« Afin d’élever notre espérance à la suite du Christ, il a tout d’abord élevé sa chair, et pour que nous espérions que cela nous arrive également, il nous a précédés avec la même nature humaine qu’il avait assumée de nous » (Saint Augustin d’Hippone, Discours 372).
Voici le commentaire des lectures de la messe de l’Ascension, par Mgr Francesco Follo, Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris.
La fête est célébrée demain, jeudi 30 mai 2019, ou dimanche 2 juin (année C), selon les Conférences épiscopales.
Mgr Follo ajoute des précisions sur le sens de quelques mots de l’Evangile. Puis, comme lectures patristiques, il propose deux sermons de saint Augustin sur l’Ascension.
« L’Ascension n’indique pas l’absence de Jésus, mais nous dit qu’il est vivant parmi nous d’une nouvelle façon », explique notamment Mgr Follo.
L’Ascension du Seigneur
1) Le Palais royal de la Croix
Avec la solennité de l’Ascension, nous célébrons le fait que le Christ élevé sur le trône de la Croix. En ressuscitant, il n’a pas seulement été enlevé hors du sépulcre ; mais cette résurrection Lui permet aussi d’été élevé à la droite du Père des Cieux.
La croix est donc un trône dont le palais royal est le ciel.
Nous comprenons aussi la signification du verbe « élever » qui est d’origine vétérotestamentaire et qui fait référence à l’installation dans la royauté.
L’ascension du Christ signifie donc, dans un premier temps, l’installation du Fils de l’homme, crucifié et ressuscité, dans le royaume de Dieu sur le monde.
Le Christ retourne au ciel avec ses plaies glorieuses. Il y retourne en tant que vrai Dieu et vrai Homme, avec une vraie chair d’homme, même s’il s’agit d’une chair glorifiée.
Cette gloire du Fils de Dieu devient maintenant, à plein titre, gloire du Fils de l’homme et par conséquent de l’homme.
Nous contemplons aujourd’hui le Seigneur, avec son corps ressuscité et glorifié, à la droite du Père. Le Christ ne nous a pas abandonnés, car, du Ciel, il accompagne son Eglise, en demandant pour nous le don du Saint-Esprit, obtenu par sa Pâque.
Dans cette perspective, nous comprenons pourquoi l‘évangéliste Luc affirme qu’après l’Ascension, les disciples retournèrent à Jérusalem « comblés de joie » (24,52). La raison de leur joie réside dans le fait que ce qui s’était passé n’été pas un détachement, une absence permanente du Seigneur : au contraire, ils avaient désormais la certitude que le Crucifié-Ressuscité était vivant, et que les portes de Dieu, les portes de la vie éternelle, avaient été ouvertes pour toujours à l’humanité, en Lui.
Dans d’autres termes, son Ascension ne comportait pas son absence temporaire du monde, mais inaugurait plutôt la forme nouvelle, définitive et non-suppressible de sa présence, en vertu de sa participation à la puissance royale de Dieu.
C’est à eux, aux disciples, rendus courageux par la puissance du Saint-Esprit, qu’il reviendra d’en rendre perceptible la présence par le témoignage, la prédication et l’engagement missionnaire.
De la même manière, en accueillant l’invitation des « deux hommes en vêtements blancs », nous aussi, nous ne devons pas rester à regarder vers le ciel, mais guidés par le Saint-Esprit, nous devons aller par toute la terre et proclamer l’annonce libératrice de la mort et de la résurrection du Christ.
Comme les disciples, nous sommes invités tous les jours à prêcher, par nos vies, la victoire du Seigneur sur la mort, assurés du fait que, dans toutes circonstances, Il confirmera notre annonce « avec les prodiges qui l’accompagneront ».
Oui, chers frères, toute chose dans notre vie sera transformée en « prodige » de l’amour de Dieu qui sera le témoin du destin céleste préparé pour chaque homme.
2) Regarder vers le rédempteur
La fête de l’Ascension du Christ nous fait célébrer la manifestation joyeuse et glorieuse de l’aspect véritable de « l’Ecce Homo », que la passion avait caché de façon dramatique. A peu près 40 jours avant cet évènement céleste, Pilate avait montré Jésus, le Serviteur souffrant et ensanglanté, à la foule réunie pour le condamner, en indiquant le visage outragé et humilié de l’homme en tant que tel. « Regardez, voici l’homme » avait dit le procureur romain. Les personnes ne s’apitoyèrent pas et ils en décrétèrent la mort.
Même aujourd’hui, les journaux, la télévision, l’internet, le cinéma et le théâtre continuent à nous mettre en avant – parfois avec compassion, souvent de façon cynique et maintes fois avec le plaisir masochiste de l’autodestruction – l’homme humilié et battu, dans toutes les formes de l’horreur : « voici l’homme !», continuent-ils à dire. Dans la théorie de l’évolution, la science nous ramène au passé, nous montre le résultat de ses recherches : l’argile d’où provient l’homme, et nous « assure »: « voici l’homme. »
L’évènement de l’Ascension du Sauveur dit aux disciples anciens et nouveaux : l’affirmation de Pilate montrant le Christ flagellé, est une affirmation à moitié vraie et même moins. Jésus n’est pas seulement un homme avec la couronne d’épines sur la tête et le corps affaibli par la flagellation : Il est le Seigneur et sa seigneurie qui a la violence de l’amour, rend à l’homme et au monde entier toute Sa Beauté d’origine.
