre… Est-ce raisonnable ? Non. Tu le sais mais tu ne renonces pas. Il faut que tu trouves une solution et tu la trouveras.

-Je t’aime parce que ta « petite voie », eureka génial, retrouve le cœur de l’Evangile à une époque où les chrétiens étaient écartelés par une multitude d’obligations, d’œuvres, de pratiques souvent craintives, obsédés par la Justice de Dieu.
Tu vas droit à l’essentiel avec ta simplicité limpide comme une source, inflexible comme l’acier. « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Evangile. Ce livre-là me suffit ».

-Je t’aime parce tu es restée une enfant, ou plutôt, tu as retrouvé toutes les grâces de l’enfant dans l’âge mûr, privilège si rare.
A douze-treize ans, tu devais être insupportable avec tes larmes intarissables ; tes airs de Madeleine qui « pleurait d’avoir pleuré ». Quel contraste avec ta maturité des dernières années (tu as un peu plus de vingt ans) qui te fait rechercher par des carmélites âgées.

-Je t’aime pour ton sens de l’humour, la lucidité sur toi-même et ceux qui t’entourent. […] Mais d’abord tu aimes les humains, surtout les pauvres de ta communauté. Ta vocation de solitude – ô paradoxe – a pleinement épanoui ta nature de femme. Ton affectivité d’abord si perturbée (tu étais mal partie dans la vie : la perte de tes mères successives, ta maladie grave, tes scrupules, tes « peines d’âme », ton hypersensibilité) s’est équilibrée […] Tu as évolué avec une liberté étonnante à travers les petitesses, les incompréhensions d’une vie cloîtrée, sans mépriser personne, en faisant attention à chacune en l’aimant telle qu’elle était.

-Je t’aime parce que tu es vraie, aimant la vérité, luttant pour elle, dépistant impitoyablement les faux-fuyants, les petites hypocrisies « pieuses ».

-Je t’aime parce qu’à la fin de ta vie tu es entrée dans les ténèbres et que tu t’es assise à « la table des pécheurs ».
Tu es sortie du ghetto catholique qui regardait ces « grands pécheurs » du haut de sa bonne conscience. Ton « premier enfant » tu vas le chercher en prison alors qu’il attend la guillotine. Henri Pranzini mourra pardonné sans savoir ce qu’il te doit, mais toi, tu ne l’oublieras jamais. Tes compagnons se nomment encore Hyacinthe Loyson, ex-provincial des carmes, marié, révolté contre l’infaillibilité pontificale : tu le considères comme ton « frère ». Rivée sur ton lit de douleur, tu offres ta dernière communion pour lui et tes souffrances pour René Tostain, cet athée moralement irréprochable qui a épousé ta cousine Marguerite Maudelonde. Tu as connu l’épreuve de la foi affrontée au silence de Dieu, aux appels vertigineux du « néant », la tentation du suicide, les souffrances physiques et morales multiformes. A travers tout cela, tu as gardé l’espérance de l’audacieuse qui joue toute sa vie sur son amour, sans jamais jouer à la stoïcienne, en restant petite, vulnérable.

-Je t’aime parce que tu m’as révélé l’esprit du Carmel et que par toi, il a inspiré d’innombrables êtres à se livrer à l’Amour, au cœur de l’Eglise, par la prière gratuite et silencieuse.
Patronne universelle des missions, tu es la preuve de l’efficacité mystérieuse de cette prière cachée. Toute ta vie posthume le montre, le crie. Petite carmélite inconnue, tu as inspiré Vatican II, tu es maîtresse de vie pour des générations, dans toutes les couches de la société. […]

-Je t’aime enfin comme signe, reflet, preuve (quel mot employer ?) de l’Amour Miséricordieux du Père manifesté au monde par Jésus et son Esprit qui souffle où il veut.
Si la Trinité a fait de toi ce « chef d’œuvre de la nature et de la grâce », il faut la remercier dans un silence d’adoration. « Pour toi Dieu, même le silence est louange » (Ps. 64).

-Je t’aime parce que tu es une intrépide missionnaire de Jésus dans notre monde sécularisé.
En dix-sept ans de présence à Lisieux, j’ai pu constater, au contact de ces foules qui viennent du monde entier, la puissance de ton action sur les cœurs, pour les gens de tous milieux sociaux, de tous pays, de toutes langues.
J’ai eu aussi la grâce de constater l’impact incroyable de tes voyages à travers le monde. Depuis 1994, tes Reliques parcourent les cinq continents, je l’ai vu de mes yeux : en Italie, en Belgique, à New-York, aux Philippines, à Hong-Kong, au Canada, en Russie, au Liban, au Bénin, en Pologne… Tu es vraiment une sœur universelle.

-Je t’aime parce que tout ce que tu as écrit est vrai et tu tiens toujours tes promesses:
« Je passerai mon Ciel à faire du bien sur la terre jusqu’à la fin du monde. »

-Je t’aime enfin parce qu’une de tes promesses s’est réalisée le 19 octobre 1997, cent ans après ta mort :
« Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs… » (Ms B, 3 r°)

Ici je voudrais associer à mon action de grâces le Pape Jean-Paul II. Tout mon épiscopat s’est déroulé sous son Pontificat.
Thérèse a été déclarée Docteur de l’Eglise, à 24 ans, c’est bien grâce à lui, reconnaissant que son « génie féminin » apportait une contribution capitale à la « Science de l’Amour divin. » (Titre de sa Lettre Apostolique, 19/10/1997).
Belle occasion de rendre grâces aussi pour Jean-Paul II, autre médiateur de la grâce divine pour notre monde. Comment douter, puisque sa Cause de Béatification sera ouverte le 28 juin prochain – procédure exceptionnelle – qu’il ne rejoigne bientôt son amie Thérèse sur les autels?
[…] Oui, merci Seigneur, de nous avoir donné sainte Thérèse de Lisieux. Loué sois-tu pour celle qui a répondu totalement à l’appel de ton Amour Miséricordieux.
Voilà quelques raisons qui font que je t’aime, ô Thérèse.

Guy GAUCHER, ocd
évêque auxiliaire du diocèse de Basilique de Lisieux
19/6/2005

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ZENIT Staff

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