« Une Eglise en sortie, comme Jésus a voulu…Pas une « Eglise qui se promène », affirme le pape François en mettant en garde contre « la confusion ». « C’est important, souligne-t-il, la sortie n’est pas une aventure, c’est un mandat du Seigneur, c’est une vocation, c’est un engagement. »
C’est ce que le pape a dit en répondant à la question du séminariste du diocèse de Brescia sur les « moyens concrets » pour réaliser l’appel à une l’Église « en sortie ».
Le dialogue du pape avec les séminaristes de Lombardie a eu lieu le samedi 13 octobre 2018, dans la salle Clémentine du palais apostolique, au Vatican.
« Que faisait Jésus ? a interrogé le pape. Il faisait acte de proximité. Être proche, rencontrer. » C’est ce que doit faire aussi le prêtre d’aujourd’hui : « Faire la même chose que Jésus : être proche. Proche de Dieu, proche des gens, proche du peuple de Dieu. »
Le pape a souligné que les séminaristes sont appelés à devenir « des prêtres du peuple de Dieu, c’est-à-dire des bergers de peuples » « et non des ‘clercs d’État’ ». « Le cléricalisme est une perversion de l’Église », a-t-il déclaré.
Le pape a cité l’exemple de quelqu’un « qui travaille au Vatican » et qui « était curé d’une paroisse » : « Il connaissait les noms de tout le monde, même ceux des chiens ! a dit le pape. C’est cela la proximité d’un prêtre, d’un saint prêtre, mais de cette sainteté ordinaire à laquelle nous sommes tous appelés. »
Voici notre traduction de l’italien de la réponse du pape, en italien.
MD
Réponse du pape François
Merci.
Une Église en sortie, comme Jésus a voulu : « Allez, prêchez l’Évangile, allez… ». Pas une « Église qui se promène » ! Il peut arriver parfois, dans un plan pastoral, que l’on fasse la confusion, entre sortir, rencontrer des gens, et faire une belle promenade et puis rester là où je suis. C’est important : la sortie n’est pas une aventure, c’est un mandat du Seigneur, c’est une vocation, c’est un engagement. Tu parles de « ce monde de plus en plus sécularisé ». Mais je te dis, quel monde était le plus sécularisé, le nôtre ou celui de Jésus ? Quel monde était le plus corrompu, notre monde ou celui de Jésus ? C’est la même chose, tous les deux. Oui, ce monde est sécularisé avec de nouveaux moyens, des moyens modernes ; l’autre était sécularisé avec les moyens de l’époque. Mais la corruption était la même. Pense à la corruption des habitants d’Athènes, quand Paul a commencé à parler, ce discours si bien fait, que citaient leurs poètes et à la fin, quand il est arrivé à un point quelque peu difficile [celui de la résurrection du Christ], les Athéniens ont dit : « Oui, oui, vas-y…, demain, nous t’écouterons. » C’est toujours le cas aujourd’hui. Si tu te mets à parler de Jésus, dans beaucoup d’endroits, dans beaucoup de villes, on ne t’écoute pas, on ne t’entend pas. Cette époque aussi était sécularisée. Imagine, à cette époque on faisait aussi des sacrifices humains… Et encore aujourd’hui ! d’une autre façon, avec des gants blancs, mais on en fait. La sécularisation est la même, plus ou moins, celle de Jésus et celle de notre temps. Au lieu de cela, que devons-nous faire, concrètement, dans ce monde sécularisé ? Les mêmes choses concrètes que Jésus et que les Apôtres ont faites. Comment l’Église se construit-elle ? Prenez le livre des Actes des Apôtres et vous trouverez, c’est la même chose. Il n’y a pas une autre méthode fondamentale. Oui, il y a des nuances, des changements d’époque, mais l’essentiel est comme ce que Jésus a fait.
Et partant de Jésus, que pouvons-nous dire ? Quel est le « noyau » de son message, de son attitude face à ce monde sécularisé ? Que faisait Jésus ? Il faisait acte de proximité. Être proche, rencontrer. Jésus rencontrait le Père dans la prière et Jésus rencontrait les gens. Il rencontrait aussi ses ennemis, et parfois il les écoutait, il leur expliquait ; d’autres fois il leur disait des choses qui étaient comme des gros mots. Par exemple, lis Matthieu 23 : les choses que Jésus dit ne sont pas belles. Parce qu’il était proche et qu’il pouvait dire les choses clairement. Certains n’aimaient pas ça. Et il a dû en payer le prix, ensuite, sur la croix. Faire la même chose que Jésus : être proche. Proche de Dieu, proche des gens, proche du peuple de Dieu.
C’est pourquoi j’aime dire que vous devez être des prêtres du peuple de Dieu, c’est-à-dire des bergers de peuples, des bergers de personnes et non des « clercs d’État », car Jésus n’y allait pas de main morte contre le cléricalisme de son temps : les scribes, les pharisiens, les docteurs de la loi…, il y allait très fort. Je vous le dis, le cléricalisme est une perversion de l’Église. Quand on voit un jeune prêtre centré sur lui-même, qui pense à faire carrière, c’est plus du côté des pharisiens et des sadducéens qu’il est que du côté de Jésus. C’est la vérité. Quand tu vois un prêtre qui prie, qui est au milieu des enfants, qui enseigne la catéchèse, célèbre la messe avec sa communauté, connaît les noms des gens parce qu’il va les trouver à la fin de la messe, les salue les uns après les autres : « Comment allez-vous ? et la famille ? …” C’est la proximité comme la pratiquait Jésus. Un jour, une personne m’a dit – quelqu’un d’ici, quelqu’un qui travaille au Vatican… parce qu’il y a des saints, ici, il y a des saints ! qu’il était curé d’une paroisse et qu’il connaissait les noms de tout le monde, même ceux des chiens ! C’est cela la proximité d’un prêtre, d’un saint prêtre, mais de cette sainteté ordinaire à laquelle nous sommes tous appelés. Proximité du peuple et proximité de Dieu dans la prière. Un prêtre qui s’essouffle trop dans l’organisation des choses et perd un peu de cette proximité s’éloigne de l’idéal sacerdotal de Jésus.
Mais pourquoi cette proximité ? Je voudrais souligner un aspect théologique de la proximité – je l’ai déjà dit, peut-être l’avez-vous déjà entendu – Dieu, dans le Deutéronome, dit à son peuple : « Pensez : quel peuple a ses dieux aussi proches que je le suis de toi ? ». C’est un choix de Dieu, être proche du peuple. Et il conduisait le peuple comme un berger et le conduisait bien. Mais on le voit bien, il n’était pas satisfait de cela, Il est venu aussi se faire l’un des nôtres : si proche ! C’est la condescendance de Dieu qui descend : c’est ce qu’on appelle la syncatabase. C’est l’attitude fondamentale de Dieu qui se fait homme pour nous, se fait proche de nous. C’est l’attitude du prêtre. On m’a fait cadeau, le Père Rupnik m’a fait cadeau d’une icône de La Vierge faite par lui. La Vierge est au milieu, mais, en regardant bien, ce n’est pas une icône de Marie : Elle est au milieu, grande, et a le petit Jésus ici [sur ses genoux mais debout], un Jésus de quatre ou cinq ans ; les mains de Marie sont comme ceci, comme une échelle, et Jésus descend, descend de nous….. Il tient dans sa main droite la plénitude de la loi [un rouleau] et de sa main gauche il s’accroche à la Vierge, pour ne pas tomber. Dieu est un homme qui descend. C’est la Vierge de la condescendance : le centre est Jésus. La Vierge sert d’échelle pour ce mystère de la proximité. C’est pourquoi cette dévotion à La Vierge Marie nous aide à être proches de Jésus. Il y a une prière qui nous a été enseignée, qui fait beaucoup de bien : « Mère, mets-moi avec ton Fils, laisse-moi être proche de ton Fils ». Voilà, c’est une aide parce que celui qui est proche de Jésus est proche des gens et fait ce que Jésus a fait.
Donc, un monde sécularisé comme au temps de Jésus, c’est clair. L’attitude la plus concrète de Jésus est la rencontre : rencontre les gens, être proche. Proximité pastorale. Et aussi entre vous, la proximité presbytérale… S’il reste du temps – je ne me souviens pas s’il y a des questions à ce sujet – sur le collège presbytéral…. S’il n’y en a pas, rappelez-moi.
© Traduction de Zenit, Océane Le Gall
Séminaristes de Lombardie © Vatican Media
Le pape souhaite «une Église en sortie. Pas une ‘Église qui se promène’» (2/8)
Dialogue avec les séminaristes de Lombardie