Le Christ montant au ciel a relevé l’image d’Adam. Nous ne sommes pas seulement saleté et douleur. Nous sommes en Jésus jusque dans le cœur de Dieu.
« L’ascension du Christ est la réhabilitation de l’homme : ce n’est pas être frappé qui abaisse et humilie, mais frapper ; ce n’est pas être objet de crachat qui abaisse et humilie, mais cracher sur quelqu’un ; ce n’est pas celui qui est offensé, mais celui qui offense qui est déshonoré ; ce n’est pas l’orgueil qui élève l’homme, mais l’humilité ; c’est n’est pas l’autoglorification qui le rend grand mais la communion avec Dieu, communion dont il est capable. » Benoît XVI
3) Croire et célébrer l’Ascension.
Que veut dire croire que Jésus est « monté au ciel »? Nous trouvons la réponse dans le Credo : « Il est monté au ciel, Il est assis à la droite du Père ». Le « Christ est monté au ciel » signifie qu’il est « assis à la droite du Père », c’est-à-dire qu’aussi comme homme il est entré dans le monde de Dieu. Comme dit Saint-Paul dans la 2ème lecture, Il est Seigneur et chef de toutes les choses.
Lorsqu’ il s’agit de nous, « aller au ciel », « aller au paradis », cela signifie aller et demeurer avec le Christ (Phil 1,23). Le Christ ressuscité est notre vrai ciel et nous irons le rejoindre et faire « corps » avec lui après la résurrection de la chair.
L’Ascension n’indique pas l’absence de Jésus, mais nous dit qu’il est vivant parmi nous d’une nouvelle façon; il n’est plus dans un endroit précis du monde comme il l’était avant l’Ascension; maintenant, il est dans la Seigneurie de Dieu, présent dans chaque espace et temps, proche de chacun de nous (Pape François, Audience générale du 17 avril 2013.)
Avec la fête de l’Ascension, nous célébrons le fait que le paradis s’ouvre à l’humanité avec l’entrée solennelle et joyeuse du Christ au ciel à la droite du Père. Dans son adieu, Jésus laisse aux Apôtres sa vérité et sa puissance parce que l’Ascension ne fut pas un départ mais une intensification de sa présence dans tous les points de l’univers. Ce n’était donc pas un adieu (dans le sens de ne plus jamais se revoir sauf au ciel) mais la promesse et la certitude d’une présence constante jusqu’aux extrêmes limites du temps et de l’espace : « Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). En effet, « adieu » vient de « ad deum », vers Dieu. Lorsque nous nous saluons de cette façon, nous nous engageons vers un chemin, dans un exode qui signifie un retour vers la maison de Dieu et la nôtre. Notre vie est tendue vers un évènement, celui de la rencontre avec Dieu-Amour.
Dans l’attente de la réalisation de cette rencontre définitive grâce au passage avec le corps lors du dernier jour, nous les chrétiens, nous sommes appelés chaque jour à la réaliser avec le cœur. Mais ce passage avec le cœur vers ce qui est éternel et ne passe pas, ne détourne pas le chrétien de ses devoirs quotidiens qu’il a dans ce monde. La question que les deux anges, vêtus de blanc, posèrent aux Apôtres : « pourquoi, regardez-vous vers le ciel ? » est valable pour nous également. Pour « passer de ce monde et ne pas passer avec ce monde » (St Augustin), nous devons faire un travail sur nous-mêmes, pour que le cœur passe à ce qui est éternel, chaque jour. Nous devons regarder vers le vrai ciel, pas vers le ciel atmosphérique, mais celui de Dieu, celui auquel aspire notre cœur : « mon âme a soif du Dieu vivant ». Saint-Paul complète en disant : « notre patrie est dans les cieux, et delà, nous attendons comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ » (Phil 3,20).
Enfin, le ciel de la foi chrétienne est une personne : c’est le Christ ressuscité en qui nous sommes incorporé, avec qui nous sommes appelés à faire « corps ». « Aller au ciel », ou « aller au paradis » signifie aller et demeurer avec le Christ (Phil 1,23). « Je pars vous préparer une place, a dit Jésus, et là où je suis, vous y serez aussi » (Jn 14,2-3). Célébrer et vivre l’Ascension est donc alimenter ce saint désir de Dieu, de vie pleine, maintenant et pour l’éternité.
4) Annoncer l’Evangile, c’est porter la bénédiction de Dieu.
Le passage de l’Evangile d’aujourd’hui (les versets de l’Evangile dans le rite romain et ambrosien sont les mêmes) dit: « pendant que Jésus les bénissait (les apôtres), Il fut emporté vers le ciel ». Chaque fois que nous allons à la messe, chaque fois que nous faisons l’expérience de la bénédiction, nous pouvons sortir de l’église et aller dans le monde comme personnes bénies, et pas comme de pauvres êtres abandonnés.
