Le bonheur des générations futures dépend de l'Evangile de la famille

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XIXe Congrès de droit canonique de l’Université de la Sainte-Croix

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« L’Église ne doit pas se lasser de prêcher fidèlement l’Évangile de la famille », qui n’est pas « un modèle du passé, mais une réalité d’une grande valeur et beauté, de laquelle dépend le bonheur des futures générations ». Et les laïcs ont « un rôle central » pour témoigner « de la beauté de la famille », affirme le professeur italien Héctor Franceschi, ordinaire de droit matrimonial canonique.

La Faculté de droit canonique de l’Université de la Sainte Croix à Rome, a organisé son XIXème Congrès sur le thème « Mariage et famille – La ‘question anthropologique’ et l’évangélisation de la famille », jeudi 12 mars 2015.

Le professeur Franceschi, président du comité organisateur, évoque cet événement qui avait pour but de contribuer à la réflexion de l’Église en vue du prochain synode sur la famille (octobre 2015).

Zenit – Quels étaient les thèmes essentiels de ce congrès ?

Prof. Héctor Franceschi – Le thème central a été la question anthropologique, parce que nous avons vu qu’il était absolument nécessaire de redécouvrir la personne humaine, y compris dans sa dimension familiale intrinsèque. Si nous ne réussissons pas à nous réapproprier une notion réaliste de la personne comme d’un être en relation, qui a ses racines dans le fait qu’il a été créé par Dieu, avec une finalité dans sa vie, il devient pratiquement impossible de comprendre tant la condition sexuelle masculine ou féminine objective que le mariage comme concrétisation de la complémentarité intrinsèque entre homme et femme. À travers les différentes conférences du congrès, nous avons vu combien il est nécessaire, comme le disait le cardinal Caffarra [fondateur de l’Institut Jean- Paul II pour les Etudes sur le Mariage et la Famille, ndlr] dans son discours d’ouverture, de nettoyer les yeux de la « cataracte des idéologies », qui empêchent de voir la réalité et qui rendent donc impossible de donner des réponses fortes, cohérentes et rationnelles à cette société « liquide » dans laquelle nous vivons. L’Église a un trésor sur le mariage et la famille – que l’on pense en particulier au magistère de Jean-Paul II – qu’elle doit savoir transmettre, avec de nouvelles lumières et avec fidélité, à l’homme de notre temps.

Comment ce congrès a-t-il contribué à la réflexion de l’Église sur la famille ?

Nous avons saisi au vol la proposition du synode, à savoir que les institutions académiques aussi apportent leur contribution aux réflexions sur le mariage et la famille en cette période inter-synodale. Il ne s’agissait pas seulement de transmettre des idées, mais de nous confronter aux différentes sciences qui s’intéressent à cette réalité : anthropologie philosophique et théologique, théologie morale et dogmatique, théologie pastorale, droit de l’Église sur le mariage et la famille, pour tenter d’identifier des points-clés pour une authentique évangélisation de la famille dans la société contemporaine. En même temps, je crois qu’une des grandes contributions a été de mettre en avant le rôle central des laïcs, comme nous l’avons vu dans les tables-rondes, l’une sur la préparation au mariage, l’autre sur l’accompagnement des couples, y compris de ceux qui sont en difficulté. Nous avons pris connaissance de nombreuses initiatives qui se sont montrées, au long des années, très efficaces pour ces deux périodes, beaucoup d’entre elles étant animées par des familles chrétiennes qui non seulement sont convaincues de la beauté et de la place centrale de la famille, mais qui sont aussi de vrais témoins de l’« Évangile de la famille ».

En quel sens le changement anthropologique et culturel actuel influence-t-il la vie de la famille ?

Je dirais : d’une manière qui n’est pas indifférente. Comme l’affirmait le cardinal Caffarra, dans les dernières décennies, nous avons assisté à une dé-construction de la vision anthropologique de l’homme et donc de la famille : nous avons les morceaux, mais nous n’avons plus la maison. Il y a un grand désarroi, parce qu’on ne sait plus qui est la personne et quel est le but de sa vie. Il y a une peur de l’engagement jusqu’à la mort, qui est même perçu par beaucoup comme impossible. Il y a une peur de la fécondité et des enfants. On peine à comprendre la beauté de la fidélité. Face à de telles visions, qui considèrent la famille – fondée sur le mariage en tant qu’union exclusive et fidèle entre un homme et une femme et ouverte à la vie – plutôt comme un modèle extrinsèque à la nature même du rapport entre homme et femme, et non comme quelque chose qui appartient à l’être de la personne humaine masculine et féminine, l’Église ne doit pas se lasser de proclamer la dignité de toute personne humaine, de prêcher fidèlement l’« Évangile de la famille ». Il ne s’agit pas d’un modèle du passé, d’un reliquat que les nostalgiques voudraient conserver, mais d’une réalité d’une grande valeur et beauté de laquelle dépend le bonheur et la réalisation des futures générations. Sinon, nous irions vers ce que le pape François a appelé « l’hiver démographique » qui, à mon avis, plonge ses racines dans cet « hiver anthropologique » dans lequel nous sommes immergés et qui se manifeste dans de nombreux aspects qui concernent la famille : le divorce, l’avortement, la baisse démographique, l’appauvrissement de la société, la culture du déchet, la construction d’une notion liquide et même vide du mariage etc.

