La charité multiplie les charismes

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Quatrième prédication du P. Cantalamessa

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« La charité est »le chemin par excellence »: elle me fait aimer le corps du Christ, ou la communauté dans laquelle je vis ; et dans l’unité tous les charismes, sans exceptions, »m’appartiennent ». La charité multiplie vraiment les charismes : elle fait du charisme d’un seul un charisme pour tous », souligne le P. Cantalamessa.

Le P. Raniero Cantalamessa, capucin, prédicateur de la Maison pontificale, a prononcé sa quatrième prédication de carême sur le thème « Orient et Occident face au mystère de l’Esprit-Saint », ce vendredi 20 mars 2015, dans la chapelle Redemptoris Mater du Vatican, en présence du pape et de la Curie romaine.

Le prédicateur a médité sur « la foi en l’Esprit Saint, commune à l’Orient et l’Occident », en commençant par un retour sur la question du »filioque »et son élaboration dans l’histoire (cf. texte intégral publié par Zenit).

« Aujourd’hui, a-t-il fait observer, dans le climat de dialogue et d’estime réciproque que l’on cherche à établir entre l’Orthodoxie et l’Église catholique, ce problème ne semble plus un obstacle insurmontable à la pleine communion. »

Le catéchisme de l’Église catholique parle d’une « complémentarité légitime qui, si elle n’est pas durcie, n’affecte pas l’identité de la foi dans la réalité du mystère ».

Il faut même aller plus loin, a fait observer le P. Cantalamessa : « Le dialogue, quand il est fait dans un esprit de communion, ne se limite pas à aplanir les difficultés du passé, il ouvre de nouvelles perspectives. Dans la pneumatologie actuelle, la grande nouveauté ne consiste en effet pas à trouver enfin un accord sur le Filioque, mais à repartir des Écritures en vue d’une synthèse et d’un éventail de questions plus larges, moins conditionnés par l’histoire passée. »

« Cette relecture, commencée depuis quelque temps, a révélé un fait précis: le Saint-Esprit, dans l’histoire du salut, n’est pas seulement envoyé par le Fils, mais aussi sur le Fils; Le Fils n’est pas seulement celui qui donne l’Esprit, mais aussi celui qui le reçoit », a-t-il ajouté.

Ce rapport de réciprocité dans l’histoire du salut reflète aussi le rapport qui existe au sein même de la Trinité. Mais comment concevoir cette réciprocité dans l’ordre trinitaire ? « Nous ne pouvons pas appeler Dieu »Père de l’Esprit », mais nous pouvons l’appeler »Père dans l’Esprit » ; nous ne pouvons pas appeler le Fils »Fils de l’Esprit », mais nous pouvons l’appeler »Fils dans l’Esprit » », a-t-il répondu.

En effet, la préposition utilisée dans les Écritures pour parler de l’Esprit Saint n’est pas « de », mais « dans » : « c’est sous l’action de l’Esprit que le Fils prononce son Abba éternel dans la génération par laquelle il procède du Père. Le théologien orthodoxe Olivier Clément a anticipé cette conclusion en disant que »le Fils procède du Père dans l’Esprit ». »

Pour le P. Cantalamessa, « cela suffit à montrer toute une nouvelle façon de concevoir les relations trinitaires » : « Le Verbe et l’Esprit procèdent simultanément du Père. Il faut renoncer à toute idée de précédence entre les deux, non seulement chronologique mais également logique… Le Fils et le Saint-Esprit ne sauraient être vus l’un après l’autre, ou l’un à côté de l’autre, mais »l’un dans l’autre ». »

« L’acte ineffable d’où découle toute la Trinité » est exprimé par l’image de l’« onction éternelle » du Fils par le Père à travers l’Esprit : « en Occident, on a l’habitude de dire que l’Esprit doit son nom au fait qu’il est inspiré et qu’il inspire. Sous cet angle, l’Esprit Saint exerce un rôle »actif »uniquement en dehors de la Trinité, dans la mesure où il inspire les Écritures, les prophètes, les saints etc., alors que dans la Trinité il n’aurait que la qualité passive d’être inspiré par le Père et par le Fils. »

Avec l’onction, cette lacune de la pneumologie est surmontée : « si on reconnaît au Fils un rôle actif par rapport à l’Esprit, exprimé dans l’image de l’inspiration, on reconnaît aussi un rôle actif à l’Esprit Saint par rapport au Fils, exprimé dans l’image de l’onction. On ne peut pas dire du Verbe qu’il est »le Fils du Saint-Esprit », mais on peut dire qu’il est »l’Oint de l’Esprit ». »

« Repartir des Écritures permet de constater la complémentarité des deux pneumatologies, orientale et occidentale », a poursuivi le P. Cantalamessa : « Il a été observé, dans le cadre du Nouveau Testament, que Jean insiste davantage sur »l’Esprit de vérité »et Paul sur l’ »Esprit de charité ». »

« Cette différence dans la manière de mettre en évidence l’Esprit Saint se maintient dans la tradition : l’Orient reflète davantage la vision de Jean et l’Occident celle de Paul. La pneumatologie orthodoxe a donné plus de relief à l’Esprit lumière, et la pneumatologie latine à l’Esprit amour », a-t-il expliqué.

Le P. Cantalamessa a conclu en citant saint Augustin commentant la doctrine de saint Paul dans 1 Corinthiens 12 sur les charismes : « Si tu aimes l’Église, il est sûr que tu n’en es pas absolument dépourvu [des charismes des autres] ; car si tu tiens de cœur à l’ensemble de l’Église, tu partages avec ceux qui les possèdent les dons de l’Esprit de Dieu. Si tu n’es pas envieux, tout ce que je possède t’appartient et si je banni moi-même l’envie, tout ce que tu possèdes est à moi. L’envie produit la séparation; l’union, tel est l’effet de la charité. »

« Voilà pourquoi la charité est »le chemin par excellence »(1 Co 12, 31): elle me fait aimer le corps du Christ, ou la communauté dans laquelle je vis, et dans l’unité tous les charismes, sans exceptions, »m’appartiennent ». La charité multiplie vraiment les charismes : elle fait du charisme d’un seul un charisme pour tous. Il suffit de ne pas faire de soi-même, mais du Christ, le centre d’intérêt ; de ne pas vouloir »vivre pour soi-même, mais pour le Seigneur » », a souligné le prédicateur.

« Appliqué aux relations entre les deux Églises, orientale et occidentale, ce principe amène à regarder ce que chacune a de diffèrent par rapport à l’autre, non pas comme une erreur ou une menace, mais comme une richesse et à s’en réjouir. Appliqué à nos relations quotidiennes, au sein de notre Église ou dans nos communautés de vie, ce principe aide à surmonter les sentiments naturels de frustration, de rivalité et de jalousie. L’Esprit Saint nous aide à prendre ce chemin, un chemin exigeant mais auquel sont promis les fruits de l’esprit : amour, joie et paix », a-t-il affirmé.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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