« Personnellement, je n’oublierai jamais la dévotion et le dévouement intérieur avec lesquels mon père et ma mère nous signaient, nous les enfants, avec l’eau bénie, en nous faisant le signe de la croix sur le front, sur la bouche et sur la poitrine, lorsque nous devions partir. Cette bénédiction était un geste d’accompagnement qui nous guidait : cette prière des parents qui nous suivait est la certitude que cette prière était soutenue par la bénédiction du Rédempteur. Je pense que ce geste de bénédiction, comme expression pleine et bienveillante du sacerdoce universel de tous les baptisés, doit faire partie beaucoup plus fidèlement de notre vie quotidienne et la remplir avec l’énergie de l’amour qui vient du Seigneur. Bénir est un geste sacerdotal : avec le signe de la croix, nous percevions le sacerdoce des parents, sa dignité particulière et sa force. » (J.Ratzinger, « introduction à l’ esprit de la liturgie », Saint Paul 2001)
Les mains qui bénissent sont des mains qui offrent et prient. Les vierges consacrées sont appelées à cela. En s’offrant pleinement au Christ, elles unissent leurs mains à celles du Christ qui deviennent un toit qui nous couvre. Avec la bénédiction de l’Evêque, la vie consacrée de ces vierges est remplie des biens du salut et de la vie ; cette vie est donnée dans la prière des louanges comme remerciement pour les biens reçus et elle est offrande en intercession pour l’Eglise et le monde entier. (cf rituel de consécration des vierges, prière consécratoire dite par l’Evêque N° 24).
Les vierges consacrées se caractérisent aussi par la simplicité de cœur et de vie, mais c’est aux gens simples que le Christ confie la tâche de Le porter Lui et son message à tous. « Plus les personnes sont insignifiantes aux yeux des grandes puissances du monde, plus elles sont aptes à porter le message d’amour et de miséricorde de Jésus par tous les coins de la terre » Pape François 13 Mai 2018
Explications brèves sur quelques mots de l’Evangile.
« Il fut emporté » vient du verbe « anapherein » (monter, porter sur, dans la nouvelle traduction de la Bible), qui suggère une action progressive, est au passif (la seule fois dans le NT) et parle de l’action de Dieu comme une connexion dans la Bible aux textes d’enlèvement (« rapt ») (par exemple pour Enoch ou Elie, voir Gn 5,24; Sir 44,16; 49,14; 1Re 2,9ss; Sir 48,9.14.
Mais l’idée que l’Evangéliste désire transmettre est différente : il indique l’exaltation du Ressuscité à la droite du Père, bien soulignée dans la prédication apostolique (voir Phil 2.9 ; 1Tim 3.16 ; 1 Pierre 3.22 ; Ac 2.33 ; 5.31)
Même si le lieu de l’Ascension n’est pas directement cité dans la Bible, il semblerait que ce lieu soit le jardin des oliviers, selon les Actes des Apôtres. Après l’Ascension, les disciples « retournèrent à Jérusalem au mont dit des oliviers qui se trouve près de Jérusalem, chemin autorisé le samedi (Ac 1,12).
Gethsémani (mot araméen qui signifie « moulin à huile ») est une petite oliveraie en dehors de la vieille ville de Jérusalem et aux pieds du Mont des oliviers, dans laquelle Jésus se retira après la dernière Cène, avant d’être trahi par Juda et arrêté (Mt 26,36; Mc 14,32; Lc 22,39). Le lieu est connu comme le jardin des oliviers.
Lectures patristiques
Sermon CCLXI de saint Augustin. Pour le jour de l’ascension. I. Prêché à Carthage, dans la basilique de Fauste. Attachement à Jésus-Christ.
ANALYSE. — Nous devons monter en esprit au ciel avec le Sauveur, premièrement parce qu’il est Dieu et secondement parce qu’il est homme. — 1° Il est Dieu; Dieu éternel, égal à son Père. Il faut donc pour le connaître nous purifier le cœur en renonçant aux passions désordonnées. — 2° Il est homme, la nature humaine ne fait en lui qu’une seule et même personne avec la nature divine ; ainsi nous ne pouvons l’aimer sans aimer à la fois notre Dieu et notre prochain. Témoignons-lui notre amour par nos œuvres de miséricorde ; répondons de cette manière à la charité qu’il nous fait aujourd’hui.
1.La résurrection du Seigneur est notre espérance; son ascension, notre gloire. Nous célébrons aujourd’hui la solennité de l’Ascension; si donc nous célébrons cette fête du Seigneur avec droiture, avec fidélité, avec dévotion, avec sainteté et avec piété, montons avec lui et tenons en haut notre cœur. Or, en montant, gardons-nous de nous élever et de présumer de nos mérites comme s’ils nous étaient propres. Notre cœur doit être en haut, mais attaché au Seigneur, sans quoi il y serait livré à l’orgueil, au lieu qu’en demeurant sous l’aile de Dieu il est dans un sûr asile; car en le voyant monter nous disons au Seigneur : « Vous êtes pour nous un asile (1) ».
