Mgr Auza a rappelé que le Traité de 1967 sur « les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes » visait à garantir que ces activités « soient menées dans l’intérêt de tous les pays » et interdisait « de placer en orbite terrestre ou de placer dans l’espace extra-atmosphérique des armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive ». Pourtant, a-t-il fait observer, « il est difficile de reconnaître les progrès réalisés en matière de désarmement »
Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation des Nations Unies, est intervenu à la soixante-treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, lors du débat thématique de la première Commission intitulé : Prévention d’une course aux armements dans l’espace, à New York, le 24 octobre 2018.
Le représentant du Saint-Siège a félicité la Commission de désarmement des Nations Unies pour son travail en vue d’établir des mesures de transparence et de renforcement de la confiance dans l’espace. Il a aussi proposé de « renforcer la confiance des États quant au caractère pacifique des activités menées dans l’espace » par la présence d’observateurs ou l’établissement d’une « Agence internationale de surveillance par satellite ».
Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Auza.
HG
Déclaration de Mgr Bernardito Auza
Monsieur le Président,
Il est difficile de reconnaître les progrès réalisés en matière de désarmement, ou même de sites actifs où des progrès pourraient être réalisés. Les publications et articles traitant du désarmement, qu’il s’agisse de systèmes de missiles offensifs ou défensifs, d’ogives nucléaires ou des avancées technologiques en matière d’espace, signalent le peu d’activité des forums de négociation alors qu’il existe des programmes importants pour la mise au point de systèmes de remplacement des armes nucléaires et pour les technologies défensives et offensives susceptibles d’être déployées ou utilisées dans l’espace extra-atmosphérique.
Le Traité de 1967 sur les Principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, entré en vigueur seulement 10 ans après le lancement des premiers satellites en orbite terrestre, constitue l’accord fondamental régissant ce vaste environnement, s’étendant sur des milliards de kilomètres dans toutes les directions.
Comme son article premier l’indique clairement, le traité vise à garantir que « l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, soient menées dans l’intérêt de tous les pays, quel que soit leur degré de développement économique ou scientifique, et qu’elles appartiennent à l’humanité tout entière ». À l’article IV, il est interdit de placer en orbite terrestre ou de placer dans l’espace extra-atmosphérique des armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive. Heureusement, cet article a résisté à l’épreuve du temps, bien qu’il y a trois décennies, on se soit intéressé aux systèmes destinés à contrer les attaques par des missiles balistiques, dont l’un envisageait d’utiliser un explosif nucléaire pour générer un faisceau laser afin de détruire une arme balistique.
Monsieur le Président,
Aujourd’hui, l’intérêt de déployer dans l’espace des systèmes conçus pour contrer les attaques utilisant des missiles balistiques, ou peut-être d’autres technologies de lancement, reste d’actualité. Cela coïncide avec l’intérêt de déployer des systèmes conçus pour attaquer et détruire les satellites. Le chevauchement de ces technologies est évident depuis de nombreuses années. Il souligne l’importance, premièrement, de rechercher les moyens de mettre un terme à la concurrence actuelle dans le domaine des armes nucléaires et, d’autre part, d’engager un processus mondial visant à éliminer ces armes.
À cet égard, l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique pour surveiller les activités sur la terre est devenue extrêmement importante. Auparavant, les accords initiaux de maîtrise des armements, y compris les accords sur la limitation des armements stratégiques entre l’URSS et les États-Unis, dépendaient explicitement des « moyens techniques nationaux » de vérification. Aujourd’hui, l’importance de tels moyens est largement reconnue comme essentielle pour le suivi et la vérification des accords de réduction et d’élimination des armes nucléaires, ainsi que des engagements multilatéraux tels que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
En conséquence, le Saint-Siège se félicite du lancement des travaux de la Commission du désarmement des Nations Unies (UNDC) sur les mesures de transparence et de renforcement de la confiance (MTRC) dans l’espace (initiative du Conseil de sécurité des Nations Unies), au début de cette année, initiative que ma délégation a entérinée l’année dernière.
