Nigeria : Des enjeux politiques derrière les heurts entre chrétiens et musulmans

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Déclarations de l’archevêque d’Abuja, Mgr Olorunfemi Onaiyekan

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ROME, dimanche 24 novembre 2002 (ZENIT.org) – “Il est difficile de comprendre ce qui est en train de se passer au Nigeria: il me semble clair que ce n’est pas un affrontement entre chrétiens et musulmans, mais quelque chose de peu compréhensible qu’il faut élucider au plus vite ». C’est ce qu’a déclaré Mgr John Olorunfemi Onaiyekan,
archevêque d’Abuja, capitale politique du Nigeria, à l’agence Misna.

Jeudi, les heurts ont entraîné la mort de plus de cent personnes à Kaduna, capitale de l’Etat de Kaduna (nord). Vendredi, les désordres se sont étendus à Abuja, dans la zone de la mosquée, au terme de la prière du vendredi.

« Qu’a-t-il été dit durant l’office religieux? » se demande l’archevêque, également président de la Conférence Episcopale Nigériane, « peut-être que quelqu’un pense tirer un avantage politique de ce climat de tension et de ce désordre ».

La furie des extrémistes islamiques a été suscitée par un article jugé blasphématoire publié sur le quotidien indépendant This Day. Il liait le nom du prophète Mahomet au concours de beauté Miss
Monde, prévu dans le pays début décembre. « Cela fait plusieurs mois que le monde islamique exprime son hostilité au concours mais il convient de préciser que cette initiative n’a pas été organisée par les chrétiens ».

Selon Mgr Onaiyekan, « nos amis musulmans ont eu une réaction exagérée. Je ne crois pas que ces affrontements aient été provoqués par Miss Monde et je ne pense pas non plus qu’un article de journal puisse être à l’origine de la mort de dizaines de personnes ».

Selon l’archevêque, « les déclarations de certains chefs religieux ont été de véritables incitations au désordre. Le gouvernement devrait les rappeler à l’ordre et les inciter à remédier à leurs propos ».

Mgr Onaiyekan montre également du doigt les autorités civiles, accusées de ne pas savoir sauvegarder la sécurité des citoyens: « Le gouvernement devrait réagir plus fermement, au moins pour assurer l’ordre public ».

« Quand les autorités ont décidé d’accueillir le concours de Miss Monde » déclare encore à l’agence Misna l’archevêque d’Abuja, « j’ai immédiatement pensé que le Nigeria avait besoin d’autre chose en ce moment. Mais ce n’est pas pour cela que j’ai invité les fidèles à descendre dans les rues pour protester ». Ce concours est considéré outrageux par les intégristes islamiques, contraires à l’exhibition de la beauté des participantes en tenue légère.

« Il suffirait de ne pas regarder l’élection à la télévision ou de ne pas y participer, mais il
est inacceptable que le pays finisse en proie à la violence à cause d’un concours de beauté. Les causes sont diverses et j’espère réussir à les élucider au plus vite » poursuit l’archevêque.

Bien que la Constitution nigériane consacre la laïcité de la Fédération nigériane, 12 des 36
Etats qui la forment ont adopté la loi islamique au cours de ces trois dernières années. L’épiscopat nigérian lutte contre cette mesure: « Nous, évêques du Nigeria, avons protesté il y a trois ans déjà contre le gouvernement à cause de l’introduction de la Charia. Permettre son entrée en vigueur signifie encourager un fanatisme et un extrémisme islamique duquel notre pays n’a rien à gagner ».

L’archevêque d’Abuja souhaite réussir à « trouver la manière de vivre ensemble ». Nous, chrétiens, poursuit l’archevêque, « nous nous efforçons d’être tolérants. Mais je dois souligner que face à l’opposition de la communauté musulmane au concours de Miss Monde, personne n’a demandé l’avis des chrétiens ou des autres Nigérians ».

Le prélat met en outre en évidence la tendance au radicalisme d’une partie de la communauté islamique: « en vue des élections, certains tentent de tirer un avantage des situations de crise et de désordre. On ne comprend pas bien de qui il s’agit parce que ces personnes ne se font pas voir au grand jour et pour l’instant, elles se limitent à utiliser le langage religieux ».

© Misna

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ZENIT Staff

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