La Cour des Comptes « rend un service indispensable orienté selon la justice vers le bien commun », rappelle le pape François qui souligne que « l’État, dans toutes ses articulations, est appelé à être le défenseur des droits naturels de l’homme, dont la reconnaissance est une condition pour l’existence de l’État de droit ». Par conséquent, poursuit-il, « le bien de la personne humaine, toujours entendu dans sa dimension relationnelle et communautaire, doit constituer le critère essentiel de tous les organes et les programmes d’une nation ».
Le pape François a reçu en audience les fonctionnaires de la Cour des Comptes italienne ce lundi 18 mars 2019. Il a salué « la délicate fonction de magistrat comptable » qui requiert « non seulement un haut niveau de professionnalisme et de spécialisation mais avant tout une conscience personnelle droite, un sens aigu de la justice et un engagement généreux envers les institutions et la communauté ».
Le pape a aussi parlé du « rôle important » de la Magistrature comptable dans la « lutte incessante contre la corruption » : « celle-ci, a-t-il dit, est une des plaies qui déchirent le plus le tissu social parce qu’elle lui nuit lourdement que ce soit sur le plan éthique ou sur le plan économique ». Il a enfin encouragé ses interlocuteurs à « toujours être animés de la conscience que vous rendez un service, destiné à faire grandir dans la société la culture de la légalité ».
Voici notre traduction du discours prononcé par le pape François.
HG
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de vous accueillir, vous tous qui représentez la grande famille de la Cour des Comptes : juges, personnel administratif, familles et amis. J’adresse mes salutations à chacun de vous, en commençant par le président, Angelo Buscema, que je remercie pour les paroles avec lesquelles il a introduit notre rencontre.
Cette institution de la République italienne incarne une éthique qui est celle qui sous-tend le fonctionnement de l’État auquel « il revient […] de prendre soin et de promouvoir le bien commun de la société » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 240). La Cour des Comptes, en effet, rend un service indispensable orienté selon la justice vers le bien commun. Et ceci n’est pas un concept idéologique ou uniquement théorique, mais c’est lié aux conditions de plein développement pour tous les citoyens et peut être réalisé en tenant compte de la dignité de la personne dans son intégralité. C’est pour cette raison que l’État, dans toutes ses articulations, est appelé à être le défenseur des droits naturels de l’homme, dont la reconnaissance est une condition pour l’existence de l’État de droit. Par conséquent le bien de la personne humaine, toujours entendu dans sa dimension relationnelle et communautaire, doit constituer le critère essentiel de tous les organes et les programmes d’une nation.
Ce principe est aussi essentiel pour exercer avec sagesse la délicate fonction de magistrat comptable. Elle requiert non seulement un haut niveau de professionnalisme et de spécialisation mais avant tout une conscience personnelle droite, un sens aigu de la justice et un engagement généreux envers les institutions et la communauté. En effectuant cette tâche, le magistrat croyant peut trouver de l’aide en se référant à Dieu ; le magistrat non croyant remplacera la référence à la transcendance par la référence au corps social, avec une signification différente mais avec le même engagement moral.
Le contrôle rigoureux des dépenses freine la tentation, récurrente chez ceux qui occupent des charges politiques ou administratives, de gérer les ressources non pas de manière avisée mais à des fins commerciales et de pur consensus électoral. « Il faut accorder une place prépondérante à une saine politique, capable de réformer les institutions, de les coordonner et de les doter de meilleures pratiques qui permettent de vaincre les pressions et les inerties vicieuses. Cependant, il faut ajouter que les meilleurs mécanismes finissent par succomber quand manquent les grandes finalités, les valeurs, une compréhension humaniste et riche de sens qui donnent à chaque société une orientation noble et généreuse. » (Laudato si’, 181).
C’est dans cette perspective que se situe aussi le rôle important que joue la Magistrature comptable pour la collectivité, en particulier dans la lutte incessante contre la corruption. Celle-ci est une des plaies qui déchirent le plus le tissu social parce qu’elle lui nuit lourdement que ce soit sur le plan éthique ou sur le plan économique : avec l’illusion de gains rapides et faciles, en réalité elle appauvrit tout le monde, ôtant confiance, transparence et fiabilité au système tout entier. La corruption avilit la dignité de l’individu et brise tous les bons et beaux idéaux. La société, dans son ensemble, est appelée à s’engager concrètement pour combattre le cancer de la corruption dans ses différentes formes. La Cour des Comptes, dans l’exercice des contrôles sur la gestion et sur les activités des administrations publiques, représente un instrument valide pour prévenir et frapper l’illégalité et les abus. En même temps, elle peut indiquer les instruments pour surmonter les inefficacités et les injustices.
De leur côté, les administrateurs publics doivent se sentir toujours plus responsables d’agir avec transparence et honnêteté, favorisant ainsi la relation de confiance entre le citoyen et les institutions, dont le décalage est une des manifestations les plus graves de la crise de la démocratie. Le contrôle strict des dépenses par la magistrature comptable d’un côté et l’attitude correcte et limpide des responsables des affaires publiques de l’autre, peuvent freiner la tentation de gérer les ressources d’une manière imprudente et à des fins commerciales. Les biens communs constituent des ressources qui doivent être protégées au bénéfice de tous, en particulier des plus pauvres et, en cas d’utilisation irresponsable, l’État est appelé à remplir une fonction indispensable de vigilance, en sanctionnant dûment les comportements illicites.
Chers magistrats de la Cour des Comptes italienne, je vous encourage à poursuivre avec sérénité et sérieux dans votre rôle qui est central dans la définition de moments importants de coordination des finances publiques. Puissiez-vous toujours être animés de la conscience que vous rendez un service, destiné à faire grandir dans la société la culture de la légalité.
À vous tous, ici présents, j’adresse aussi l’invitation de vivre ce temps de Carême comme une occasion de fixer profondément votre regard sur le Christ, maître et témoin de la vérité et de la justice. Sa parole est une source inépuisable d’inspiration pour tous ceux qui se consacrent au service du bien commun. La période du Carême est par excellence celle du combat spirituel, de la « compétition », qui nous stimule pour vivre notre vie personnelle et notre service des affaires publiques sans inertie, ni résignés aux maux que nous rencontrons en nous et autour de nous. Jésus-Christ nous pousse à affronter ouvertement le mal et à aller à la racine des problèmes. Il nous enseigne à payer de notre personne dans cette lutte, non pas pour rechercher un héroïsme velléitaire et avec une témérité à peine voilée mais avec l’humble ténacité de celui qui mène son travail, souvent caché, en résistant aux pressions que le monde ne manque pas d’exercer.
Vous confiant à la protection de saint Joseph, « homme juste », je vous bénis tous ainsi que votre travail. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier aussi pour moi. Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat