Europe/Afrique : "La communion épiscopale naît du Sacrement reçu"

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Homélie du card. Sepe à la messe du symposium des évêques d’Afrique et d’Europe

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CITE DU VATICAN, Jeudi 11 novembre 2004 (ZENIT.org) – Voici le texte intégral de l’homélie du cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, ce 11 novembre, lors de la messe du symposium des évêques d’Afrique et d’Europe réunis à Rome.

« Le Règne de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17,21)

Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l’épiscopat
Mes sœurs et mes frères,

La liturgie célèbre aujourd’hui saint Martin de Tours, l’un des premiers saints non martyrs, né dans une famille païenne, et qui, devenu Évêque, se consacra entièrement à l’évangélisation des pauvres.
Cette mémoire liturgique est providentielle, par le fait qu’elle nous rappelle la dimension essentielle de notre ministère épiscopal : l’annonce de l’Évangile, d’où naît la foi et la communauté des croyants. « Prêchez la parole de Dieu avec une grande patience et le souci d’instruire », nous a-t-il été dit dans le rite de notre ordination épiscopale.
Ce mandat, trésor très précieux à conserver et à transmettre, est aussi la vraie raison d’être de notre vie d’évêque : continuer, comme Collège apostolique, en union avec Pierre, à proclamer l’événement unique et définitif de Jésus-Christ, Sauveur universel. Le fait d’être tous des « prisonniers du Christ » crée notre communion, notre unité sacramentelle.
Chers frères, je vous salue tous cordialement, au nom de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples qui, dès le début, a soutenu bien volontiers le projet de ce Symposium et lui a donné son « parrainage ». Je souhaite que vos travaux portent les meilleurs fruits et j’espère qu’il sera possible de poursuivre le chemin entrepris.
Permettez-moi maintenant de m’arrêter avec vous sur quelques aspects de ce Symposium qui a pour thème « Communion et solidarité entre l’Afrique et l’Europe ».

1. Unis sacramentellement
La communion épiscopale naît du Sacrement que nous avons reçu. Nous les Évêques, en union avec le Successeur de Pierre, ne faisons qu’un. C’est l’unité sacramentelle. Nous sommes unis par Celui que nous aimons ; nous sommes unis par la mission qu’il nous a confiée, au point que le signe de l’unité est la condition qu’il a mise à la crédibilité de son Évangile. Pour le Collège des Apôtres, le Christ a demandé au Père « qu’ils soient un pour que le monde croie » (Jn 17,21).
Le Concile Vatican II, notamment dans la Constitution dogmatique Lumen gentium (n. 19, 22) et dans le Décret Christus Dominus, donne un long enseignement sur la collégialité épiscopale, en soulignant que celle-ci ne dépend pas seulement du dynamisme pastoral, mais est théologale : celui qui est choisi pour prendre part à la succession apostolique est incorporé à la relation divine entre le Père, le « Fils bien-aimé, Jésus Christ » (prière de l’ordination) et l’Esprit « principal » que le Christ reçoit du Père et transmet aux Douze. C’est cette conviction profonde qui a induit Ignace d’Antioche à définir l’identité de l’Évêque à l’aide d’un titre christologique exclusif, celui d’ »image – icône du Père », qui « tient la place de l’Évêque invisible ».
Ainsi, la communion collégiale participe de l’essence même du ministère épiscopal. Toutes les tâches de l’Évêque rappelées dans la prière d’ordination : annonce de l’Évangile ; rassemblement des croyants ; conduite doctrinale, pastorale et disciplinaire ; culte ; attribution des ministères ; la libération de tout lien, même du péché, etc., découlent de sa participation à la communion trinitaire. Si l’ordre des Évêques est au cœur de l’Église, c’est parce qu’il est au cœur du mystère trinitaire. Telle est son identité sacramentelle, une identité qui n’existe pas pour elle-même, mais pour être vécue et témoignée.
Votre présence à ce Symposium, chers frères dans l’épiscopat, en est la démonstration pratique.

2. Solidarité épiscopale

L’Évangile de Luc que nous venons d’entendre nous met en garde contre l’illusion des solutions définitives, des manifestations voyantes qui n’attirent l’attention que pendant un temps limité.
Le Règne est une réalité mystérieuse, tendue vers un accomplissement qui se réalise définitivement dans la rencontre eschatologique. Fondé sur l’amour, il est une offrande de communion et donc de conversion de la part de l’homme, et de pardon de la part de Dieu ; il est l’intuition lumineuse et la perception profonde que l’autre fait partie de moi et que je fais partie de lui, puisque nous sommes tous enfants de l’unique Père, rachetés par l’unique Sauveur de l’homme, appelés à faire partie de l’unique Règne. De ce Règne nous vient la force de nous sentir entièrement nous-mêmes lorsque la riche diversité, la faiblesse, le besoin de l’autre sont perçus comme faisant partie intégrante de ma spécificité. Mon unité véritable me vient de la communion avec le multiple qui constitue le monde des relations.
Cela vaut en particulier pour nous, les Évêques qui, par la volonté du Seigneur, formons un « Corps », un « Collège » appelé à exercer une responsabilité qui s’étend au monde entier (LG 38). Nous provenons de lieux divers, de cultures différentes, de continents éloignés, l’Afrique et l’Europe, mais nous sommes pleinement des Évêques lorsque les réalités des uns sont perçues comme siennes propres par les autres ; lorsqu’elles nous engagent dans l’esprit, le cœur et l’action, de façon profondément solidaire. Donner et recevoir ne sont donc pas des facultés, mais un devoir inhérent à la nature même de notre être épiscopal.

