Carte de voeu du pape 2018 pour dénoncer la guerre, Nagasaki © Bureau de presse du Saint-Siège

Carte de voeu du pape 2018 pour dénoncer la guerre, Nagasaki © Bureau de presse du Saint-Siège

Les enfants de Nagasaki : «J'ai beaucoup prié en regardant cette photo», confie le pape

Dialogue avec les évêques du Japon

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«J’ai beaucoup prié en regardant cette photo», a confié le pape François aux évêques du Japon, ce samedi 23 novembre 2019 , à son arrivée à la nonciature apostolique de Tokyo (Japon). Le pape a suggéré aux évêques la relecture d’un paragraphe de l’exhortation apostolique de saint Paul VI sur les bons évangélisateurs.
« La dimension de transcendance vécue en Asie est bonne pour les pays occidentaux. Nous en avons besoin » :  sous ce titre, L’Osservatore Romano en italien publié ce soir des extraits des questions et des réponses du pape François. Nous reprenons l’essentiel de cet échange : le pape a parlé en espagnol, traduit par un confrère jésuite. Il n’est autre que le provincial des jésuites, le père Renzo de Luca, envoyé – grâce à lui – au pays du Soleil levant quand le pape était provincial des jésuites en Argentine.
Le pape avait d’abord prononcé son discours aux évêques et il leur a ensuite proposé de lui poser leurs questions et il s’est entretenu une demi-heure avec eux. La rencontre n’a pas été transmise en direct : on peut imaginer que la liberté de parole des évêques et du pape était préservée par cet aspect privé de leur échange.
Le rêve du jeune Bergoglio et sa « vengeance »
Une première question concernait le rêve du jeune père Bergoglio qui aurait aimé partir en mission au Japon. «Je voulais venir comme missionnaire quand j’étudiais la philosophie. Ça m’a attiré beaucoup … Je ne sais pas pourquoi le Japon m’a attiré. C’était un lieu de mission, peut-être à cause de sa beauté, je le désirais. Ensuite, pendant trois années d’enseignement, j’ai adressé une demande officielle au général qui venait d’être élu, le père Arrupe (lui-même auparavant missionnaire au Japon, ndlr). Mais comme on m’avait enlevé une partie de mon poumon, il a répondu: « non, ta santé ne te le permet pas ». Et il a ajouté que je devais canaliser mon zèle apostolique dans une autre direction. Cela m’a fait penser que je n’allais vivre que quelques années encore. Mais j’ai pris ma revanche et quand j’ai été provincial, je me suis « vengé » en envoyant cinq jeunes au Japon. Voilà comment cela s’est passé ».
Les enfants de Nagasaki
Un autre évêque a demandé au pape où il avait trouvé la photo de l’enfant de Nagasaki qui attend pour porter son petit frère tué par les radiations de la bombe atomique au crématorium. Le pape François l’a faite imprimer à des milliers d’exemplaires et il la distribue partout avec comme légende : « le fruit de la guerre ». Il l’a notamment envoyé avec ses vœux de paix pour le 1er janvier 2018, Journée mondiale de la paix.
Le pape a répondu : « Je ne me souviens pas bien. Mais j’étais déjà pape. Quelqu’un me l’a envoyée, je pense que c’était un journaliste et quand je l’ai vue, cela m’a touché le cœur. J’ai beaucoup prié en regardant cette image, et l’idée m’est venue de la publier et de l’utiliser comme une carte à distribuer …  J’ai seulement ajouté un titre: « Le fruit de la guerre ». Et je l’ai distribuée partout. Chaque fois qu’on peut la distribuer elle fait beaucoup de bien ».
« Marche toujours »
Une question a porté sur le message principal qu’il entendait transmettre au cours de sa visite au Japon. « Mon premier message je l’ai déjà transmis aux jeunes de l’aéroport. Ils étaient nombreux et l’un d’eux m’a demandé : « Donne-nous un message pour les jeunes! » Je l’ai regardé et je lui ai dit: « Marche, marche toujours, et qui sait, peut-être tomberas-tu mais de cette façon tu apprendras à te relever et à progresser dans la vie ». Puis j’ai réalisé que l’inconscient m’avait trahi parce que c’était un message contre le perfectionnisme et le découragement quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent et il y a tant de dépressions, de suicides et de problèmes que vous connaissez ».
Se faire proche du peuple de Dieu
Le pape François a ajouté qu’un autre mot-clef de ses messages au Japon sera la « proximité »: « Pour la famille, et spécialement pour les prêtres et les personnes consacrées, hommes, femmes, catéchistes qu’ils ne se découragent pas, qu’ils soient proches du peuple de Dieu pour que le message arrive ».
Non à l’arme nucléaire
Le pape a également annoncé que lors des visites à Nagasaki et Hiroshima, il condamnera l’utilisation de l’arme nucléaire.
A propos de ses voyages dans divers pays d’Asie, on a demandé au pape quelle contribution l’Église d’Asie peut apporter à l’Église universelle. Le pape François a répondu: «La transcendance est la première chose qui me touche. L’église asiatique est une église avec une dimension de transcendance, car dans la culture de ces pays, il y a l’indication que tout ne se termine pas ici sur terre. Cette dimension de transcendance est bonne pour les pays occidentaux. Nous en avons besoin. »
Les nounous philippines
Ensuite, le pape a répété une observation déjà faite sur le rôle des nounous philippines pour la transmission de la foi aux enfants de parents chrétiens qui n’arrivent plus à la leur communiquer: « On recherche des nounous philippines parce qu’elles parlent anglais et que les enfants l’apprennent. Mais ces nounous ne se limitent pas à enseigner l’anglais, elles transmettent la foi. Et elles enseignent aux enfants à faire leur signe de croix, ce qu’ils n’avaient pas appris de leurs parents ».
Le football japonais
L’évêque d’Hiroshima, Mgr Alexis Mitsuru Shirahama P.S.S (des prêtres de Saint-Sulpice)., a offert au pape un maillot de football portant le numéro 86, en souvenir du date (en août (8) 1945, le 6)) de l’explosion atomique qui dévasta la ville.
On lui a aussi offert un « balero », un jeu où la balle est attachée à une raquette en bois. Jorge Mario Bergoglio y jouait dans son enfance.
Le pape a ensuite confié qu’il aimait jouer au football, une de ses grandes passions, mais avec des résultats médiocres: «Ils m’ont appelé « patadura », jambe de bois, et ils m’ont mis à la porte».
À la fin de la rencontre le pape François a invité les évêques à relire le numéro 80 de l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi de Saint Paul VI, sur ce qui distingue le bon évangélisateur.
Ce dimanche, 24 novembre, le pape François se rendra à Nagasaki puis à Hiroshima et plaidera pour la paix mondiale.
***
Voici ce paragraphe d’Evangelii nuntiandi, qui se trouve à la fin, juste avant la conclusion :
Avec la ferveur des saints
(80) – Notre appel s’inspire de la ferveur des plus grands prédicateurs et évangélisateurs dont la vie fut donnée à l’apostolat : parmi eux il Nous plaît de relever ceux que Nous avons, au cours de l’Année Sainte, proposés à la vénération des fidèles. Ils ont su dépasser bien des obstacles à l’évangélisation.
Notre époque connaît également de nombreux obstacles, parmi lesquels Nous nous contenterons de mentionner le manque de ferveur. Il est d’autant plus grave qu’il vient du dedans ; il se manifeste dans la fatigue et le désenchantement, la routine et le désintérêt, et surtout le manque de joie et d’espérance. Nous exhortons donc tous ceux qui ont à quelque titre et à quelque échelon la tâche d’évangéliser à alimenter en eux la ferveur de l’esprit.[130] Cette ferveur exige tout d’abord que nous sachions nous soustraire aux alibis qui peuvent nous détourner de l’évangélisation. Les plus insidieux sont certainement ceux pour lesquels l’on prétend trouver appui dans tel ou tel enseignement du Concile.
