Le pape François devant l'image de la Vierge de Guadalupe © L'Osservatore Romano

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Le regard de Notre Dame de Guadalupe, homélie du pape François (traduction complète)

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« Apprendre de cette foi forte, serviable qui caractérise notre Mère »

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« Célébrer Marie est, en premier lieu, faire mémoire de notre mère, faire mémoire de ce que nous ne sommes pas et ne serons jamais un peuple orphelin », a déclaré le pape François, à l’occasion de la messe pour les peuples d’Amérique latine, en la fête de Notre Dame de Guadalupe (Mexique), en la basilique Saint-Pierre, ce lundi 12 décembre 2016.
Le pape a invité à « apprendre de cette foi forte, serviable qui caractérise notre Mère » et à se laisser regarder par elle, comme il l’avait dit aux prêtres pour leur jubilé le 2 juin 2016, et le 13 février, il avait parlé aux évêques mexicain du regard de la « Morenita ».
Comme à Mexico, le pape a médité plus précisément sur le regard de Marie, ce qui est une allusion au fait que l’image du voyant, saint Juan Diego, et des personnes qui l’entouraient s’est impriméé dans les yeux de la Vierge de Tepeyac: « N’ayons pas peur de sortir regarder les autres avec ce même regard. Un regard qui fait de nous des frères. Nous le faisons parce que, comme Juan Diego, nous savons que notre mère est là, nous savons que nous sommes sous son ombre et sa protection, qu’elle est la source de notre joie, que nous sommes dans ses bras. »
Le pape a médité aussi sur sa maternité, invitant les baptisés à être ses enfants par la miséricorde: « Nous avons une Mère. Et là où est la mère, il y a toujours une présence et un goût de maison. Là où est la mère, les frères peuvent se disputer, mais le sens de l’unité triomphera toujours. Là où est la mère, la lutte pour la fraternité ne manquera pas. Cela m’a toujours impressionné de voir, chez différents peuples d’Amérique latine, ces mères qui luttaient, souvent seules, et qui réussissaient à faire progresser leurs enfants. Marie est comme cela avec nous, ses enfants : une femme qui lutte face à la société de la méfiance et de l’aveuglement, face à la société de l’indolence et de la dispersion ; une femme qui lutte pour renforcer la joie de l’Évangile. Une lutte pour donner « chair » à l’Évangile. Regarder la « Guadalupana », c’est se souvenir que la visite du Seigneur passe toujours à travers ceux qui parviennent à faire en sorte que sa Parole « devienne chair », qui cherchent à incarner la vie de Dieu dans leurs propres entrailles, devenant des signes vivants de sa miséricorde. »
Contempler Marie c’est aussi un pas vers la réconciliation et l’inclusion, souligneait encorele pape: « Célébrer la mémoire de Marie, c’est célébrer le fait que nous, comme elle, nous soyons invités à sortir et à aller à la rencontre des autres avec le même regard, avec les mêmes entrailles de miséricorde, avec les mêmes gestes qu’elle. La contempler, c’est sentir l’invitation forte à imiter sa foi. Sa présence nous pousse à la réconciliation, nous donnant de la force pour générer des liens sur notre terre bénie latino-américaine, en disant « oui » à la vie et « non » à tout type d’indifférence, d’exclusion, de rejet des peuples ou des personnes. »
Le pape a élébré la messe ne espagnol. Les chants ont honoré la vierge de Guadalupe dans différentes langues des populations locales. Le Sanctus,par exemple, était en langue Quechua.
Voici notre traduction complète de l’homélie du pape François.
A.B.
Homélie du pape François
« Heureuse celle qui a cru », (Lc 1,45), c’est par ces paroles qu’Elisabeth bénit la présence de Marie dans sa maison. Des paroles qui naissent en son sein, dans ses entrailles ; des paroles qui réussissent à faire écho à tout ce dont elle a fait l’expérience avec la visite de sa cousine : « Car lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru » (Lc 1,44-45).
Dieu nous rend visite dans les entrailles d’une femme, en touchant les entrailles d’une autre femme par un chant de bénédiction et de louange, avec un chant de joie. La scène évangélique porte en soit tout le dynamisme de la visite de Dieu : quand Dieu vient à notre rencontre, il touche nos entrailles, il met en mouvement ce que nous sommes, au point de transformer toute notre vie en une louange et une bénédiction. Quand Dieu nous rend visite, il nous laisse sans repos, avec la saine inquiétude de ceux qui se sentent invités à annoncer qu’il vit et qu’il est au milieu de son peuple. C’est ce que nous voyons en Marie, la première disciple et missionnaire, la nouvelle arche d’alliance qui, loin de rester dans un lieu réservé dans nos temples, sort rendre visite et accompagne de sa présence l’enfantement de Jean. C’est aussi ce qu’elle a fait en 1531 : elle a couru à Tepeyac pour servir et accompagner le peuple qui était dans les douleurs de l’enfantement, en devenant sa mère et celle de tous nos peuples.
Avec Elisabeth, nous voulons nous aussi, aujourd’hui, la bénir et la saluer en disant : « Heureuse celle qui a cru » et qui continue de croire « à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (v. 45). Marie est ainsi l’icône du disciple, de la femme croyante et priante qui sait accompagner et encourager notre foi et notre espérance dans les différentes étapes que nous avons à traverser. En Marie, nous avons le fidèle reflet « non pas d’une foi poétiquement édulcorée, mais d’une foi forte, surtout à une époque où se brisent les doux enchantements des choses et où les contradictions entrent partout en conflit ».
Et nous devrons certainement apprendre de cette foi forte, serviable qui caractérise notre Mère, apprendre de cette foi qui sait entrer dans l’histoire pour être sel et lumière dans nos vies et dans notre société.
La société que nous construisons pour nos enfants est de plus en plus marquée par les signes de la division et de la fragmentation, en laissant beaucoup « hors jeu », en particulier ceux qui ont des difficultés à atteindre le minimum indispensable pour avancer dans la vie avec dignité. Une société qui aime se vanter de ses progrès scientifiques et technologiques, mais qui est devenue aveugle et insensible devant les milliers de visages qui restent en arrière sur le chemin, exclus par l’orgueil aveuglant d’un petit nombre. Une société qui finit par créer une culture de la désillusion, du désenchantement et de la frustration chez tant de nos frères ; et aussi, d’angoisse chez tant d’autres qui expérimentent des difficultés pour ne pas rester en dehors du chemin.
Il semblerait que, sans nous en rendre compte, nous nous soyons habitués à vivre dans une « société de la méfiance » avec tout ce que cela comporte pour notre présent et en particulier pour notre avenir ; une méfiance qui, petit à petit, génère des états d’indolence et de dispersion.
Comme il est difficile de se vanter de la société du bien-être quand nous voyons que notre cher continent américain s’est habitué à voir des milliers et des milliers d’enfants et de jeunes de la rue, qui mendient et dorment dans les gares des trains, dans les souterrains du métro ou là où ils parviennent à trouver une place. Des enfants et des jeunes exploités dans des travaux clandestins et contraints à trouver une pièce de monnaie aux carrefours des routes, nettoyant les pare-brises de nos voitures et qui sentent qu’il n’y a pas de place pour eux dans le « train de la vie ». Combien de familles continuent d’être marquées par la douleur de voir leurs enfants victimes des marchands de la mort. Qu’il est dur de voir combien nous avons normalisé l’exclusion de nos anciens en les obligeant à vivre dans la solitude, simplement parce qu’ils ne sont pas productifs, ou de voir, comme l’ont bien dit les évêques à Aparecida, « la situation précaire qui touche la dignité de nos femmes. Certaines, depuis leur enfance et leur adolescence, sont soumises à de multiples formes de violence chez elles et à l’extérieur ». Ce sont des situations qui peuvent nous paralyser, qui peuvent nous faire douter de notre foi et spécialement de notre espérance, de notre manière de regarder et d’affronter l’avenir.
Devant toutes ces situations, nous devons dire avec Elisabeth : « Heureuse celle qui a cru » et apprendre de cette foi forte et serviable qui a caractérisé et qui caractérise notre Mère.
Célébrer Marie est, en premier lieu, faire mémoire de notre mère, faire mémoire de ce que nous ne sommes pas et ne serons jamais un peuple orphelin. Nous avons une Mère. Et là où est la mère, il y a toujours une présence et un goût de maison. Là où est la mère, les frères peuvent se disputer, mais le sens de l’unité triomphera toujours. Là où est la mère, la lutte pour la fraternité ne manquera pas. Cela m’a toujours impressionné de voir, chez différents peuples d’Amérique latine, ces mères qui luttaient, souvent seules, et qui réussissaient à faire progresser leurs enfants. Marie est comme cela avec nous, ses enfants : une femme qui lutte face à la société de la méfiance et de l’aveuglement, face à la société de l’indolence et de la dispersion ; une femme qui lutte pour renforcer la joie de l’Évangile. Une lutte pour donner « chair » à l’Évangile. Regarder la « Guadalupana », c’est se souvenir que la visite du Seigneur passe toujours à travers ceux qui parviennent à faire en sorte que sa Parole « devienne chair », qui cherchent à incarner la vie de Dieu dans leurs propres entrailles, devenant des signes vivants de sa miséricorde
Célébrer la mémoire de Marie, c’est affirmer contre tout pronostic que « dans le cœur et dans la vie de nos peuples, bat un fort sentiment d’espérance, malgré les conditions de vie qui semblent ternir toute espérance ».
Parce qu’elle a cru, Marie a aimé ; parce qu’elle est servante du Seigneur, elle est servante de ses frères. Célébrer la mémoire de Marie, c’est célébrer le fait que nous, comme elle, nous soyons invités à sortir et à aller à la rencontre des autres avec le même regard, avec les mêmes entrailles de miséricorde, avec les mêmes gestes qu’elle. La contempler, c’est sentir l’invitation forte à imiter sa foi. Sa présence nous pousse à la réconciliation, nous donnant de la force pour générer des liens sur notre terre bénie latino-américaine, en disant « oui » à la vie et « non » à tout type d’indifférence, d’exclusion, de rejet des peuples ou des personnes.
N’ayons pas peur de sortir regarder les autres avec ce même regard. Un regard qui fait de nous des frères. Nous le faisons parce que, comme Juan Diego, nous savons que notre mère est là, nous savons que nous sommes sous son ombre et sa protection, qu’elle est la source de notre joie, que nous sommes dans ses bras.
© Traduction de Zenit, Constance Roques
 
 
 

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Constance Roques

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