Les mesures de transparence et de renforcement de la confiance ne se substituent pas à d’autres engagements juridiquement contraignants régissant les activités dans l’espace, destinés à renforcer la stabilité et la paix dans le monde, mais ils peuvent apporter un soutien considérable à la réalisation de cet objectif. Nous attendons avec intérêt l’élaboration et la recommandation en vue de l’adoption de mesures substantielles de transparence et de renforcement de la confiance dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique à la suite des travaux de l’UNDC.
Monsieur le Président,
En ce qui concerne la transparence dans les activités axées sur les aspects militaires de la sécurité, dans la recherche et dans le développement de technologies, il est important que les autres États ne se sentent pas obligés de réagir par des activités concurrentielles. Avec une telle transparence, les États auraient la certitude que personne ne progresserait dans la mise au point de systèmes d’armes, mais en d’autres termes s’engagerait dans une sorte de « course aux armements ». Cette transparence peut faire l’objet d’une surveillance réciproque par des moyens techniques nationaux et internationaux. Dans les années 1970, les Nations Unies ont envisagé la possibilité de créer une agence internationale de surveillance par satellite (ISMA).
Il est possible de revenir à cette proposition et de déterminer si le moment est venu de créer une telle agence, afin de fournir des informations, sur une base ouverte, concernant les activités liées au lancement d’objets dans l’espace ou à la direction d’énergie vers des satellites ou d’autres objets, dans l’espace. Les États peuvent également accepter de faire connaître leurs sites de lancement pour envoyer des objets dans l’espace extra-atmosphérique ou pour diriger de l’énergie sur des objets ou des emplacements dans l’espace. C’est-à-dire qu’ils peuvent accepter une telle transparence en rendant compte de leurs activités dans l’espace ou en cours de réalisation dans cet espace.
Afin de renforcer la confiance des États quant au caractère pacifique des activités menées dans l’espace, nous pouvons penser à la présence d’observateurs d’autres nationalités, par exemple des responsables d’une Agence internationale de surveillance par satellite (ISMA) ou d’un organisme des Nations Unies apparenté, dans leurs installations de lancement. Les États peuvent annoncer les charges utiles transportées par leurs lanceurs et ces charges utiles peuvent être inspectées par les observateurs avant leur lancement.
Une attention particulière devrait également être accordée aux activités dans les domaines des missiles balistiques et de la défense antimissile balistique. Les États devraient accepter d’accroître la confiance des utilisateurs en évitant de tester de tels systèmes liés à la balistique comme mode antisatellite. Un accord stipulant que les tests ne seront pas effectués sur des objets dans l’espace, avec des moyens cinétiques ou non cinétiques, constituerait une autre mesure importante pour renforcer la confiance.
Les États qui lancent des objets dans l’espace dans le but d’approcher d’autres satellites ou véhicules spatiaux, que ce soit les leurs ou d’autres, devraient convenir de prévenir au préalable de telles actions. Il faudrait envisager de créer des zones de « maintien » autour d’objets spatiaux dans lesquelles on n’entrerait qu’avec l’assentiment préalable de l’État ou de toute autre institution à laquelle l’objet appartient.
Monsieur le Président,
Une course aux armements peut être empêchée, surtout, en menant autant que possible des activités dans l’espace extra-atmosphérique sur une base multilatérale. Le grand succès de la Station spatiale internationale en est un exemple. L’implication multilatérale est un signe de transparence et renforce la confiance dans le fait que les activités ne visent pas à arsenaliser l’espace extérieur.
En temps voulu, tout ou partie de ces mesures de confiance peuvent être converties en engagements juridiquement contraignants, renforçant encore la stabilité et la paix dans l’espace, si ce n’est ici-bas. L’espace extra-atmosphérique pourrait donc rester un espace où l’objectif de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace serait plus facile à satisfaire.
Merci, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat