La charité au service l'intelligence, dans "l'Université itinérante"

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Pour une formation humaine et intellectuelle, par le P. de Laubier

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CITE DU VATICAN, Mardi 25 mars 2003 (ZENIT.org) – Le P. Patrick de Laubier, prêtre ordonné par Jean-Paul II à Rome, et professeur à l’Université de Genève présente, dans cet entretien recueilli par Florence Eibl pour « France Catholique » du 28 mars (http://www.France-catholique.fr), cette étonnante « Université itinérante » au service des chrétiens de l’ancien bloc soviétique, mais pas seulement.

« Lorsqu’on parle de « charité » envers les pauvres, on pense à l’aide matérielle que nous pouvons leur apporter. Mais il est d’autres formes de la charité, par exemple celle de la formation humaine et intellectuelle ! C’est la perspective dans laquelle quelques amis, parmi lesquels le Père Patrick de Laubier (1), ont fondé « l’Université itinérante » « , explique FC.

Don Patrick, comment l’Université itinérante est-elle née, et quel enseignement propose-t-elle ?

A un moment où l’enseignement social chrétien n’était plus à la mode, avec des amis professeurs et syndicalistes, dont le regretté Jean Bornard, ancien président de la CFTC, nous avons voulu le relancer en fondant une association qui s’est d’abord appelée : « université volante ». Nous avons organisé des sessions en Europe, en Inde, au Brésil. Cette première initiative est devenue en 1986 l’Association internationale pour l’enseignement social chrétien (AIESC).(2) Nous sommes une trentaine de membres, appartenant à 13 pays. Chacun organise des colloques ou des sessions et nous nous retrouvons une fois par an. Cette association est un lieu d’amitié, c’est son bien le plus précieux. Elle réunit des gens d’Europe, de l’Inde, d’Amérique latine, de Russie… Il y a même un correspondant coréen, et nous allons bientôt coopter un Chinois de Pékin et une Béninoise !
Ensuite, il y a eu à Genève, en 1989, la fondation du Centre international de formation chrétienne (CIFC), qui s’est spécialisé d’abord pour la Russie et l’Ukraine. En dix ans, une centaine d’étudiants de l’Est sont venus à Genève pour y suivre des sessions de un à neuf mois. Parmi les stagiaires, un peu plus de cinquante étaient de Moscou. Cette initiative a eu lieu l’année de la chute du mur de Berlin, l’URSS existait encore. Nous avons choisi les candidats selon des critères précis : il fallait qu’ils soient universitaires, orthodoxes et pratiquants, autant de filles que de garçons ! Pour les enseignants, on puisait parmi les membres de l’Université volante.
A partir de 2000, le CIFC a cessé d’inviter des étudiants pour organiser des sessions sur place, en Russie et en Ukraine. C’est pour renforcer ce travail que l’Université itinérante européenne pour la Russie et l’Ukraine (UIERU) a été créée, en 2001. Elle n’a pas un caractère confessionnel, et l’on propose un enseignement en sciences sociales et en philosophie.
Actuellement, le CIFC est en train de créer au Brésil une université itinérante sur le même modèle, en se basant à Sao Paulo.

Quel est le mode de « fonctionnement » du CIFC et de l’UIERU?

Nous allons là où l’on nous invite. En Russie, ce sont toujours des universités qui nous reçoivent et notre quartier général à Moscou est l’Université des sciences humaines de Russie (RGGU), qui est une institution publique. Nous avons aussi donné des cours dans l’université orthodoxe du Patriarcat de Moscou, Saint Joan. Nous sommes allés par équipe de 4 personnes et un(e) interprète (2 Russes et deux Occidentaux) à Samara, Saratov, sur la Volga, à Barnaoul en Sibérie occidentale, bientôt à Ivanovo. Pour l’Ukraine, nous avons des liens avec l’Université Mohyla de Kiev et en mai nous irons à Lviv (Lvov).
Au Brésil, où depuis 5 ans nous organisons des colloques (Sao Paulo, Brasilia, Porto-Alegre), nous avons fait venir de jeunes professeurs russes orthodoxes pour parler de leur expérience du communisme ! Sur le plan financier, il existe une fondation, pieusement appelée Maria Genevensis(3), qui reçoit – miraculeusement ! – des fonds privés (France, Suisse, Allemagne) mais nous oblige à utiliser ce que Maritain appelait des moyens pauvres ! Ces ressources permettent, depuis maintenant douze ans, de financer des programmes, et nous faisons confiance à la Theotokos pour l’avenir.