Il n’y a pour ressusciter que ce qui meurt; le Seigneur est donc ressuscité pour nous inspirer confiance, pour nous empêcher de désespérer à la mort et de nous croire alors au terme de toute notre vie. Nous étions inquiets sur le sort même de l’âme, et le Sauveur, en ressuscitant, nous a rassurés sur le sort de la chair elle-même. Ainsi il est monté. Qui est monté? Celui qui est descendu. Il est descendu pour te guérir; il est monté pour t’élever. Tu tombes si tu t’élèves toi-même; tu restes élevé si c’est lui qui t’élève : d’où il suit qu’élevé près du Seigneur, le cœur est dans un asile, et qu’élevé autrement, il est en proie à l’orgueil. Disons donc au Seigneur quand il ressuscite : « Vous êtes, Seigneur, mon espérance » ; et quand il monte au ciel : « Vous avez établi bien haut notre refuge ». Et comment serions-nous orgueilleux en tenant notre cœur élevé jusqu’à lui, puisqu’il s’est fait humble en notre faveur pour nous empêcher de demeurer orgueilleux
2.Le Christ est Dieu, il le sera toujours ; jamais il ne cessera de l’être, parce que jamais il n’a commencé. Si sa grâce peut donner un être éternel à ce qui a commencé, comment ne serait-il pas éternel; lui qui n’a commencé jamais? Qu’est-ce donc qui commence sans devoir finir ? Notre immortalité ; elle aura un commencement, elle n’aura point de fin. Nous ne la possédons pas encore; mais une fois que nous la tiendrons, nous ne la perdrons pas. Donc, à plus, forte raison, le Christ sera toujours Dieu. Mais quel Dieu ? Quel Dieu ? Dieu égal à son Père. Ne cherche pas à savoir quel Dieu quand il s’agit de l’Eternel; occupe-toi plutôt de sa félicité. Quel Dieu est le Christ? Comprends-le, si tu en es capable. Je vais te le dire néanmoins, je ne tromperai pas ton attente.
Tu demandes quel Dieu est le Christ ? Ecoute-moi, ou plutôt écoute avec moi; écoutons l’un et l’autre; apprenons tous deux. Si je parle et si vous écoutez, en concluez-vous que je n’écoute pas avec vous ? En m’entendant dire que le Christ est Dieu, tu veux donc savoir quel Dieu il est ? Apprends-le avec moi, je ne te dis pas de m’écouter, mais d’écouter avec moi. A cette école, nous sommes tous condisciples ; le ciel est la chaire de notre Maître. Apprends enfin quel Dieu est le Christ. « Au commencement était le Verbe ». Où était-il? « Et le Verbe était en Dieu ». Mais chaque jour n’entendons-nous pas des verbes? Ne t’arrête pas à des idées pareilles, à ces idées communes, car « le Verbe était Dieu ». Je cherche à savoir quel il était. Je crois bien maintenant qu’il est Dieu ; mais quel Dieu est-il ? C’est ce que je cherche: « Cherchez constamment sa face ». Qu’on ne perde pas, qu’on gagne en le cherchant. On y gagne quand on le cherche avec pinté. Qu’est-ce que le chercher avec piété ? Qu’est-ce que le chercher par vanité ? La piété le cherche en croyant, la vanité en disputant. Si tu voulais contester avec moi et me dire : Quel est, quel est le Dieu que tu adores? Montre-moi le Dieu que tu sers, je te répondrais: Je pourrais le montrer, mais à qui ?
3.Je n’oserais me vanter moi-même d’avoir compris ce que tu cherches. Je voudrais seulement, dans la mesure de lues forces, marcher sur les traces de ce grand athlète du Christ, de cet apôtre Paul qui disait : « Je n’estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Moi-même ? Qu’y a-t-il dans ce moi-même ? Moi-même qui « ai travaillé plus qu’eux tous ». Je le sais, ô Apôtre ; tu parles ainsi pour exprimer la vérité, ce n’est point par orgueil. Veux-tu te convaincre, mon frère, de l’esprit qui l’anime ? Après ces mots : « J’ai travaillé plus qu’eux tous », il semble supposer que nous lui demandons : Mais qui es-tu ? Et il répond: « Or ce n’est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi ». Eh bien ! cet Apôtre en qui la grâce de Dieu affluait si abondamment, qu’appelé le dernier il a travaillé plus que tous ceux qui l’avaient été avant lui, n’hésite pas à dire : « Je n’estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Voilà ce qu’il y a dans ce moi-même, il n’atteint pas, il ne comprend pas ; car la faiblesse humaine ne saurait comprendre. Lorsqu’ensuite élevé jusqu’au troisième ciel il y entendit des paroles qu’un homme ne saurait répéter, il ne dit pas moi-même; que dit-il ? « Je sais un homme qui, il y a quatorze ans ». Je sais un homme; il était lui-même cet homme ; et en semblant parler ainsi d’un autre, il ne perd rien.
