Pour Mgr Auza, « les actes ou délits associés à la traite des personnes en situation de conflit peuvent constituer des crimes de guerre ». Il faut appliquer pleinement la justice pénale internationale pour « être efficaces dans notre lutte contre ce crime odieux », affirme-t-il.
Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, est intervenu lors du débat public du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales : Traite des personnes en situation de conflit, à New York, 21 novembre 2017.
Tout en saluant des « progrès et des efforts significatifs » dans la lutte, Mgr Auza fait observer que « beaucoup reste à faire pour améliorer la coordination entre les gouvernements, la justice, les responsables de l’application des lois et la société civile ».
Voici notre traduction du discours en anglais prononcé par Mgr Auza.
HG
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège remercie la Présidence italienne d’avoir convoqué le débat d’aujourd’hui et de maintenir la question de la traite des personnes en situation de conflit au centre des préoccupations du Conseil de sécurité.
La résolution 2331 (2016) du Conseil de sécurité, adoptée un an après la déclaration présidentielle 2015/25 de la toute première réunion du Conseil sur la traite des personnes, fait référence à la corrélation entre la traite des personnes, la violence sexuelle, les conflits armés et le terrorisme, et le crime organisé transnational. Le Conseil a souligné que les actes ou délits associés à la traite des personnes en situation de conflit peuvent constituer des crimes de guerre. Cependant, le plein potentiel de la justice pénale internationale doit être exploité si nous voulons être efficaces dans notre lutte contre ce crime odieux.
Pour éradiquer la traite des personnes, nous devons affronter toutes ses causes économiques, environnementales, politiques et éthiques, mais il est particulièrement important de prévenir et de mettre fin aux guerres et aux conflits qui rendent les personnes particulièrement vulnérables à la traite. Les guerres et les conflits violents sont devenus la principale force motrice du déplacement forcé des êtres humains. [1] Cette situation est un environnement propice pour les trafiquants d’êtres humains, qui exploitent de plus en plus cette situation humanitaire tragique pour cibler eux-mêmes les réfugiés, les migrants forcés et les personnes déplacées dans leurs entreprises criminelles. Tant que les guerres et les conflits font rage, la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé et de crimes similaires continuera de prospérer. L’un des moyens les plus efficaces d’éradiquer la traite des personnes est donc de prévenir les confits et de mettre un terme aux guerres.
En outre, les efforts visant à mettre un terme aux conflits violents devraient s’accompagner de mesures visant à protéger les populations touchées contre les trafiquants, en particulier les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants. À cet égard, le Saint-Siège souhaite souligner l’importance de la mise en œuvre de la Responsabilité de Protéger dans le contexte des crises migratoires et des réfugiés, qui facilitent la traite des personnes. Lorsque les États et la communauté internationale ont échoué à protéger les populations contre les guerres et les atrocités telles que les gens se sont sentis obligés de fuir leur foyer, nous avons tous la responsabilité urgente de les protéger contre d’autres dommages, notamment tomber entre les mains des trafiquants. La criminalisation des migrants forcés, et des migrants clandestins et irréguliers en général, exacerbe leurs vulnérabilités, les enfonce davantage dans les griffes des trafiquants et d’autres formes extrêmes d’exploitation et les rend moins susceptibles de collaborer avec les forces de l’ordre pour attraper et punir les trafiquants.
Monsieur le Président,
Atteindre les cibles spécifiques des objectifs de développement durable (ODD) visant à mettre fin à la traite des personnes fait partie intégrante de nos efforts. La cible 5.2 vise à éliminer toutes les formes de violence contre toutes les femmes et les filles… y compris la traite et l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation ; la cible 8.7 vise à prendre des mesures immédiates et efficaces pour éradiquer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite des êtres humains, et 16.2 sur la promotion de sociétés pacifiques et inclusives, vise à mettre fin aux abus, à l’exploitation, au trafic et à toutes les formes de violence et de torture contre les enfants.
Tout comme le Programme de développement durable dans son ensemble, ces objectifs sont des défis immenses qu’aucun individu, aucune organisation ni aucun État ne peut atteindre seul. Mais, jusqu’à présent, la réponse à ces objectifs et à la traite des personnes en général n’a pas été à la hauteur du défi. En dépit des progrès et des efforts significatifs, comme la Réunion de haut niveau sur le Plan d’action mondial de l’ONU sur la lutte contre la traite des personnes qui s’est tenue les 27 et 28 septembre de cette année, beaucoup reste à faire pour améliorer la coordination entre les gouvernements, la justice les responsables de l’application des lois et la société civile.
De même, les dirigeants et les adeptes de diverses religions à travers le monde doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir, au sein de leurs communautés respectives et au-delà, pour sauver les millions d’enfants, de femmes et d’hommes forcés à vivre dans des conditions d’esclavage. Dans ce contexte, ma délégation souhaite remercier toutes les organisations confessionnelles et les communautés religieuses, en particulier les religieuses, qui sont depuis longtemps à l’avant-garde de la lutte contre la traite des êtres humains, et qui sont engagées à accompagner avec amour et attention les survivants sur le long chemin de retour à une vie dans la liberté et la dignité.
Monsieur le Président,
A l’occasion de la Journée mondiale contre la traite des personnes en juillet dernier, le pape François nous a tous mis en garde contre le risque de « s’habituer » à la traite des personnes, la considérant comme « quelque chose de normal » alors qu’en réalité c’est « horrible », cruel, criminel, une peste aberrante, une forme moderne d’esclavage, un crime contre l’humanité ». [2] En son nom, ma délégation renouvelle l’appel à un engagement universel pour mettre fin à ce crime odieux.
Merci, Monsieur le Président.
- Selon le rapport annuel Global Trends du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 65,6 millions de personnes, soit les niveaux les plus élevés depuis la Seconde Guerre mondiale, ont été déracinées de leurs foyers par les guerres, les conflits et les persécutions fin 2016.
- Pape François, Journée mondiale contre la traite des personnes, 30 juillet 2017, et son discours aux participants à la Conférence internationale sur la traite des êtres humains, Cité du Vatican, 10 avril 2014.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat