« Seul, entrer, prier… Et que le Seigneur me donne la grâce de pleurer » : c’est ainsi que le pape François envisage sa visite au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, le 29 juillet prochain, à l’occasion de son voyage en Pologne pour la Journée mondiale de la jeunesse Cracovie 2016 (26-31 juillet).
Le changement de programme a été confirmé par le père Federico Lombardi: il était tout d’abord prévu que le pape prononce un discours, comme Benoît XVI, le 28 mai 2006. Jean-Paul II a célébré la messe à quelque distance, le 7 juin 1979.
Le pape a expliqué sont état d’esprit dans l’avion qui le ramenait d’Erevan à Rome, au lendemain de sa visite, le 25 juin, au mémorial du génocide arménien de Tzitzernakaberd, sur cette question du père Federico Lombardi, au cours de la conférence de presse : « Nous avons visité avec vous le Mémorial de Tzitzernakaberd, pendant la visite en Arménie et vous visiterez aussi Auschwitz et Birkenau, pendant votre voyage en Pologne. J’ai entendu dire que vous désiriez vivre ces moments plus avec le silence qu’avec les paroles, comme vous l’avez fait ici, peut-être aussi à Birkenau. Je voulais donc vous demander si vous vouliez bien nous dire si vous ferez un discours là-bas où si vous préfériez, au contraire, avoir un temps de prière silencieuse avec une intention particulière. » Au mémorial, le pape s’est recueilli longtemps en prière, les yeux fermés.
Dans sa réponse, le pape a évoqué sa visite, en 2014, au cimetière de la Première guerre mondiale, dans le nord de l’Italie, à Redipuglia : « Il y a deux ans, à Redipuglia, j’ai fait la même chose pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre. Je suis allé à Redipuglia en silence. Ensuite il y a eu la messe, et à la messe, j’ai fait l’homélie, mais c’était autre chose. Le silence. Aujourd’hui, nous avons vu – ce matin – le silence… C’était aujourd’hui ? [P. Lombardi: Non, hier] ».
Le pape François a alors confié qu’il veut aller à Auschwitz – « ce lieu d’horreur » -, seul, en silence: « Je voudrais aller dans ce lieu d’horreur sans discours, sans personne, seulement les quelques-uns nécessaires… Mais les journalistes, c’est sûr qu’ils y seront !… Mais sans saluer celui-ci, celui-ci… Non, non. Seul, entrer, prier… Et que le Seigneur me donne la grâce de pleurer. »
Le 26 mai 2014, lors de son voyage en Israël, le pape François s’est rendu au mémorial de la Shoah de YadVaShem (Jérusalem), qui archive les documents attestant la mort programmée de 6 millions de juifs d’Europe sous la domination nazie. Le pape y a déposé une couronne de fleurs, il a joint les mains, et il s’est recueilli en silence.
Dans son allocution, il n’a pas posé la question du psaume, la question que l’homme se pose face à la Shoah – et que rapporte Elie Wiesel : « Où est-il ton Dieu ? ». Il a posé la question de Dieu dans la Genèse « Où est l’homme? »: « Adam où es-tu ? (…) Homme, qui es-tu ? Je ne te reconnais plus. Qui es-tu, homme ? Qu’est-ce que tu es devenu ? De quelle horreur as-tu été capable ? Qu’est-ce qui t’a fait tomber si bas ? » Et il répondait, en appelant, face à « l’horreur », et au-delà d’elle, à la miséricorde : « Jamais plus, Seigneur, jamais plus ! ‘‘Adam, où es-tu ?’’. Nous voici, Seigneur, avec la honte de ce que l’homme, créé à ton image et à ta ressemblance, a été capable de faire. Souviens-toi de nous dans ta miséricorde. »
A cette occasion, il a rencontré des survivants des camps d’extermination, avec ce geste de profond respect et d’affection d’embrasser leurs mains. Et dans le livre d’or de YadVaShem, le pape François a de nouveau inscrit son “Jamais plus!”.
Avec Constance Roques
Voie d'accès au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau commons.wikimedia.org
Le pape François à Auschwitz en silence, seul: «entrer, prier… pleurer»
Conférence de presse sur le vol Erevan-Rome (9/9)