Journée mondiale pour l'alimentation 2017, FAO © L'Osservatore Romano

Journée mondiale pour l'alimentation 2017, FAO © L'Osservatore Romano

Journée mondiale de l'alimentation : ce que nous gaspillons c'est le pain des pauvres, écrit le pape

Message du pape à la FAO (Texte intégral)

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« Ce que nous accumulons et gaspillons est le pain des pauvres », dénonce le pape François à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, ce 16 octobre 2019 : « Il est cruel, injuste et paradoxal que, de nos jours, il y ait de la nourriture pour tous et que tout le monde ne puisse pas y accéder. »
Dans un message au directeur de l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Qu Dongyu, un Chinois, le pape déplore le problème mondial de « la mauvaise alimentation », où « la nourriture cesse d’être un moyen de subsistance pour devenir un moyen de destruction personnelle ».
Il appelle « une conversion de notre manière d’agir » et encourage « des styles de vie inspirés par une vision reconnaissante pour ce qui nous est donné, en cultivant la tempérance, la modération, l’abstinence, la maîtrise de soi et la solidarité: des vertus qui ont accompagné l’histoire de l’homme ». Il s’agit, écrit le pape, « de retourner à la simplicité et à la sobriété et de vivre chaque moment de l’existence en étant attentif aux besoins de l’autre ».
Le pape souhaite aussi un changement de modèle économique : « La lutte contre la faim et la malnutrition ne cessera pas tant que prévaudra exclusivement la logique du marché et que l’on cherchera seulement le profit à tout prix, en réduisant la nourriture à un simple produit de commerce, sujet à la spéculation financière, et en en faussant la valeur culturelle, sociale et fortement symbolique. La première préoccupation doit toujours être la personne humaine. »
AK
Message du pape François
A Son Excellence
Monsieur Qu Dongyu
Directeur Général de la FAO
La Journée Mondiale de l’Alimentation fait écho tous les ans au cri de nos frères si nombreux qui continuent à souffrir des tragédies de la faim et de la malnutrition. En effet, malgré les efforts accomplis au cours de ces dernières décennies, l’Agenda 2030 pour le développement durable demeure un programme à réaliser dans plusieurs régions du monde. Pour répondre à ce cri de l’humanité, le thème proposé cette année par la FAO: “Agir pour l’avenir. Une alimentation saine pour un monde #FaimZéro”, met en évidence la distorsion du binôme nourriture-nutrition.
Nous voyons comment la nourriture cesse d’être un moyen de subsistance pour devenir un moyen de destruction personnelle. Ainsi, devant les 820 millions de personnes affamées, nous avons sur l’autre plateau de la balance pratiquement 700 millions de personnes en surpoids, victimes d’habitudes alimentaires mauvaises. Ces derniers ne sont plus simplement des symboles du régime alimentaire des “peuples de l’opulence” (cf. Paul VI, Enc. Populorum progressio, n. 3), mais on les rencontre aussi dans les pays à faible revenu, où on continue à manger peu et mal, en copiant des modèles alimentaires des régions développées. A cause de la mauvaise alimentation, les pathologies liées à l’opulence peuvent provenir, soit d’un déséquilibre “par excès”, dont les effets sont souvent le diabète, les maladies cardiovasculaires et d’autres formes de maladies dégénératives, soit d’un déséquilibre “par défaut”, enregistré par le nombre croissant des morts par anorexie et par boulimie.
Une conversion de notre manière d’agir est donc nécessaire, et la nutrition est un important point de départ. Nous vivons grâce aux fruits de la création (cf. Ps 65, 10-14; 104, 27-28) et ceux-ci ne peuvent pas être considérés simplement comme un objet d’usage et de domination. C’est pourquoi les troubles alimentaires peuvent être combattus seulement en ayant des styles de vie inspirés par une vision reconnaissante pour ce qui nous est donné, en cultivant la tempérance, la modération, l’abstinence, la maîtrise de soi et la solidarité: des vertus qui ont accompagné l’histoire de l’homme. Il s’agit de retourner à la simplicité et à la sobriété et de vivre chaque moment de l’existence en étant attentif aux besoins de l’autre. Ainsi nous pourrons consolider nos liens dans une fraternité qui vise le bien commun et évite l’individualisme et l’égocentrisme qui ne provoquent que la faim et l’inégalité sociale. Un style de vie qui nous permettra de cultiver un rapport sain avec nous-mêmes, avec nos frères et avec l’environnement dans lequel nous vivons.
Pour l’adoption de ce mode de vie, la famille joue un rôle principal, et pour cela, la FAO a dédié une particulière attention à la protection de la famille rurale et à la promotion de l’agriculture familiale. Dans le cadre familial, et grâce à la sensibilité féminine et maternelle, on apprend à jouir des fruits de la terre sans en abuser et on découvre les meilleurs instruments pour diffuser des styles de vie respectueux du bien personnel et collectif.
D’autre part, l’actuelle interdépendance entre les nations peut aider à laisser de côté les intérêts particuliers et à favoriser la confiance ainsi que la relation d’amitié entre les peuples (cf. Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, n. 482). Je souhaite que le thème de cette année nous aide à ne pas oublier qu’il y a des gens qui s’alimentent encore de façon peu saine. Il est cruel, injuste et paradoxal que, de nos jours, il y ait de la nourriture pour tous et que tout le monde ne puisse pas y accéder; ou bien qu’il y ait des régions du monde où la nourriture est gaspillée, jetée, consommée en excès, ou bien destinée à d’autres fins qui ne sont pas alimentaires. Pour sortir de cette spirale, il faudrait promouvoir «les institutions économiques ainsi que les programmes sociaux qui permettraient aux plus pauvres d’accéder régulièrement aux ressources de base» (Enc. Laudato si’, n. 109).
La lutte contre la faim et la malnutrition ne cessera pas tant que prévaudra exclusivement la logique du marché et que l’on cherchera seulement le profit à tout prix, en réduisant la nourriture à un simple produit de commerce, sujet à la spéculation financière, et en en faussant la valeur culturelle, sociale et fortement symbolique. La première préoccupation doit toujours être la personne humaine, spécialement celle qui manque de nourriture quotidienne et qui a du mal à assumer des relations familiales et sociales (cf. ibid., nn. 112-113). Quand la personne humaine sera mise à la place qui lui revient, alors les opérations d’aide humanitaire et les programmes de développement auront un plus grand impact et donneront les résultats escomptés. Nous ne pouvons pas oublier que ce que nous accumulons et gaspillons est le pain des pauvres.
Monsieur le Directeur Général, ce sont là quelques réflexions que je désire partager avec vous à l’occasion de cette Journée, tout en demandant à Dieu de bénir chacun d’entre vous et de rendre fructueux votre travail, de manière à ce que croisse constamment la paix au service du progrès authentique et intégral de toute la famille humaine.
FRANÇOIS
Du Vatican, le 16 octobre 2019
© Librairie éditrice du Vatican

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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