« L’Église ne deviendrait-elle pas vivante si elle sortait d’elle-même ? », interroge Miki Kobayashi, jeune fille catholique, lors de son témoignage à la Rencontre des jeunes avec le pape François dans la cathédrale Sainte Marie de Tokyo, le 25 novembre 2019. Et elle ajoute : « Je pense que nous, qui nous rassemblons dans l’Église, nous devons vivre notre foi dans la société ».
La jeune Japonaise a fait observer que, si le Japon est un pays riche et développé, où « beaucoup semblent capables de vivre sans croire en quelque chose », « les jeunes peuvent ne pas trouver la signification de la foi s’ils ne voient pas d’autres personnes vivre leur foi ». Alors, a-t-elle demandé au pape François, « dans un tel environnement, comment les jeunes peuvent-ils rencontrer Dieu ? Y a-t-il un lieu où ils peuvent faire cette rencontre ? ».
Le pape François lui a répondu, notamment, en responsabilisant les jeunes: « Il y a des jeunes qui ne rêvent pas ; c’est terrible, un jeune qui ne rêve pas, un jeune qui ne fait place aux rêves, pour que Dieu entre, pour que les illusions rentrent et que la vie soit féconde. Il y a des hommes et des femmes qui ont oublient de rire, qui ne jouent pas, qui ignorent le sens de l’admiration et de la surprise. Des hommes et des femmes tels des zombies, dont le cœur a cessé de battre. Pourquoi ? En raison de l’incapacité à célébrer la vie avec les autres.»
Le pape a voulu confier cette clef du bonheur aux jeunes de Tokyo: « Écoutez bien ceci : vous serez heureux, vous serez féconds si vous gardez la capacité de célébrer la vie avec les autres. Que de personnes dans le monde sont matériellement riches, mais vivent esclaves d’une solitude sans pareille. Je pense ici à la solitude que connaissent tant de personnes, jeunes et adultes, de nos sociétés prospères, mais souvent si anonymes. Mère Teresa, qui travaillait parmi les plus pauvres des pauvres, a dit une fois quelque chose de prophétique, quelque chose de profond : « La solitude et le sentiment de ne pas être aimé sont la pauvreté la plus terrible ». Il convient peut-être que nous nous demandions : pour moi, quelle est la pauvreté la plus terrible, pour moi quel serait le niveau le plus élevé de pauvreté ? Et si nous sommes honnêtes, nous nous rendrons compte que la plus grande pauvreté qui puisse nous affecter, c’est la solitude et la sensation de n’être pas aimés ?»
Voici notre traduction du témoignage de la jeune Miki.
HG/AB
Témoignage de Miki Kobayashi
C’est un grand honneur pour moi d’avoir l’occasion de parler au nom des jeunes catholiques japonais. J’aimerais vous parler directement en anglais mais, en même temps, je voudrais que le public écoute. Alors, je suis désolée, mais je vais parler en japonais.
La société japonaise met l’accent sur la productivité et je sens que le Japon est un pays trépidant. Malheureusement, dans une telle société, peu de personnes pensent que cela vaut la peine de prendre du temps pour s’arrêter et réfléchir sur soi-même et simplement pour prier. Mais je pense qu’il est nécessaire, dans la vie moderne, de faire des allers et venues entre la vie quotidienne et le temps à part, pour retourner vers le Père pendant un moment tous les week-ends, pour réfléchir sur ce qui s’est passé au cours de la semaine, pour prier et trouver l’énergie de vivre une nouvelle semaine. Quand je suis allée dans une école à Timor-Leste, les étudiants allaient tous les soirs à la messe. Ils priaient en silence et leurs chants remplissaient l’église. J’ai senti la beauté de leurs vies qu’ils vivaient naturellement avec Dieu. Ces allées et venues entre la vie quotidienne et le temps à part enrichissent la vie. Nous pouvons prendre du temps pour réfléchir et agir en fonction de Dieu, même si le monde autour de nous change très rapidement.
D’un certain côté, la société japonaise est bien développée. Nous n’avons rien à craindre pour nos vies et beaucoup semblent capables de vivre sans croire en quelque chose. Dans un tel environnement, comment les jeunes peuvent-ils rencontrer Dieu ? Y a-t-il un lieu où ils peuvent faire cette rencontre ? À cause du manque de temps, les jeunes risquent de ne pas voir les innombrables étoiles et de perdre une occasion pleine de joie de faire l’expérience de la grandeur de Dieu et de leur propre faiblesse et de réaliser que Dieu est avec eux. Ils risquent de ne pas avoir d’amis avec qui parler et approfondir leur foi. Au Japon, seule une minorité croit en Dieu, et les jeunes peuvent ne pas trouver la signification de la foi s’ils ne voient pas d’autres personnes vivre leur foi. C’est triste qu’il ne soit pas facile de trouver les modèles ou les attitudes de la vie de foi que les jeunes cherchent.
Je pense aussi aux travailleurs journaliers dans le quartier de Kamagasaki à Osaka, qui sont traités comme des parias et à qui l’on refuse l’accès aux services sociaux. Ou encore à la façon dont les stagiaires techniques de pays étrangers sont souvent exploités avant d’être écartés. Je pense que l’Église peut jouer un rôle dans de telles situations. La règle de mesure de Dieu est différente des normes de la société ou de nos valeurs. Dieu prend soin de chacun. L’Église ne deviendrait-elle pas vivante si elle sortait d’elle-même ? En plus je pense que nous, qui nous rassemblons dans l’Église, nous devons vivre notre foi dans la société.
J’ai dit que le Japon était un pays riche, mais il y a beaucoup de problèmes à résoudre. La mondialisation amène de plus en plus de personnes d’origines diverses à vivre ensemble. Je voudrais demander quel rôle l’Église peut jouer et comment les jeunes peuvent trouver Dieu dans la société japonaise. Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat