Migrants et réfugiés : Ce que fait l’Eglise et ce qu’elle propose

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Rapport du Conseil pontifical pour les migrants

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ROME, Mercredi 17 février 2010 (ZENIT.org) – Combattre « la discrimination, la xénophobie et le racisme », et « neutraliser les craintes raciales et culturelles, ainsi que le soupçon et la méfiance » : ce sont les objectifs recommandés par le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement qui encourage pour cela plus de « visibilité » et la « promotion de l’action de l’Église dans le domaine de la migration » et fait des propositions jusqu’à la mise en place d’une autorité mondiale pour ces questions.

En effet, le dicastère romain publie le document final (en date du 18 janvier) du VIe Congrès mondial de la pastorale des migrants et des réfugiés qui s’est tenu du 9 au 12 novembre 2009, au Vatican, sur le thème : « Une réponse pastorale au phénomène de la migration dans l’ère de la mondialisation. Cinq ans après l’Instruction Erga Migrantes Caritas Christi ».

Ce congrès – œcuménique – a rassemblé 320 délégués de tous les continents – des cardinaux, un patriarche d’une Église Catholique Orientale, des archevêques et évêques, des prêtres, des hommes et des femmes appartenant à des congrégations religieuses, des agents pastoraux, des représentants de mouvements ecclésiaux ou d’associations laïques – mais aussi des délégués fraternels du Patriarcat Œcuménique, de la Communion Anglicane, de la Fédération Mondiale Luthérienne et du Conseil Œcuménique des Églises. Il a bénéficié également de la participation d’ambassadeurs et de représentants des missions diplomatiques accréditées près le Saint-Siège, de membres d’organisations internationales et non gouvernementales, d’experts et de représentants d’organisations engagées au service des migrants et les réfugiés.Le Congrès avait été ouvert, le lundi 9 novembre 2009 par une messe présidée par le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, en la basilique Saint-Pierre.

L’instruction « Erga migrrantes caritas Christi »

Dans ses conclusions, le rapport final encourage plus de « visibilité » de l’action de l’Église pour les migrants, en particulier par une meilleure utilisation des moyens de communication modernes , de façon notamment à « contrebalancer la couverture médiatique négative » grâce à des « programmes d’éducation » soulignant « la contribution positive des migrants à la société », et notamment « la richesse qu’ils produisent en tant que main d’œuvre bien qualifiée, dans le pays d’accueil et, à leur retour, dans le pays d’origine ».

Le congrès suggère aussi de « promouvoir la Journée mondiale catholique des migrants et des réfugiés, comme l’a demandé le Saint-Père, et en faire une célébration et un événement global unique, exprimant l’attention de l’Église envers les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ».

Enfin, cette promotion requiert, soulignent les participants, de « mettre en œuvre l’Instruction Erga migrantes caritas Christi » à travers, à la fois, « la promotion de campagnes internationales pour combattre publiquement la discrimination, la xénophobie et le racisme », la « promotion de rencontres interculturelles et de projets pour neutraliser les craintes raciales et culturelles, ainsi que le soupçon et la méfiance », et enfin, « le soutien aux migrants afin qu’ils puissent devenir les défenseurs d’eux-mêmes en manifestant des signes concrets de respect des lois, de la culture et des traditions du pays d’accueil ».

La pastorale catholique

Pour encourager la pastorale des migrants et des réfugiés dans l’Église catholique, le rapport final suggère de « renforcer les structures » de l’Église grâce à « la collaboration et la création de réseaux entre les évêques des pays d’accueil et de transit et ceux des pays d’origine », par exemple par « l’organisation de rencontres interdiocésaines destinées aux migrants ». Il souligne « l’importante contribution et l’expérience qu’offrent les instituts de vie consacrée, les sociétés de vie apostolique, les mouvements ecclésiaux, les groupes, les associations et les agences d’inspiration ecclésiale ».

Ce renforcement implique aussi des « cours spécifiques offrant une meilleure connaissance et compréhension du macro-phénomène de la migration et de ses implications pastorales » dans la formation des prêtres, des religieux, hommes et femmes, et des membres des mouvements ecclésiaux, ainsi que des groupes et des associations laïques, de façon notamment à faire connaître l’Instruction Erga migrantes caritas Christi et la Doctrine sociale de l’Église.

Un autre point de cette promotion serait de stimuler le travail des aumôneries, « pour mieux soutenir les communautés des migrants et les aider à préserver leurs cultures et leurs traditions religieuses en vue de leur intégration ». Le document souligne notamment l’importance de « réserver une attention particulière aux migrants et aux réfugiés appartenant aux Églises catholiques orientales » et à « leurs liens avec l’Église de leur rite.

Enfin, le document suggère la « mise en place des Commissions épiscopales nationales pour la pastorale des migrants et des réfugiés », ou de « désigner un évêque promoteur ».