Ces organisations ont-elles une structure et un corps professoral fixes ?

Pour l’AIESC, il existe maintenant un secrétariat à l’IRCOM (Angers). Pour le CIFC et l’UIERU, c’est moi qui en assure le secrétariat, le reste est itinérant ou si vous préférez « volant ». Tous les collaborateurs occidentaux interviennent gratuitement, le CICF leur paie simplement le voyage. Les collaborateurs russes ou ukrainiens reçoivent un modeste pécule, la plupart d’entre eux sont des anciens participants des sessions genevoises.
Au Brésil, une association s’est créée pour diffuser l’enseignement social chrétien et travaille aussi bien avec l’AIESC que le CIFC.
Ces professeurs bénévoles sont le plus souvent membres de l’AIESC. C’est un réseau d’amitié, dont font aussi partie d’anciens étudiants. Par exemple, c’est en Inde un professeur de français de l’université Loyola à Madras, au Brésil, la secrétaire d’un évêque de Sao Paulo, en Russie, un jeune professeur de philosophie de Moscou, qui organisent personnellement des sessions ou des colloques. Nous avons aussi publié des ouvrages en russe et en brésilien.

Quel est le « profil » des personnes qui suivent les sessions ? Comment réagissent-elles ?

En Russie et en Ukraine ce sont des étudiants de sciences sociales et de philosophie, en Inde ce sont des militants d’action catholique, laïcs et religieux. Au Brésil, ce sont des étudiants et des adultes engagés dans le travail pastoral. En Russie, les étudiants sont curieux de nous entendre et souvent ils sont reconnaissants de voir qu’on se déplace pour eux – surtout lorsqu’on va en Sibérie ! L’accueil est très sympathique, parfois on garde des contacts, ils nous invitent à des colloques.

Combien de sessions le CIFC organise-t-il en Russie et quel est le nombre de participants ?

En 2002 il y a eu quatre sessions, dont une « université d’été » à Moscou sur le Bien commun. L’effectif moyen d’une session est d’une trentaine de participants. Ces sessions sont intégrées dans leur cursus et donnent lieu à des examens.

En Ukraine et en Russie, cet enseignement social correspond-il à un besoin particulièrement important ?

Hier à cause du régime politique et aujourd’hui en raison de la pauvreté, la jeunesse russe et ukrainienne est comme enfermée, il faut donc aller à elle. En Occident nous avons de la peine à imaginer leur situation concrète. Un professeur d’Université, par exemple, gagne 100 dollars par mois ! La Russie et l’Ukraine représentent ce que les chrétiens d’Orient ont de plus riche culturellement, c’est un trésor dont nous avons besoin en Occident pour respirer « à deux poumons » et pallier nos propres pathologies. Notez aussi que les livres qu’ils ont pour étudier sont encore parfois ceux du régime communiste. L’atmosphère, dans certaines villes, est encore très soviétique – à Moscou c’est différent, il y a davantage d’ouverture.
La grande majorité des étudiants que nous voyons n’est guère croyante et la pratique religieuse est très rare, même si l’ouverture au religieux est plus grande que dans les universités d’Europe occidentale.

Propos recueillis par Florence EIBL
© France Catholique
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(1) Patrick de Laubier, professeur honoraire (sociologie) de l’université de Genève, a été récemment ordonné prêtre par Jean Paul II.
(2) Son président est actuellement Manfred Spieker, professeur à l’université d’Osnabrück. Le secrétariat de l’AIESC vient d’être établi à l’IRCOM, 23, rue Edouard Guinel, 49130 Les Ponts de Cé. Tél. 02 41 79 64 64.
(3) CIFC c/o Patrick de
Laubier, 8, rue Lamartine, 1203 Genève CH.
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Rappelons qu’une découverte de l’Eglise en Ukraine est proposée du 2 au 11 juin 2003, vers l’antique “Rus de Kiev”, terre foulée par Jean-Paul II en juin 2001 lors d’un pèlerinage historique à la rencontre des Gréco-catholiques et des Orthodoxes.

Ce sera l’occasion de comprendre la complexité de l’œcuménisme sur le terrain. A Lvov, une rencontre est prévue avec le cardinal Lubomyr Husar, archevêque majeur des gréco-catholiques. Le voyage organisé par l’hebdomadaire français « France Catholique » (http://www.France-catholique.fr) et l’agence « La Procure Terre Entière » (http://www.lpte.com).

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ZENIT Staff

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