« L’Europe doit retrouver l’esprit de ses débuts », estime le président italien Mattarella, qui évoque les leçons des deux guerres mondiales et de la division du monde en deux blocs au moment de la Guerre froide.
Le président a accordé une interview aux médias du Vatican (L’Osservatore Romano, Radio Vatican, Vatican News): le texte a été publié ce vendredi 17 mai 2019. La vidéo complète de l’interview est disponible sur le portail multimédia Vatican News tandis que l’audio a été diffusé sur Radio Vatican à 17h35.
Union européenne : « une communauté de valeurs »
Le président a commenté les paroles du pape François qui avait dit que « la plus grande contribution que les chrétiens puissent apporter à l’Europe d’aujourd’hui est de lui rappeler qu’elle n’est pas une collection de chiffres ou d’institutions, mais qu’elle est composée de personnes». « Le pape François pointe la chose avec sagesse, a dit Sergio Mattarella : l’Europe doit retrouver l’esprit de ses débuts. Elle doit se préoccuper davantage du sort des gens, et garantir une collaboration toujours plus étroite : l’égalité des conditions, la croissance économique ; ceci ne peut réellement être obtenu qu’avec une croissance culturelle, civile et morale. »
Le président a souligné la nécessité de redécouvrir le sens de l’Europe en tant que communauté. Il a parlé d’un nouveau document – signé par tous les présidents des États de l’Union ces derniers jours – ou « il est écrit que l’intégration européenne est la meilleure idée que nous ayons jamais eue sur notre continent ». « Cette affirmation, a-t-il expliqué, ainsi décidée avec la conviction que l’Union n’est pas un comité d’intérêts économiques régi par le critère du donner et de l’avoir, mais une communauté de valeurs. Cette conviction est la seule qui corresponde réellement au choix historique des fondateurs des premiers organismes communautaires. »
C’est perçu, a-t-il poursuivi, « surtout par deux générations: les plus âgées, qui se souviennent de la situation de l’Europe avant ce choix, et les plus jeunes, qui peuvent se déplacer librement de Trapani à Helsinki ou de Lisbonne à Stockholm. » « Tout le monde devrait penser à ce qu’ont causé les deux terribles guerres mondiales, menées surtout en Europe ; et à ce que signifiait vivre dans une Europe divisée par le rideau de fer », a-t-il souligné.
« Parfois, a fait noter Sergio Mattarella, la valeur des conditions dans lesquelles nous nous trouvons et ce qu’elles ont coûté en efforts et sacrifices sont oubliés : nous devons toujours penser que ces conditions, même imparfaites, doivent être préservées et consolidées ; elles ne sont pas évidentes et irréversibles. »
Le président a souligné que « les religions jouent un rôle croissant sur la scène internationale ». « Le respect mutuel et le dialogue entre les différentes religions – qui parlent de paix et de fraternité – sont des conditions essentielles, a-t-il souligné, et constituent le principal antidote à l’extrémisme qui cherche à instrumentaliser le sentiment religieux. »
Évoquant le voyage du pape aux Émirats Arabes Unis, il a dit que « la Déclaration sur la fraternité humaine signée par le pape François et le grand imam d’Al Azhar revêt une grande importance, comme le fut le geste du pape François à Bangui : emmener avec lui l’imam de la ville sur la papamobile, lors de sa visite en République centrafricaine à l’occasion de l’ouverture du Jubilé ». « Ce fut un grand geste, a-t-il poursuivi, très efficace dans la communication et d’une grande ouverture. »
« Exhorter à redécouvrir les racines authentiques et profondes des confessions religieuses – et œuvrer pour qu’un climat de dialogue et de fraternité règne parmi eux – signifie travailler de manière concrète pour la construction de la paix dans le monde et pour la sécurité de tous », a affirmé le président.
Le magistère du pape François
« Le magistère du pape François reçoit une grande attention et il exerce une influence significative sur nos citoyens », affirme le président de la République italienne Sergio Mattarella. « Les innombrables initiatives » de l’Église « en faveur des plus faibles, des marginaux et de ceux qui demandent une écoute et un accueil, a-t-il ajouté, sont concrètes et évidentes, et elles constituent un appel constant à l’exigence d’une aide réciproque dans la vie quotidienne, pour renforcer la cohésion de notre communauté »
Le pape « François est tout de suite devenu un point de référence pour les Italiens, a dit le président. Pour sa part, l’Église italienne fournit une contribution de grande importance à la société de notre pays, non seulement sur un plan spirituel ». « La présence de l’Église italienne dans la dimension culturelle, éducative et sociale est un motif de reconnaissance », a-t-il ajouté.
En ce qui concerne les rapports entre l’Église catholique et l’État italien, le président a souligné que ces « relations sont optimales à tout point de vue ». « La collaboration est entière, a-t-il dit, dans tous les domaines et secteurs dans lesquels les activités du Saint-Siège et celles de l’État italien se rencontrent au niveau interne et au niveau international. »
Italie : « se sentir communauté de vie »
La crise des relations est au cœur de nombreux discours du président italien. « C’est la principale préoccupation qu’il faut nourrir, a-t-il confirmé : une Italie qui récupère pleinement le sens et la valeur de se sentir communauté de vie. »
L’Italie « enregistre en son sein une grande quantité d’initiatives et des comportements de grande solidarité », a souligné le président, et « cette réalité est nettement majoritaire. Mais des attitudes d’intolérance, d’agressivité, de fermeture aux exigences d’autrui sont présentes. »
Ce n’est pas seulement un problème italien : « cela apparaît ainsi dans toute l’Europe et aussi dans d’autres continents ».
Cependant, en Italie, « un aspect différent s’ajoute », a-t-il expliqué : « les conséquences du profond malaise social, provoqué par les crises économiques et financières de la décennie passée, et … déterminé en Italie aussi par le transfert de ressources, toujours plus impressionnant, de l’économie réelle à la finance spéculative ; de la forte augmentation de la distance entre les plus riches et la plus grande partie de la population ».
« Les mutations du monde du travail » sont aussi importantes : elles « contribuent à faire surgir de l’incertitude, et de l’insécurité, pas seulement territoriales ».
Le président a souligné qu’ « il est nécessaire d’éviter » que la « souffrance », le « malaise » social, le « sentiment d’échec » déterminent « des situations de peur, d’aversion réciproque, de conflictualité entre les personnes, entre des groupes sociaux, entre des territoires à l’intérieur de chaque pays ».
Sergio Mattarella a aussi dit que « l’image de l’Italie et l’opinion qu’elle a, vue de l’étranger, est bien plus positive que nous l’avons de nous-mêmes ». « Je fais de nombreuses visites dans d’autres pays et je reçois de nombreux chefs d’État au Quirinal, a-t-il dit : je vois toujours et partout, un grand désir de l’Italie, une demande de collaboration fortement insistante. »
« J’ai un point d’observation privilégié et complet, a poursuivi le président. Notre pays regorge d’énergies, de comportements, d’initiatives et d’engagements positifs ; de solidarité, d’abnégation généreuse, de sens du devoir, de volonté et d’aptitude à faire face à l’intérêt général, au bien commun. »
Même s’il « existe un comportement sérieux et sévèrement censuré », a-t-il noté, « parmi les échelles, la générosité et le devoir sont de loin les plus répandus ». « C’est pourquoi j’en suis reconnaissant à nos concitoyens », a conclu le président.