Donc aussi, garde-toi de contester, de disputer en me demandant quel Dieu j’adore. Mon Dieu n’est pas une idole, pour que je puisse te dire en étendant le doigt: Voilà le Dieu que je sers; il n’est non plus ni un astre, ni une étoile, ni le soleil, ni la lune, et je ne puis te le montrer du doigt ni te dire : Voilà le Dieu que j’adore. Il ne s’agit pas ici d’étendre le doigt, mais de tendre l’esprit. Considère cet Apôtre qui ne le comprend pas, mais qui pourtant le cherche, le poursuit, soupire après lui, le désire et le convoite; considère-le, vois ce qu’il tourne du côté de son Dieu; si c’est son doigt ou son âme. Que dit-il? » Je n’estime pas l’avoir atteint. Mais oubliant ce qui est en arrière et m’étendant vers ce qui est en avant, je tends à ce terme unique, à cette palme que m’offre la céleste vocation « de Dieu par le Christ ». Je tends, je marche, je suis en route. Suis-le, si tu le peux; allons ensemble dans cette patrie où tu n’auras rien à me demander, ni moi à toi. Maintenant donc cherchons l’un et l’autre en croyant, afin de jouir plus tard l’un et l’autre en voyant.
4.Qui néanmoins t’a montré quel Dieu est le Christ ? — Eh bien ! Ce qu’il a daigné nous révéler par un de ses serviteurs; que par ce serviteur aussi il le révèle à mes confrères, à ses serviteurs comme moi. Il t’a été dit: « Au commencement était le Verbe ». Tu as demandé où il était, et on t’a répondu : « Le Verbe était en Dieu ». Pour t’empêcher de prendre ici le mot verbe dans le sens vulgaire que lui donne le langage humain, on a ajouté : « Le Verbe était Dieu ». Ce n’est pas assez pour toi, et tu demandes : Quel Dieu? « Tout a été fait par lui ». Aime-le ; tout ce que tu aimes vient de lui. N’aimons pas la créature en laissant de côté le Créateur; mais considérons la créature pour bénir le Créateur. Je ne saurais te montrer mon Dieu, mais je te montre, je te rappelle ce qu’il a fait : « Tout a été fait par lui ». Sans être nouveau, il a fait des choses nouvelles ; éternel, des choses temporelles ; immuable, des choses muables. Regarde ces œuvres, loues-en l’Auteur, et crois pour être purifié.
Tu voudrais le voir ? C’est un bon, c’est un grand désir; je t’engage à l’avoir toujours. Tu voudrais le voir ? « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ». Ainsi, songe d’abord à purifier ton cœur; prends à cœur cette affaire, applique-toi à cette œuvre, insiste pour l’accomplir. Celui que tu veux voir est la pureté même, et pour le voir tu as 1’œil impur. Tu te représentes Dieu comme une lumière immense et infinie, mais de la nature de cette lumière sensible; tu la supposes étendue à ton gré, sans rencontrer de limites que celles qu’il te plaît de lui fixer. Ah ! ce sont dans ton cœur de vains, d’impurs fantômes; bannis-les et les rejette. S’il te tombait de la poussière dans les yeux et que tu me demandasses à voir la lumière, ne faudrait-il pas auparavant te purifier la vue ? Il n’y a pas moins d’impureté dans ton cœur ; et l’avarice n’y est-elle pas quelque chose de bien impur? A quoi bon amasser ce que tu n’emporteras pas? Ignores-tu qu’amasser ainsi, c’est traîner de la boue dans ton cœur ? Comment alors voir Celui que tu cherches ?
5.Tu me dis : Montre-moi ton Dieu. Je te dis à mon tour : Regarde un peu dans ton cœur. Montre-moi ton Dieu, reprends-tu. Regarde un peu dans ton cœur, répliqué je, et fais-en disparaître tout ce que tu y vois pour déplaire à Dieu. Ce Dieu voudrait venir en toi; écoute le Seigneur lui-même, écoute le Christ : « Moi et mon Père, dit-il, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure ». Voilà ce que Dieu te promet. Si je te promettais d’aller dans ta maison, tu l’approprierais; et lorsque Dieu veut venir dans ton cœur, tu es si indolent pour le lui purifier?
Il n’aime pas à habiter avec l’avarice, avec cette femme impure et insatiable dont tu suivais les ordres tout en cherchant à voir Dieu. Qu’as-tu fait de ce que Dieu t’a commandé ? Que n’as-tu pas fait de ce que t’a commandé l’avarice ? Qu’as-tu fait de ce que Dieu t’a commandé ? Je vais te montrer ce qu’il y a dans ton cœur, dans ce cœur qui voudrait contempler Dieu. Je l’avais déjà insinué en disant : Je pourrais le montrer, mais à qui? Qu’as-tu fait, dis-je, de ce que Dieu t’a ordonné? Qu’as-tu différé de ce que t’a prescrit l’avarice ? Dieu t’a commandé de donner des vêtements à qui n’en a pas; tu as frémis : l’avarice t’a ordonné de les enlever à qui en avait; tu t’y es porté avec une sorte de frénésie. Te dirai-je qu’en obéissant à Dieu tu aurais obtenu ceci et cela ? C’est Dieu même que tu posséderais; oui, c’est Dieu que tu aurais si tu avais suivi ses ordres. Maintenant que tu as exécuté les ordres de l’avarice, qu’as-tu ? Je sais que tu vas me répondre : J’ai tout ce que j’ai enlevé. Tu possèdes ainsi pour avoir dérobé. Mais que peux-tu posséder chez toi quand tu t’es perdu toi-même ? — Pourtant je possède. — Où? où? je t’en prie. Dans une chambre, sans doute, dans une bourse ou dans un coffre ; je n’en veux pas dire davantage. Où que ce soit enfin, tu ne l’as pas maintenant sur toi. Tu crois l’avoir dans ton coffre ; peut-être n’y est-il plus, et tu l’ignores; peut-être qu’en rentrant chez toi tu n’y trouveras plus ce que tu y as laissé. C’est ton cœur que j’ai en vue; qu’y possèdes-tu? Dis-le-moi. Quoi ! tu as rempli ton coffre-fort, et tu as mis ta conscience en lambeaux. Voici un homme rempli de biens; apprends à t’enrichir comme lui : « Le Seigneur a donné, dit-il, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait : que le nom du a Seigneur soit béni ». S’il avait tout perdu, où puisait-il ces perles précieuses qu’il offrait à son Dieu ?
