« L’étincelle révolutionnaire de la tendresse de Dieu » jaillit là où Marie et Joseph, contraints de « quitter leur terre » arrivent dans une terre « où il n’y avait pas de place pour eux » et « Marie met au monde, Marie donne la lumière ».
Le pape François a évoqué la Nativité dans son homélie de Noël, ce dimanche 24 décembre 2017, en la basilique Saint-Pierre, à l’occasion de la messe de la nuit de Noël. C’est le 5e Noël du pape François au Vatican et le 81e anniversaire de son baptême.
« La foi de cette nuit nous porte à reconnaître Dieu présent dans toutes les situations où nous le croyons absent », a fait observer le pape.
Il a aussi invité à une « nouvelle créativité sociale » à la lumière de la naissance de l’Enfant qui « dans sa pauvreté et dans sa petitesse, dénonce et manifeste que le vrai pouvoir et la liberté authentique sont ceux qui honorent et secourent la fragilité du plus faible ».
Il a invité à l’hospitalité et rappelé la situation des réfugiés contraints, comme la Sainte-Famille, de quitter leur terre, une Sainte-Famille qui arrive dans une terre qui n’est pas prête à l’accueillir.
Si Marie donné la lumière c’est qu’il y a ces ténèbres où l’humanité est en mode de « survie: « Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent.»
Il a conclu par une prière : « Émus par la joie du don, petit Enfant de Bethléem, nous te demandons que tes pleurs nous réveillent de notre indifférence, ouvrent nos yeux devant celui qui souffre. »
La messe de la nuit de Noël est ponctuée de six éléments particulièrement suggestifs. Au moment de la procession d’entrée, depuis 2008, les célébrants s’arrêtent au pied de l’autel pour écouter le chant de la Kalenda (Calende), un texte ancien qui annonce la naissance historique du Sauveur dans une récapitulation de l’attente universelle de l’Avènement du Seigneur.
Puis le pape s’approche ensuite de la statuette de l’Enfant Jésus encore voilée, pour la dévoiler et l’embrasser. Des enfants de différents continents – et cette année du Chili et du Pérou, où le pape se rendra fin janvier 2018 – s’approchent ensuite pour fleurir le santon.
Après le « Gloria », un gendarme et un pompier du Vatican vont placer le santon représentant l’Enfant Jésus dans la crèche napolitaine de la place Saint-Pierre.
Après la lecture de l’Evangile, le diacre va placer l’Evangéliaire en trône derrière la statuette our manifester que le Verbe s’est fait petit enfant.
Lors de la prière du credo, le pape et l’assemblée s’agenouillent au moment de dire « Et il s’est fait homme ».
Sixième moment, à la fin de la célébration, le pape va prendre la statuette qu’il embrasse à nouveau et porte, accompagné des enfants et de leurs fleurs, jusqu’à la grande crèche baroque allemande offerte à Jean-Paul II en 1985. Le diacre place alors la statuette à sa place, dans la lumière. Le pape encense la crèche, les enfants déposent leurs fleurs et raccompagnent le pape jusqu’à la sacristie.
AB
Marie «mit au monde son fils premier-né; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune» (Lc 2, 7). Par cette expression simple mais claire, Luc nous conduit au cœur de cette nuit sainte: Marie mit au monde, Marie nous donna la Lumière. Un récit simple pour nous immerger dans l’événement qui change pour toujours notre histoire. Tout, dans cette nuit, devenait source d’espérance.
Retournons en arrière de quelques versets. Par décret de l’empereur, Marie et Joseph se sont vus obligés de partir. Ils ont dû quitter leurs proches, leur maison, leur terre et se mettre en route pour être recensés. Un trajet pas du tout commode ni facile pour un jeune couple qui était sur le point d’avoir un enfant: ils étaient contraints de quitter leur terre. Dans leur cœur, ils étaient pleins d’espérance et d’avenir à cause de l’enfant qui était sur le point de naître; leurs pas, au contraire, étaient chargés d’incertitude et des dangers propres à qui doit quitter sa maison.
Et ensuite, ils se trouvaient à affronter la chose peut-être la plus difficile : arriver à Bethléem et faire l’expérience que c’était une terre qui ne les attendait pas, une terre où il n’y avait pas de place pour eux.