3. Missionnariété épiscopale

La communion épiscopale conduit naturellement à la solidarité universelle, et celle-ci débouche sur la missionnariété ecclésiale. Cette missionnariété est l’accomplissement dans l’histoire, dans le temps et dans l’espace, du projet de Dieu sur l’homme : le salut éternel (1 Tim 2,4). Le commandement du Seigneur d’ »aller » contient à la fois une référence à l’apostolicité et à la catholicité. L’Église est catholique parce qu’elle a reçu la mission d’annoncer l’Évangile du salut en tout temps et à tous les peuples. Nombre de documents du Magistère, à commencer par Vatican II et, plus récemment, Pastores gregis, ont mis en lumière le lien étroit qui existe entre universalité, catholicité et missionnariété de l’Église.
Rassemblés ce soir autour de l’autel du Seigneur, nous exprimons la catholicité de l’Église. C’est le premier don mutuel que nous nous échangeons, avant de nous communiquer nos diverses expériences et nos plans pastoraux. Ces différences ne nous séparent pas, et elles ne nous qualifient pas non plus, parce que tous ensemble, nous sommes un sacrement d’unité dans le Christ.
L’Église est « une », mais elle s’exprime dans une grande diversité de formes ; sa catholicité la pousse à étendre les espaces de communion à toutes les créatures, en sorte que le grand réseau des relations qui unissent les diverses églises particulières disséminées dans le monde entier en font, à la fin, la seule et unique Église du Christ, qui poursuit avec courage l’œuvre inlassable de porter partout l’Évangile, y compris dans les pays nouveaux où le Seigneur n’est pas encore connu.
La mission « catholique » est, en un certain sens, impondérable parce qu’elle est le fruit de l’amour du Christ. La tâche missionnaire appartient à toute l’Église et plus particulièrement à nous les Évêques, qui devons « promouvoir toute activité commune à l’Église entière, spécialement celle qui tend à accroître la foi et à faire briller aux yeux de tous les hommes la lumière de la pleine vérité » (LG 23 ; cf. AG 38,39).

4. Pour raviver l’espérance
Chers frères,
En
ces jours de communion, vous allez chercher à approfondir, partager, vérifier et réfléchir sur la nouvelle réalité d’un monde qui change et qui engage l’Afrique et l’Europe dans un processus de solidarité missionnaire.
Il me semble que l’étincelle d’une nouvelle espérance nous vient de la redécouverte de notre vocation missionnaire, qui fait de nous les hérauts et les proclamateurs du salut du Christ. La conscience d’être encore un « petit troupeau » est éclairée par la promesse qui l’accompagne, et l’annonce de la souffrance et du rejet, telle qu’elle est rapportée dans l’Évangile d’aujourd’hui, ne doit pas obscurcir la beauté et la force du Fils de l’homme « qui, comme l’éclair qui jaillit, illumine l’horizon d’un bout à l’autre ».
Dans leur complexité, les réalités de l’Afrique, de l’Europe et des autres continents constituent la « catholicité » des destinataires de la mission. Pour pouvoir offrir à tous les mystères du salut et la vie que Dieu a donnée à l’humanité, cette dynamique de mission doit s’inscrire dans la logique de l’incarnation ; autrement dit, elle doit promouvoir un processus d’inculturation authentique. La catholicité de la mission exige que nous prenions sur nous, comme Évêques, les joies et les peines, les angoisses et les espérances de tous les hommes de notre temps (cf. Cr 5,1).
Le Christ, source de tout ministère, nous a rendus participants de son œuvre de salut en nous donnant la plénitude du sacerdoce ministériel. C’est de nous que « la vie chrétienne des fidèles dépend et découle » (SC 41). Soyons-en conscients et enthousiastes, faisons-nous les serviteurs attentionnés du peuple de Dieu qui nous est confié, et soyons prêts à annoncer l’Évangile à tous les peuples de la terre. Il nous a été dit : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples ». Aujourd’hui, ce commandement du Seigneur s’adresse à chacun de nous : à toute l’Église, pour le monde entier ; à tous les Évêques d’Afrique pour tous les Évêques d’Europe et du monde ; à tous les Évêques d’Europe pour tous les Évêques d’Afrique et du monde.
Que Marie, Étoile de l’évangélisation et Reine des missions, vous assiste, vous protège et vous accompagne dans vos propos et dans vos décisions.
AMEN !

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ZENIT Staff

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