C’est ainsi qu’on entend dire trop souvent, sous diverses formes : imposer une vérité, fût-elle celle de l’Evangile, imposer une voie, fût-elle celle du salut, ne peut être qu’une violence à la liberté religieuse. Du reste, ajoute-t-on, pourquoi annoncer l’Evangile puisque tout le monde est sauvé par la droiture du coeur ? L’on sait bien d’ailleurs que le monde et l’histoire sont remplis de “ semences vu Verbe ” : n’est-ce pas une illusion de prétendre porter l’Evangile là où il est déjà dans ces semences que le Seigneur lui-même y a jetées ?
Quiconque se donne la peine d’approfondir, dans les documents conciliaires, les questions que ces alibis y puisent trop superficiellement, trouvera une toute autre vision de la réalité.
Ce serait certes une erreur d’imposer quoi que ce soit à la conscience de nos frères. Mais c’est tout autre chose de proposer à cette conscience la vérité évangélique et le salut en Jésus-Christ en pleine clarté et dans le respect absolu des options libres qu’elle fera — en évitant “ toute forme d’agissements qui ont un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale[131] — : loin d’être un attentat à la liberté religieuse, c’est un hommage à cette liberté à laquelle est offert le choix d’une voie que même les non croyants estiment noble et exaltante. Est-ce donc un crime contre la liberté d’autrui que de proclamer dans la joie une Bonne Nouvelle que l’on vient d’apprendre par la miséricorde du Seigneur ?[132] Et pourquoi seuls le mensonge et l’erreur, la dégradation et la pornographie, auraient-ils le droit d’être proposés et souvent, hélas, imposés par la propagande destructive des mass media, par la tolérance des législations, par la peur des bons et la hardiesse des méchants ? Cette façon respectueuse de proposer le Christ et son Royaume, plus qu’un droit, est un devoir de l’évangélisateur. Et s’est aussi un droit des hommes ses frères de recevoir de lui l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut. Ce salut, Dieu peut l’accomplir en qui Il veut par des voies extraordinaires que lui seul connaît.[133] Et cependant, si son Fils est venu, ce fut précisément pour nous révéler, par sa parole et par sa vie, les chemins ordinaires du salut. Et il nous a ordonné de transmettre aux autres cette révélation avec la même autorité que lui. Il se serait pas inutile que chaque chrétien et chaque évangélisateur approfondisse dans la prière cette pensée : les hommes pourront se sauver aussi par d’autres chemins, grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l’Evangile ; mais nous, pouvons-nous nous sauver si par négligence, par peur, par honte — ce que saint Paul appelait “ rougir de l’Evangile ”[134] — ou par suite d’idées fausses nous omettons de l’annoncer ? Car ce serait alors trahir l’appel de Dieu qui, par la voix des ministres de l’Evangile, veut faire germer la semence ; et il dépendra de nous que celle-ci devienne un arbre et produise tout son fruit.
Gardons donc la ferveur de l’esprit. Gardons la douce et réconfortante joie d’évangéliser, même lorsque c’est dans les larmes qu’il faut semer. Que ce soit pour nous — comme pour Jean-Baptiste, pour Pierre et Paul, pour les autres Apôtres, pour une multitude d’admirables évangélisateurs tout au long de l’histoire de l’Eglise — un élan intérieur que personne ni rien ne saurait éteindre. Que ce soit la grande joie de nos vies données. Et que le monde de notre temps qui cherche, tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’espérance, puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Evangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont les premiers reçus en eux la joie du Christ, et qui acceptent de jouer leur vie pour que le Royaume soit annoncé et l’Eglise implantée au coeur du monde.
(c) Evangelii nuntiandi – Librairie éditrice du Vatican

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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