Et justement là, dans cette situation qui était un défi, Marie nous a offert l’Emmanuel. Le Fils de Dieu a dû naître dans une étable parce que les siens n’avaient pas de place pour lui. «Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu» (Jn 1, 11). Et là… dans l’obscurité d’une ville qui n’a ni espace ni place pour l’étranger qui vient de loin, dans l’obscurité d’une ville en plein mouvement et qui, dans ce cas, semblerait vouloir se construire en tournant le dos aux autres, précisément là, s’allume l’étincelle révolutionnaire de la tendresse de Dieu. À Bethléem, s’est ouverte une petite brèche pour ceux qui ont perdu leur terre, leur patrie, leurs rêves; même pour ceux qui ont cédé à l’asphyxie causée par une vie renfermée.
Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom: la survie. Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent.
Marie et Joseph, pour qui il n’y avait pas de place, sont les premiers à embrasser Celui qui vient nous donner à tous le document de citoyenneté. Celui qui, dans sa pauvreté et dans sa petitesse, dénonce et manifeste que le vrai pouvoir et la liberté authentique sont ceux qui honorent et secourent la fragilité du plus faible.
En cette nuit, Celui qui n’avait pas de place pour naître est annoncé à ceux qui n’avaient pas de place aux tables et dans les rues de la ville. Les bergers sont les premiers destinataires de cette Bonne Nouvelle. Par leur travail, c’étaient des hommes et des femmes qui devaient vivre en marge de la société. Leurs conditions de vie, les endroits où ils étaient contraints à se trouver, les empêchaient d’observer toutes les prescriptions rituelles de purification religieuse et, par conséquent, ils étaient considérés comme impurs. Leurs peaux, leurs vêtements, leur odeur, leur façon de parler, leur origine les trahissaient. Tout en eux suscitait de la méfiance. C’étaient des hommes et femmes dont il fallait se tenir éloigné, avoir peur; on les considérait comme des païens parmi les croyants, des pécheurs parmi les justes, des étrangers parmi les citoyens. À eux – païens, pécheurs et étrangers –, l’ange dit: «Ne craignez pas, car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple: aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur» (Lc 2, 10-11).
Voilà la joie qu’en cette nuit nous sommes invités à partager, à célébrer et à annoncer. La joie par laquelle Dieu, dans son infinie miséricorde, nous a embrassés, nous païens, pécheurs et étrangers, et nous incite à faire de même.
La foi de cette nuit nous porte à reconnaître Dieu présent dans toutes les situations où nous le croyons absent. Il se trouve dans l’hôte indiscret, bien des fois méconnaissable, qui marche par nos villes, dans nos quartiers, voyageant dans nos autobus, frappant à nos portes.
Et cette même foi nous incite à faire de la place à une nouvelle créativité sociale, à ne pas avoir peur de faire l’expérience de nouvelles formes de relation dans lesquelles personne ne doit sentir qu’il n’a pas de place sur cette terre. Noël, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, en force pour une nouvelle créativité de la charité. La charité qui ne s’habitue pas à l’injustice comme si celle-ci était naturelle, mais qui a le courage, au milieu des tensions et des conflits, de se faire ‘‘maison du pain’’, terre d’hospitalité. Saint Jean-Paul II nous le rappelait. «N’ayez pas peur! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ » (Homélie de la Messe d’inauguration du Pontificat, 22 octobre 1978).
Dans l’Enfant de Bethléem, Dieu vient à notre rencontre pour faire de nous des protagonistes de la vie qui nous entoure. Il s’offre afin que nous le prenions dans les bras, afin que nous le soulevions et l’embrassions. Afin qu’en Lui, nous n’ayons pas peur de prendre dans les bras, de soulever et d’embrasser celui qui a soif, l’étranger, celui qui est nu, celui qui est malade, le détenu (cf. Mt 25, 35-36). «N’ayez pas peur! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ». En cet Enfant, Dieu nous invite à prendre en charge l’espérance. Il nous invite à être des sentinelles pour beaucoup de personnes qui ont cédé sous le poids du désespoir qui naît du fait de trouver fermées de nombreuses portes. En cet Enfant, Dieu fait de nous des protagonistes de son hospitalité.
Émus par la joie du don, petit Enfant de Bethléem, nous te demandons que tes pleurs nous réveillent de notre indifférence, ouvrent nos yeux devant celui qui souffre. Que ta tendresse réveille notre sensibilité et fasse que nous nous sentions invités à te reconnaître dans tous ceux qui arrivent dans nos villes, dans nos histoires, dans nos vies. Que ta tendresse révolutionnaire nous amène à nous sentir invités à prendre en charge l’espérance et la tendresse de nos gens.
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