Le pape François embrasse une petite fille malade du Train de la Joie

PHOTO.VA - OSSERVATORE ROMANO

L’élection du pape des enfants, 13 mars 2013

Un pontificat sous le signe de la « paternité »

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Le pape François annonce, dans l’avion de retour du Mexique à Rome, son exhortation sur la famille, qui noue la gerbe de deux synodes et d’un inter-synode. Il devrait signer le document le 19 mars, fête de saint Joseph, mais aussi anniversaire de l’inauguration de son pontificat. On ne peut pas mieux mettre le pontificat sous le signe de la famille. Mais le document ne devrait être publié qu’après Pâques.
En revanche, le pape a offert une belle surprise en librairie : son livre aux enfants du monde. Il a été publié en italien en février et devrait voir le jour en français avant Pâques. C’est, dimanche, 13 mars, le troisième anniversaire de l’élection du pape argentin, qu’il peut être intéressant de mettre en rapport avec ce petit livre révélateur.
Le titre italien – une co-édition de Loyola Press, Rizzoli et de la Librairie Editrice Vaticane – dit : « L’amour avant le monde. Le pape François écrit aux enfants ». Plus exactement, le pape François répond aux enfants !
Ce dialogue du pape François et des enfants enchante les photographes. Mais il les enchantait aussi au temps de Jean-Paul II : pas de visite dans ses paroisses de Rome sans dialogue avec les enfants. A Ostie, un petit garçon devait accueillir le pape. Il finit son petit discours en disant en substance : « Si tu te sens seul, tu peux me téléphoner. » Et il commence à donner son numéro au pape, mais il n’arrive pas à achever, submergé par l’émotion. Il se jette dans les bras du pape. Pour Noël, de façon significative, Jean-Paul II a voulu la grande crèche place Saint-Pierre, qui reste installée chaque année jusqu’au 2 février.
Et le 13 décembre 1994, avant Noël, dans l’atmosphère de la crèche et la contemplation de Dieu qui se fait petit enfant, pour l’Année internationale de la famille, le pape polonais leur avait écrit une lettre. Certains lui ont répondu, comme ce petit Français qui espérait que « quand il serait grand » le pape le canonise. Il annonçait au pape sa joie parce que sa maman attendait une petite fille : mais l’échographie n’avait pas encore été faite… Et ce sera effectivement une petite fille. Les enfants nous enchantent. Et les photographes qui saisissent la tendresse de Benoît XVI avec les enfants aussi. Et ses méditations sur Noël : le Ciel, dit-il, en contemplant le mystère de l’Incarnation, c’est « l’humilité de Dieu ».
Le pape François aussi est le pape des enfants. Combien de fois n’exhorte-t-il pas à ne pas avoir peur de la tendresse. Sur son passage, on tend les enfants pour qu’il les embrasse et les bénisse. Il remet les capuchons l’hiver, il fait signe qu’il faut leur mettre un chapeau l’été. Il fait monter les plus grands, médusés, dans la « papamobile ». Il laisse un petit garçon turbulent et complice s’installer sur son fauteuil ou embrasser sa croix. Il ne se dérobe pas à leurs questions très sérieuses.
Et maintenant voilà le livre, signé « Jorge Mario Bergoglio-François ». Ryan, Joao, Natasha, Emil, Yfan, Alessio… : trente et une lettres reproduites en fac-similés en couleur, dans leurs langues et leurs alphabets, avec leurs dessins, que le pape commente, qu’il prend autant au sérieux que leurs questions. Ils viennent de Chine, de Russie, d’Europe, d’Amérique… Et ils le mitraillent de questions qui nous dépassent : Que faisait Dieu avant de faire le monde ? Qu’en est-il de ceux que l’on aime quand ils sont morts ? Est-ce que nous avons vraiment tous un ange gardien, même les méchants ? Quelle est la chose la plus difficile que le pape ait dû faire ? Qu’est-ce que tu ferais si tu pouvais faire un miracle ? Mon grand-père n’est pas catholique, il va quand même au paradis ? Pourquoi est-ce que tu aimes le foot ? Le tango ? Est-ce que tu as été enfant de chœur ?
Lui qui est né sous le signe de Noël et du mystère de l’Incarnation – le 17 décembre, c’est le début de la grande neuvaine de préparation à Noël – et qui a été ordonné prêtre aussi en Avent – le 13 décembre 1969 –, est tout à fait à l’aise avec les enfants et leurs questions difficiles.
Ryan, du Canada, 8 ans, pose la question difficile qui a inspiré le titre : “Qu’est-ce que Dieu faisait avant de faire le monde ?” Le pape lui propose : “Tu peux penser cela : avant de créer le monde, Dieu aimait. Voilà ce que Dieu faisait : Dieu aimait. Dieu aime toujours. Dieu est amour.”
Joao, du Portugal, 10 ans, dessine une papamobile et il demande : “Qu’est-ce que tu éprouves quand tu regardes les enfants, place Saint-Pierre ?” “En réalité, quand je regarde un enfant comme toi je sens monter en moi tant d’espérance. Parce que voir un enfant pour moi c’est voir l’avenir. Oui, je ressens tellement d’espérance, parce qu’en chaque enfant, il y a une espérance pour l’avenir de l’humanité”.
“Comment Jésus a fait pour marcher sur l’eau ?” demande Natasha qui signe “Love” avec un coeur rouge : elle écrit du Kenya, elle a 8 ans. Le pape répond : “Tu dois imaginer Jésus qui marche naturellement, normalement. Il n’a pas volé sur l’eau ou fait des cabrioles en nageant. Il a marché comme toi tu marches, c’est-à-dire comme sir l’eau était la terre, un pied après l’autre.” Et comme le dessin de Natasha représente des poissons dans l’eau sous les pieds de Jésus, le pape ajoute : “Et aussi en voyant les poissons sous ses pieds faire la fête ou nager rapidement. Jésus est Dieu et donc il peut tout faire. Il peut aussi marcher sur l’eau tranquillement. Dieu ne coule pas, tu sais.”
Emil, de République dominicaine, 9 ans : “Les personnes de nos familles qui sont mortes peuvent-elles nous voir depuis le paradis ?” “Sois sûr que oui”, répond le pape qui ajoute : “Toi, tu ne les vois pas, mais si et quand Dieu le permet, eux, ils nous voient, au moins à certains moments de notre vie. Ils ne sont pas loin de nous, tu sais. Ils prient pour nous et ils prennent soin de nous avec affection. C’est cela qui est important.” Et il fait appel à son imagination : “Tu peux les imaginer ainsi tes parents défunts : ils te sourient depuis le Ciel. Tu les a dessinés volant à côté de moi. Mais ils “volent” auprès de toi et ils t’accompagnent avec affection.”
Pour Luca, d’Australie, 7 ans, c’est aussi la question de la mort : “Ma maman est au paradis. Il lui pousse des ailes d’ange ?” “Non, non, non ! Ta maman est au Ciel, belle, splendide, pleine de lumière. Il ne lui est pas poussé d’ailes. C’est la maman que tu connais, mais plus belle que jamais ; et elle te regarde et te sourit à toi qui es son fils. A chaque fois qu’elle te voit, ta maman est contente si tu te comportes bien. Si tu ne te comportes pas bien, elle t’aime autant, et elle demande à Jésus de te rendre meilleur. Pense à ta maman comme cela : belle, souriante, et pleine d’affection pour toi.”
Wing, chinois, 8 ans, demande au pape : « Pourquoi est-ce que cela te plaît de jouer au foot ? » « Le football me plaît beaucoup, répond le pape. Je n’ai jamais joué des matchs sérieux parce que je n’ai jamais bien appris la technique du jeu. Je n’ai pas un pied agile. Mais j’aime beaucoup voir jouer les équipes sur le terrain. Tu sais pourquoi ? Parce que je vois que c’est un jeu d’équipe, de solidarité. Si un joueur veut jouer tout seul, il perd, et puis il n’est pas aimé de ses compagnons d’équipe. On joue bien au football quand on joue ensemble, quand on fait un jeu d’équipe et qu’on cherche le bien de tous, sans penser au bien personnel ou à se mettre en avant. C’est aussi comme cela qu’on devrait faire dans l’Eglise. »
William, des Etats-Unis, 7 ans, lui demande quel miracle il ferait s’il en était capable. Le pape François répond : « Je guérirais les enfants. Je n’ai pas encore réussi à comprendre pourquoi les enfants souffrent. Pour moi, c’est un mystère (…). Je prie avec cette question : pourquoi les enfants souffrent-ils ? C’est mon cœur qui se pose la question. Jésus a pleuré et en pleurant, il a compris nos drames. Je cherche à comprendre. »
Et puis il y a ceux qui touchent au plus profond du cœur du pape, comme Clara, d’Irlande, 11 ans : « Tu te sens comme un père pour tous ? » Il répond : « Tout prêtre aime se sentir père ! La paternité spirituelle est importante. Je le ressens très fort : je ne saurais pas me reconnaître sans ce sentiment de paternité. Je ne pourrais pas me penser moi-même sinon comme un père. Et j’aime beaucoup ton dessin avec un grand cœur dans lequel il y a un papa et deux petites filles : celle qui tient l’ours en peluche, c’est toi ? Oui, Clara, j’aime être un papa. »
C’est à eux que le pape pense dans Laudato si’ : la planète ce n’est pas un « héritage » que l’on laisse à nos enfants, c’est un « prêt » qu’ils nous font !
C’est en père qu’il réagit à la pédophilie, dénonçant une offrande « diabolique », une anti-paternité à l’oeuvre.
Et c’est aux enfants qu’iront les bénéfices des ventes, sous la direction de l’aumônier apostolique, Mgr Konrad Krajewski, grâce à une branche du Dispensaire Sainte-Marthe, les « Enfants du pape », où plus de 500 enfants en difficulté reçoivent de l’aide.
Si le pape François a inauguré son pontificat le jour de la Saint-Joseph, le 19 mars 2013, c’est sous ce signe de la paternité spirituelle par excellence : à Joseph, Dieu, Père, a confié son Fils pour qu’il en devienne le père. Et sur son bureau ne trouve-t-on pas cette merveilleuse représentation de saint Joseph qui dort ? Car c’est quand il dort, lui, le travailleur, que Dieu lui parle et lui indique sa vocation. Un pape « contemplatif dans l’action », qui se souvient que dormir c’est aussi se livrer à Dieu qui parle, en toute docilité spirituelle.
Mais il faudrait aussi se souvenir que cette paternité qui ose manifester aux petits la tendresse de Dieu le Père, de Jésus, de l’Esprit, est nuancée d’une forme de maternité, comme il le demande aux prêtres, invités à manifester au monde « la maternité de l’Eglise ». Ce petit livre aux couleurs de dessins d’enfants révèle à quel point le pape François sait aussi manifester ce visage de tendresse de l’Eglise mère. Et c’est un livre significatif pour ce troisième anniversaire du pontificat.
L’exercice de cette paternité sacerdotale offre peut-être finalement la clef de la réforme colossale qu’il a mise en chantier, et de ces voyages exténuants à plus de dix mille mètres d’altitude où il parcourt plus de vingt mille kilomètres, de ses documents, de sa capacité de dialogue sans frontière et de rencontre.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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