Madeleine Delbrêl, « grande mystique missionnaire », par le P. Gilles François

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Centre Saint-Louis de France « L’Europe et le langage de la mystique féminine »

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ROME, Lundi 17 novembre 2008 (ZENIT.org) – Madeleine Delbrêl, qui a dit, trois semaines avant sa mort, être « éblouie par Dieu », est « une grande mystique missionnaire », estime le P. Gilles François.

Le P. François, président des Amis de Madeleine Delbrêl amis.madeleine.delbrel@wanadoo.fr ), et auteur de « Madeleine Delbrêl, genèse d’une spiritualité » (Nouvelle Cité 2008) a tenu une conférence intitulée « Madeleine Delbrêl : une vie de conversion », au centre culturel Saint-Louis de France, à Rome, dans le cadre d’une réflexion sur « L’Europe et le langage de la mystique féminine », promue par l’université romaine « Roma 3 », ce lundi, 17 novembre.

Le P. François a voulu « repérer les traces de Jésus Christ » dans le langage mystique de Madeleine Delbrêl , « au travers de quatre périodes de sa vie ».

« Il y a 75 ans, rappelait-il, Madeleine Delbrêl (1904-1964) démarrait avec des compagnes une aventure qui dure encore dans la banlieue ouvrière d’Ivry au sud de Paris. Dans ce fief du communisme français, son engagement auprès des plus pauvres était le fruit de sa conversion à l’âge de 20 ans et de son amour pour Jésus-Christ ».

Le premier épisode, intitulé « Conversion, désert et solitude » est reflété dans le poème « Le désert », du 29 mars 1924, jour de sa conversion.

« Viens à moi, le désert est un immense appel… ».1 « Dans ce poème de style symboliste, retravaillé ensuite et où il est question d’un « livre ouvert sur le bord du néant » se découvre une attirance de Madeleine pour l’abîme, un thème qu’elle développe souvent ensuite : « [La] passion de Dieu, écrit-elle en 1960, nous révèlera que notre vie chrétienne est une marche entre deux abîmes. L’un est l’abîme mesurable des rejets de Dieu par le monde, l’autre est l’abîme insondable des mystères de Dieu » 2, a expliqué le P. François.

Le deuxième épisode, « les noces mystiques et la Croix » se reflètent dans ses lettres de 1930 à son confesseur.

« Dans une lettre inédite du 11 octobre 1930, Madeleine exprime son union à Jésus-Christ comme un double amour : amour d’épouse, orienté vers Lui, et amour de mère, orienté vers les âmes », a fait remarquer le conférencier qui soulignait que son langage « est celui de joyeuses noces mystiques ». Et de citer ce passage : « Le plus petit instant d’amour vrai en croix nous est plus précieux que des heures de prière confortable ou des monceaux d’aumônes, parce que l’âme aime Jésus d’un amour d’épouse en se donnant elle-même, ce qui est le plus qu’elle puisse faire et que, en même temps, elle donne la vie aux autres âmes, elle les aime d’un amour de mère ».3 »

« Pour Madeleine Delbrêl, disait le P. François, l’audace d’aimer vient de l’union mystique exprimée aussi dans l’adoration : « Être des îlots de résidence divine (…), être voué avant tout à l’adoration, laisser peser sur nous jusqu’à l’écrasement le mystère de la vie divine ».4 »

Un troisième épisode correspond à des « paroles pour un mieux vivre ensemble », qui s’expriment dans sa « Veillée d’armes », de 1942.

« Devenue assistante sociale, rappelait le conférencier, Madeleine écrit en 1934 : « Le service social est la robe neuve de la charité. La charité est l’âme du vrai service social ».5 »

Il précisait qu’elle montera « en première ligne » durant toute la période de la guerre, « en tant que responsable du service social de la Mairie d’Ivry, coordinatrice et formatrice de services sociaux, elle poursuit sa réflexion mystique dans un monde en crise ».

« Veillée d’armes, a-t-il expliqué, est un livre adressé aux travailleuses sociales. « C’est avec cette initiation à la souffrance du temps présent que nous nous sommes recueillis sur l’avenir », écrit-elle. « Il fallait que nos cœurs de femmes retrouvent la forme du ciel, qu’ils s’élargissent assez pour pouvoir comprendre la terre et pouvoir recevoir le ciel ».6 »

« Madeleine déborde du cadre de la spécialisation professionnelle : la force de son union à Dieu la porte vers l’universalité, mais son livre regorge aussi de conseils à propos du service : douceur, confiance, optimisme, humilité », a souligné le P. François.

Enfin, le quatrième épisode est relaté dans son livre « La femme, le prêtre et Dieu » (1950) et constitue comme une rencontre entre « le possible et Dieu ».

« Immergée dans la mission et le bouillonnement qui précède le Concile, Madeleine est une grande mystique missionnaire », a affirmé le conférencier.

Il soulignait que, dans « un texte oublié, contemporain du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir », elle médite sur « la complémentarité entre les prêtres et les femmes ».

« Dans la dernière partie, (« Le possible et Dieu »), elle développe, en questionnant le masculin et le féminin, que prêtres et laïques engagés dans le célibat se rejoignent dans un même signe, celui d’une « énorme humanité pour laquelle Dieu a dilaté en eux des entrailles immenses ».7 Le célibat des « volontaires d’un autre amour » est fécond », a fait observer le conférencier.

Il ajoutait, en soulignant la solitude que vécut Madeleine Delbrêl : « Madeleine sait le désert nécessaire. Il est un appel entendu par quelques-uns pour préparer l’accueil par tous de l’immensité de la charité, amour de Dieu qui prend tout et met en solitude :

                                      « La solitude, ô mon Dieu

                                       ce n’est pas que nous soyons seuls,

                                       c’est que vous soyez là

                                      car en face de vous, tout devient mort

                                      ou tout devient vous ».8 »

« C’est sur ce plan de la foi qu’elle ne cesse de méditer durant toute sa maturité et jusqu’à sa mort dans une œuvre littéraire immense que la publication des Œuvres complètes permet aujourd’hui de mieux découvrir », a conclu le P. Gilles François.

NOTES

1. M. Delbrêl connue et inconnue par G. François, B. Pitaud et A. Spycket (Nouvelle Cité 2004)

2. Nous autres, gens des rues, textes de M. Delbrêl (Seuil 1966)

3. M. Delbrêl, genèse d’une spiritualité par G. François et B. Pitaud (Nouvelle Cité 2008)

4. Communautés selon l’Évangile, textes de M. Delbrêl (Seuil 1973)

5. M. Delbrêl, Le service social entre personne et société, tome VI des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2007)

6. M. Delbrêl, Profession assistante sociale, tome V des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2007)

7. A paraître dans le tome VIII des Œuvres complètes prévu en 2010

8. M. Delbrêl, Humour dans l’amour, tome III des Œuvres complètes (Nouvelle Cité 2005)

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ZENIT Staff

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