6.Ainsi donc, purifie ton cœur autant que tu en es capable ; travaille, applique-toi à cette œuvre. Afin d’obtenir que Dieu même le purifie pour y demeurer, prie, conjure, humilie-toi. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était en Dieu dès le commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien ne l’a été. Ce qui a été fait était vie en lui; et la vie était la lumière des hommes; et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point compris ». Tu ne comprends pas cela. Voici pourquoi tu ne le comprends pas; c’est que « la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise ». Que sont ces ténèbres, sinon les mauvaises actions? Que sont ces ténèbres, sinon les passions désordonnées, l’orgueil, l’avarice, l’ambition, l’envie? Ténèbres que tout cela; c’est pourquoi tu ne comprends pas. Quand la lumière luit dans les ténèbres, qui peut la voir ?
7.Examine donc si tu ne pourrais pas saisir de quelque manière ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». C’est par l’humanité du Christ que tu t’approcheras de sa divinité. Dieu est si élevé au-dessus de toi ; mais Dieu s’est fait homme; ainsi l’homme a rapproché ce qui était placé à une si grande distance. C’est dans la divinité que tu dois demeurer; et par l’humanité que tu dois y aller. Le Christ est ainsi et le terme et la route. Voilà pourquoi » le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous « . Il s’est uni à ce qu’il n’était pas, sans perdre ce qu’il était. En, lui l’humanité était visible, la divinité cachée. L’humanité a été mise à mort, et la majesté divine outragée; mais l’humanité est ressuscitée et la divinité s’est révélée. Songe à tout ce que le Christ à fait comme Dieu, à tout ce qu’il a souffert en tant qu’homme. S’il a été mis à mort, ce n’est pas comme Dieu, et pourtant c’est le Christ lui-même. La divinité et L’humanité ne font pas en lui deux personnes; autrement nous n’aurions plus la Trinité, nous ferions une quaternité. L’homme est homme, et Dieu est Dieu ; mais le Christ est à la fois Dieu et homme; l’humanité et la divinité ne forment en lui qu’une personne. N’es-tu pas un corps et une âme ? C’est ainsi que le Christ est homme et Dieu en même temps; ou bien encore il est tout à la fois corps, âme, et Dieu.
Lui-même d’ailleurs parle tantôt comme étant Dieu, tantôt comme ayant une âme, tan. tôt comme ayant un corps; et toujours comme étant une même personne. Comme Dieu, que dit-il? « De même que mon Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné à son Fils d’avoir en lui-même la vie. Tout ce que fait le Père, le Fils le fait semblablement — Moi et ton Père nous sommes un ». Que dit-il comme ayant une âme ? « Mon âme est triste jusqu’à la mort ». Que dit-il comme ayant un corps ? « Renversez ce temple, et je le relèverai en trois jours. Touchez et voyez, car un esprit n’a ni chair ni os, comme vous m’en voyez ». Il y a là des trésors de sagesse et de science.
8. La loi tout entière se résume sûrement dans ces deux préceptes : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ; de plus, tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rapportent toute la loi et les prophètes ». Eh bien ! Dans le Christ tu trouves tout cela. Veux-tu aimer, ton Dieu ? Tu le peux dans le Christ : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu « . Veux-tu aimer ton prochain? Avec le Christ tu le peux encore: « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ».
9.Ah ! Qu’il nous purifie par sa grâce; qu’il nous purifie par ses secours et ses consolations. Par lui et en lui je vous conjure, mes frères, de multiplier les bonnes œuvres, la miséricorde, les actes de libéralité, de bonté. Pardonnez promptement à qui vous offense. Que nul ne garde de colère contre autrui, pour ne pas s’interdire la prière devant Dieu. Nous avons besoin de tous ces avertissements, parce que nous sommes dans le mondé, parce que tout en avançant dans la vertu et en vivant dans la justice, nous ne sommes point ici sans péché. Par péchés nous n’entendons pas seulement les désordres qu’on appelle des crimes, tels que les adultères, les actes de fornication, les sacrilèges, le vol, le larcin, les faux témoignages; il est d’autres péchés que ceux-là. Ainsi il y a péché à regarder ce que tu ne devais pas voir; péché à écouter avec plaisir ce que tu ne devais pas entendre ; péché à arrêter ta pensée sur ce qui ne devait pas l’occuper.