Les « jeunes migrants »

Le document réserve une place spéciale à la question des « jeunes migrants » et invite à « transformer la migration en une opportunité pour l’évangélisation, dans le plein respect du choix de chacun ». Ceci requiert « de nouvelles structures qui répondent aux nécessités spécifiques des jeunes migrants et réfugiés, qui prennent en considération leurs points d’intérêt, et s’adresser en particulier aux mineurs non accompagnés », par exemple par « la promotion et le développement de mouvements sociaux d’inspiration ecclésiale pour l’intégration des jeunes migrants et en promouvant des actions pastorales et sociales incluant des initiatives éducationnelles ».

« On devrait encourager les Églises locales, ajoute le document final, à incorporer dans leurs programmes pastoraux la foi et la formation aux valeurs des enfants dont l’un des deux parents au moins est étranger, tandis que les Églises d’origine devraient être encouragées à développer des programmes répondant aux besoins des familles des migrants qui sont restées dans le pays ».

Les émigrés en prison

Pour les congressistes, il est également essentiel de favoriser « la vie en communauté et les différentes formes de collaboration », de façon à « réduire la méfiance réciproque croissante entre migrants et réfugiés et leurs communautés d’accueil ». Il s’agit donc de « promouvoir la collaboration entre les associations de migrants et de réfugiés et les différents acteurs de la société locale, aussi bien religieuse que civile, pour faciliter l’intégration à travers la création d’espaces de rencontre, de campagnes pour l’éradication de la discrimination, de la xénophobie et du racisme, et des services concrets d’intégration socioculturelle ».

Un point particulièrement épineux : il faudrait «  développer la collaboration entre la pastorale spécifique pour les migrants et la pastorale pour ceux d’entre eux qui sont privés de leur liberté (en prison ou dans les camps de détention) ».

Dimension œcuménique

Par ailleurs, le document souligne que « les migrants catholiques et tous les migrants chrétiens représentent pour l’Église une force missionnaire significative » et qu’ils sont donc « instamment appelés à être forts dans leur foi et à garder leur contact avec l’Église locale, où ils se trouvent, pour pouvoir jouer efficacement leur rôle missionnaire dans leurs pays d’accueil. De fait, l
a foi chrétienne a été « semée » dans le monde, en tout temps, surtout à travers des migrants ».

« L’activité œcuménique « en réseau » dans le domaine de la migration devrait être promue, car elle peut constituer une importante contribution à la paix et à la réconciliation, quand la diversité n’est pas considérée une raison d’exclusion, mais une opportunité d’enrichissement et de croissance », souligne le rapport final.

Coopération avec les gouvernements

Enfin, le rapport suggère de « développer et étendre la coopération de l’Eglise avec les gouvernements, la société civile et les autorités locales en vue de satisfaire les besoins des migrants et de défendre leur dignité et leurs droits », et en même temps, « l’Église doit conserver son autonomie dans ses efforts pastoraux, et tout accord avec les institutions civiles ne doit pas saper les obligations afférentes à sa nature ».

Le document suggère que « l’Église assume un rôle de médiation et de plaidoyer entre ceux-ci et les autorités locales, aussi en les soutenant d’un point de vue juridique, médical ou autre, en luttant contre le trafic d’êtres humain et l’exploitation, en protégeant les plus vulnérables, en insistant sur une approche basée sur le respect des droits et en promouvant la réunification familiale » et que les évêques « intensifient leur engagement en condamnant les violations des droits humains des migrants et en plaidant en faveur d’une attitude positive envers les migrants et les réfugiés dans leurs diocèses, mais aussi en suggérant que les bâtiments inutilisés servent de refuge temporaires et à satisfaire leurs besoins de base ».

« L’Église pourrait établir des réseaux de communication en vue de recueillir des informations sur les thèmes de la protection et des activités d’un grand intérêt pour les communautés locales et celles des migrants », suggère le même rapport.

Vers une « autorité politique mondiale »

Plus encore, il encourage un « dialogue international en vue de discuter et de revoir les politiques de renforcement des frontières, la détention arbitraire et la citoyenneté », de façon à aboutir à une « réforme internationale et complète de l’immigration », notamment pour défendre « un statut spécifique du migrant, impliquant les droits et les obligations, ayant un caractère temporaire ou visant une intégration à long terme ».

Le rapport mentionne également l’importance de garantir « une migration de retour sûre et volontaire » en veillant à ce que « les compétences qu’ils ont acquis soient reconnues et non gaspillées, afin qu’elles soient fructueuses pour le processus de développement local ».

De plus, on célèbre, en 2010 le 20ème anniversaire de la « Convention des Nations Unies sur la protection des droits de travailleurs migrants et des membres de leurs familles » : à cette occasion, les Conférences épiscopales pourraient « encourager sa ratification de la part des pays qui ne l’ont pas encore fait ». Quant au statut des demandeurs d’asile, il « devrait lui aussi constituer une préoccupation constante de l’Église et de ses agences ».

Enfin, le document final suggère que l’Église promeuve au niveau mondial, « le concept d’une « autorité politique mondiale » qui devrait traiter les thèmes de la migration, en contribuant ainsi concrètement au processus en cour à cet égard (cf. Caritas in veritate, 67) ».

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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