Quelles sont les principales conclusions de cette rencontre ? Les conseils des participants pour la pastorale de l’Église ?

Les conclusions sont nombreuses. En essayant de faire un bilan, je vais en indiquer quelques-unes. En premier lieu, il est nécessaire de redécouvrir la personne comme un être en relation, avec sa dignité qui n’est donnée ni par la société ni par l’Église, ni par les lois, mais qui est à l’origine et intrinsèque à tout être humain. Cela montre le besoin urgent de proposer une vraie anthropologie, non relativiste, qui montre à l’homme qui est l’homme, qui affirme sans fausse prudence la beauté et la spécificité de l’amour conjugal, qui ne peut être autre que l’amour entre un homme et une femme, fidèle jusqu’à la mort, ouvert à la vie. Un autre aspect fondamental est celui de la formation dans les vertus humaines et sociales car c’est seulement à travers elle qu’est possible une croissance harmonieuse et accomplie de toute personne – qui ne peut se fonder uniquement sur les sentiments ou les émotions. On ne peut construire un édifice stable sur les sables mouvants des sentiments. Il faut l’engagement de toute la personne dans ses différentes dimensions : l’intellect, la volonté et l’affectivité bien formée.

Que faut-il améliorer ou adapter dans la préparation au mariage aujourd’hui ?

Un des points-clés dans la table ronde sur la préparation au mariage a été la place centrale des vertus humaines dans la préparation au mariage et donc le rôle central des parents, qui doivent savoir transmettre non seulement par des paroles mais avant tout par leur exemple de vie, ce que signifie une vie heureuse et pleine, qui sait dépasser les difficultés, qui pense d’abord au bien des personnes chères, qui sait surmonter le temps qui passe, qui est généreuse. Et puis, nous avons vu combien les laïcs, en particulier les couples qui ont de l’expérience, peuvent aider dans le processus de la préparation au mariage, tout comme ils peuvent aider les couples en difficulté. Il faut leur donner un rôle plus central. Parmi les vertus, il y en a une qui me semble particulièrement importante, qui est la vertu de chasteté, qui rend la personne capable de devenir « maîtresse » d’elle-même
et non esclave de ses passions : celui qui décide conformément à une juste connaissance des choses et par une décision vraiment libre est davantage une personne que celui qui se laisse entraîner par la passion, par les modes, par les modèles de consommation. En ce sens, nous devons savoir transmettre la beauté de la chasteté : une vertu qui n’est pas seulement pour les jeunes, mais pour tous, et aussi pour les époux qui doivent avoir cette maîtrise d’eux-mêmes pour pouvoir se donner exclusivement à leur époux ou épouse et dépasser les tentations d’une société qui propose souvent des comportements incompatibles avec la beauté du mariage et de la famille.

Le pape François a demandé plusieurs fois de faciliter le processus de déclaration de nullité. Pouvez-vous expliquer plus en détails les propositions en ce sens ?

Ce thème a été abordé dans une des conférences, celle du professeur Llobell. En synthèse, je dirais que parmi les différentes propositions qui ont émergé pendant le synode extraordinaire, celles qui semblent le plus réalistes et qui respectent la nature de la déclaration de nullité sont celle d’éliminer l’obligation de la double sentence affirmative de la nullité, restant sauf le droit des parties ou du défenseur du lien de faire appel à l’instance supérieure s’ils ne sont pas d’accord ; et puis la possibilité que ne soit pas nécessaire un tribunal d’au moins trois juges, mais que la cause puisse avancer et être décidée par un juge unique. En revanche, nous n’avons pas vu clairement comment on pourrait choisir la voie d’une procédure administrative confiée à l’évêque diocésain parce que, quoi qu’il en soit, il faut qu’il s’agisse d’un processus de vérification de la vérité, qui demande une instruction sérieuse, à savoir d’obtenir les éléments de preuve qui démontrent avec prudence que le mariage est nul. Autrement, on court le risque de causer une grave blessure au principe fondamental – parce qu’il appartient au mariage – de l’indissolubilité : c’est le danger de cacher sous le nom de nullité ce qui serait en fait un divorce ou la dissolution d’un mariage en échec.

Au-delà de ces propositions, on a souligné combien il est fondamental que les praticiens du droit aient reçu une formation sérieuse : juges, défenseurs du lien, avocats, doivent être des personnes compétentes, zélées, qui savent qu’elles ne sont pas devant des papiers mais devant des personnes qui souffrent et qui demandent à l’Église de connaître la réalité de leur état.

Traduction de Constance Roques

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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