10.Aussi Notre-Seigneur nous a-t-il donné, après le bain régénérateur, d’autres remèdes à prendre chaque jour. L’oraison dominicale est destinée à nous purifier chaque jour. Disons donc, mais disons avec sincérité, car c’est aussi un acte de charité : « Remettez-nous ce que nous vous devons, comme nous remettons, nous aussi, à ceux qui nous doivent. Faites des aumônes, et pour, vous tout est pur ». Rappelez-vous, mes frères, ce que le Seigneur dira à ceux qui seront à sa droite. Il ne les louera pas d’avoir fait telles et telles actions d’éclat: « J’ai eu faim, dira-t-il, et vous m’ayez donné à manger ». A ceux de la gauche il ne dira pas non plus: Vous avez fait tels et tels maux; mais ; « J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ». Ainsi donc les uns pour leurs aumônes obtiendront la vie éternelle; et les autres, les éternelles flammes pour n’avoir pas fait l’aumône. Choisissez aujourd’hui ou la droite ou la gauche.
Quel espoir de salut peut nourrir celui qui tombe si fréquemment malade sans vouloir user de remède ?
Mais ce sont des maladies légères ? — Elles n’en accablent pas moins par leur ruasse. — Je n’ai que des péchés légers. — Ne sont-ils pas en grand nombre? Combien de choses légères écrasent et font périr ? Qu’y a-t-il de plus léger que les gouttes de pluie ? Elles remplissent le lit des fleuves. Qu’y a-t-il de plus petit que les grains de blé ? Ils surchargent les greniers. Tu considères bien que tes péchés sont légers; tu ne remarques pas combien ils sont nombreux. Tu sais peser chacun d’eux; pourrais-tu les compter ? Dieu cependant nous a donné un remède de chaque jour.
11.Quelle miséricorde nous fait « Celui qui est monté au ciel et qui a rendu captive la captivité même » Comment a-t-il rendu la captivité captive ? En tuant la mort. La captivité est devenue captive ; la mort est morte. Mais n’a-t-il fait pour nous que monter au ciel et que rendre captive la captivité même ? Nous a-t-il ensuite laissés à nous-mêmes ?
Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle. Considère donc « les dons qu’il a faits aux hommes ». Répands tes largesses et reçois le bonheur.
Sermon CCLXXII. Pour le jour de l’ascension. II. Jésus-Christ et sa gloire.
ANALYSE. — C’est bien aujourd’hui, la tradition en fait foi, que le Sauveur est monté au ciel. D’ailleurs ces paroles d’un psaume : « Elevez-vous, ô Dieu, au-dessus des cieux », ne sauraient s’appliquer qu’à lui, puisque il est la seule personne divine qui soit descendue et qui conséquemment puisse s’élever. Donc aussi les mots suivants : « Et que votre gloire couvre toute la terre », ne peuvent s’entendre que de son Eglise. Vraie Eglise de Jésus-Christ, elle est catholique par conséquent, ce qui suffit pour faire condamner les sociétés rivales qui ne le sont pas.
1.Fils unique du Père et coéternel à Celui qui l’engendre, invisible comme lui, comme lui immuable, tout-puissant comme lui et comme lui Dieu, vous le savez, on vous l’a appris, et vous le croyez fermement, le Seigneur Jésus s’est fait homme pour l’amour de nous; il a pris la nature humaine sans quitter sa divine nature, cachant sa puissance et montrant sa faiblesse. Vous le savez encore, s’il est né, c’était pour nous faire renaître, s’il est mort, c’était pour nous empêcher de mourir éternellement. Aussitôt après, c’est-à-dire le troisième jour, il est ressuscité; promettant de ressusciter nos corps à la fin des siècles. Il s’est montré à ses disciples, pour qu’ils le vissent de leurs yeux et le touchassent de leurs mains; il voulait ainsi les convaincre de ce qu’il s’était fait dans le temps sans rien perdre, de ce qu’il est dans l’éternité. Il vécut alors quarante jours avec eux, comme on vous l’a enseigné, allant et venant, mangeant et buvant, non plus par besoin, mais uniquement par puissance, et les convainquant de la réalité de sa chair qu’ils avaient vue faible sur la croix et qu’ils voyaient immortelle, depuis qu’elle était sortie du sépulcre.
2.C’est donc aujourd’hui que nous célébrons la solennité de son Ascension. Aujourd’hui encore il y a pour cette Eglise une solennité particulière, l’anniversaire de l’inhumation de saint Léonce, qui en est le fondateur. Mais que cette étoile veuille bien se laisser obscurcir par le soleil; parlons plutôt du Seigneur, comme nous avons commencé; un bon serviteur n’est-il pas heureux d’entendre louer son Maître ?
3.Aujourd’hui donc, c’est-à-dire le quarantième jour qui suit la résurrection, le Seigneur est monté au ciel. Nous ne l’avons pas vu, croyons-le. Ceux qui l’ont vu l’ont publié, ils ont répandu ce fait dans tout l’univers. Vous connaissez ces témoins qui nous ont instruits, c’est d’eux qu’il avait été prédit. « Il n’est ni langue ni idiome où on n’entende leur voix. Son éclat a retenti par toute la terre et leurs paroles se sont répandues jusqu’aux extrémités du monde ». C’est ainsi qu’elles sont arrivées jusqu’à nous et nous ont fait sortir de notre sommeil. Aussi ce jour est-il une fête dans l’univers entier.
4.Rappelez-vous le psaume chanté. A qui y est-il dit : « Elevez-vous, ô Dieu, au-dessus des cieux ? » A qui s’adressent ces mots ? Est-ce à Dieu le Père qu’il serait dit : « Elevez-vous », puisque jamais il n’a été dans l’abaissement? Ah ! c’est à vous de vous élever, vous qui avez été enfermé dans le sein de votre Mère, vous qui avez été formé dans les entrailles de Celle que vous avez formée; vous qui avez été couché dans une crèche; vous qui avez, comme les petits enfants, puisé un lait véritable dans le sein maternel; vous qui portez le monde et vous laissiez porter par votre Mère ; vous dont le vieillard Siméon reconnut les abaissements et loua les grandeurs; vous que la veuve Anne vit boire à la mamelle tout en vous proclamant le Tout Puissant; vous qui pour nous avez eu faim et soif et qui vous êtes fatigué pour nous, (pourtant est-il permis au Pain de souffrir de la faim, à la Fontaine d’endurer la soif et à la Voie de se fatiguer ?) vous qui avez supporté tout cela pour l’amour de nous ; vous qui avez dormi sans toutefois sommeiller jamais, en veillant sur Israël; vous enfin que Judas a vendu et que les Juifs ont acheté, mais sans vous posséder; vous qui avez été saisi, garrotté, flagellé, couronné d’épines, suspendu au gibet, percé d’un coup de lance, mort et enseveli, « ô Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux ».
Oui, élevez-vous, élevez-vous au-dessus des cieux, puisque vous êtes Dieu. Siégez dans le ciel, vous qui avez été attaché à la croix. Nous vous attendons pour nous juger, vous qu’on a attendu quand vous avez été jugé. Mais qui croirait cela, sans l’action de Celui qui tire l’indigent de la poussière et qui élève le pauvre au-dessus de la boue? Aussi est-ce lui qui élève aujourd’hui son corps jadis si pauvre et qui le place au milieu des princes de son peuple, avec lesquels il doit venir juger les vivants et les morts. Avec eux donc il place ce corps jadis indigent et il leur dit: « Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël ».
« Elevez-vous , ô Dieu , au-dessus des cieux ». C’est un fait accompli. Nous ajoutons : Nous n’avons pas vu et nous croyons cependant l’événement prédit autrefois par ces paroles : « Elevez-vous, ô Dieu, au-dessus des cieux » ; mais n’avons-nous pas sous les yeux ce qui suit : « Et que votre gloire couvre toute la terre ? » Qu’on ne croie pas le premier événement, si l’on n’est pas témoin du second. Que signifie cette » gloire qui couvre toute la terre « , sinon que sur toute la terre s’étend votre Eglise , que sur toute la terre s’est répandue votre épouse avec sa majesté, votre bien-aimée , votre colombe, votre compagne ? Elle est: votre gloire. « L’homme, dit l’Apôtre, ne doit point se voiler la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu ; tandis que la femme est la gloire de l’homme ». Si la femme est la gloire de l’homme, l’Eglise assurément est la gloire du Christ.
Cette Eglise est la sainte Eglise catholique ; test elle qui est répandue par tout l’univers ; elle est la moisson qui grandit au milieu de l’ivraie. Ah ! Regardez-la du haut du ciel, vous qui, pour l’amour d’elle, avez été raillé sur le gibet. Les Juifs alors se moquaient de vous, et vous priiez pour eux. Si en vous persécutant ils ont mérité cette faveur, que n’ont pas mérité ceux qui croient en vous ? Aussi avez-vous daigné leur faire cette promesse : « Et vous recevrez la vertu du Saint-Esprit survenant en vous, et vous me servirez de témoins ». Où ? « A Jérusalem », où j’ai été mis à mort. A Jérusalem ? C’est trop peu ; tous n’avez pas donné une rançon si précieuse pour cette seule cité. Ajoutez donc à Jérusalem, cette ville est trop étroite pour contenir votre gloire. » A Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre « . Nous voilà aux limites de la terre, pourquoi ne pas finir tes disputes?
Qu’on ne me dise plus: L’Eglise est ici. Tais-toi, parole humaine; écoute la divine parole « A Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ». C’est à ces traits que le Seigneur nous signale son Eglise, à nous qui sommes les derniers de ses serviteurs. C’est pourtant une mère qu’il recommande à ses enfants. Il prévoyait de futures querelles parmi ces fils ingrats; il voyait d’avance les hommes qui se partageraient le bien d’autrui. Pourquoi ne pas s’abstenir de partager ce qu’ils n’ont pas acheté ?
L’Eglise du Christ est donc, je le répète, mes très-chers frères, cette sainte Eglise catholique qui est répandue partout, cette Eglise qui conserve sa virginité et qui chaque jour donne la vie à des enfants.
Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO
"L’Ascension n’indique pas l'absence de Jésus, mais qu’il est vivant parmi nous d'une nouvelle façon", explique Mgr Follo
Prédication pour l’Ascension