Mgr Paul Richard Gallagher

WIKIMEDIA COMMONS - Bundesministerium für Europa

« Construire des sociétés inclusives », 4 thèses de Mgr Gallagher (3/4)

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Mgr Gallagher évoque « la dimension religieuse du dialogue interculturel », à travers quatre « thèses » dont la troisième est que « la liberté religieuse est un élément clé dans le développement d’une société démocratique ».

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« La liberté religieuse n’est pas seulement un droit fondamental pour chaque personne, mais le contexte juridique qui permet aux communautés religieuses de contribuer activement au débat démocratique et à la promotion d’une culture partagée des droits humains », explique Mgr Gallagher.

Mgr Gallagher est intervenu au séminaire organisé par la Mission permanente du Saint-Siège au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, lundi 8 juin 2015.

Il fait une recommandation en contexte pluraliste : « Dans un contexte multiculturel, la coexistence de différentes affiliations religieuses exige un effort substantiel de la part des autorités civiles et des acteurs dans la société. Le principe d’ « accommodement raisonnable » peut être appliqué dans de nombreux domaines de la vie publique. Ce processus requiert beaucoup de réflexion et de patience, mais il peut porter du fruit en encourageant plus efficacement une plus grande intégration. »

Troisième thèse : la liberté religieuse est un élément clé dans le développement d’une société démocratique

La liberté religieuse n’est pas seulement un droit fondamental pour chaque personne, mais le contexte juridique qui permet aux communautés religieuses de contribuer activement au débat démocratique et à la promotion d’une culture partagée des droits humains.

Si l’un des points essentiels de la démocratie est la présence d’une société civile caractérisée par la participation active de tous, individus et communautés, nous ne pouvons alors pas oublier le rôle joué par les religions. Elles offrent une contribution directe en éduquant les consciences et en apportant une lumière sur les situations humaines, ou indirecte quand elles inspirent la création de nombreuses organisations et associations qui travaillent pour la société dans son ensemble. Même si les religions ne sont généralement pas considérées comme les protagonistes de la « société civile », elles sont néanmoins le fondement de nombreuses organisations qui travaillent dans la société, et elles créent aussi un réseau d’associations informelles en soutenant des groupes qui ne sont pas d’importance secondaire pour le tissu de la société.

Accorder de l’importance à la société civile signifie, même ici, accepter sa multipolarité : pour chaque religion, cela signifie consentir à partager sa liberté avec d’autres religions, et avec ces hommes et ces femmes qui ne reconnaissent pas le transcendant ; pour la société, cela implique de reconnaître les communautés religieuses comme des sujets participant, à part entière, à la construction de cette même société.

Le Saint-Siège accorde une grande importance à la liberté religieuse et espère que les États et les organisations internationales peuvent embrasser sa valeur politique en tant qu’inspiratrice de la liberté. Lors des négociations à la « Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe », qui ont conduit, en 1975, à l’adoption de l’Acte final d’Helsinki, c’est le Saint-Siège qui a invité les États participants à reconnaître explicitement le droit à la liberté religieuse, voyant dans ce droit fondamental la protection de la liberté et de la démocratie, ainsi qu’un moyen d’accepter ses propres responsabilités face à des régimes socialistes tyranniques.

La liberté religieuse est comme un baromètre qui indique avec précision le niveau de liberté réel dans une société. Les systèmes despotiques de tous les temps ont toujours visé à exercer un contrôle strict sur les Églises et, de même qu’il n’existe pas de régime autoritaire qui épouse une authentique liberté religieuse, de même toutes les restrictions à la liberté religieuse mènent à un affaiblissement de la fibre démocratique de la société.

Dans le contexte actuel des sociétés multiculturelles, le respect de la liberté religieuse est l’un des facteurs fondamentaux par lesquels la santé d’un démocratie donnée peut être évaluée comme étant réellement un foyer pour tous. Promouvoir la liberté religieuse apparaît particulièrement important dans la prévention et la lutte contre les phénomènes de la violence extrémiste et de la radicalisation, contre lesquels les gouvernements et les organisations internationales sont actuellement engagés, en particulier le Conseil de l’Europe. Toutefois, la liberté religieuse est un principe exigeant, tant pour les religions que pour les autorités civiles.

Pour les religions, la reconnaissance de la liberté religieuse comme droit fondamental implique de reconnaître pleinement l’autre tel qu’il est, ou telle qu’elle est. Cela signifie, sur la base de notre dignité humaine partagée, ouvrir un espace non seulement pour la tolérance mais pour une appartenance commune, pour le partage de nos convictions les plus profondes avec ceux qui sont différents de nous, sans compromettre nos croyances respectives. Cela signifie non seulement de respecter les idées personnelles de l’autre, mais aussi de reconnaître le droit des communautés et des confessions différentes de la nôtre à être présentes sur le même territoire et à coopérer à la construction de notre société. Cela signifie, enfin, admettre qu’il ne peut jamais y avoir d’identification absolue entre d’une part une ethnicité ou un peuple et, d’autre part l’affiliation religieuse.

Pour les autorités civiles, et en particulier pour l’État, le principe de la liberté religieuse représente une limite inhérente à l’exercice du pouvoir de l’État, un pouvoir qui est nécessaire mais qui est souvent, en général, envahissant. Il faut reconnaître à l’histoire du christianisme d’avoir, en séparant ce qui appartient à César de ce qui appartient à Dieu, créé la possibilité de l’existence de l’État séculier. Le terme d’ « État séculier » ne doit pas être compris comme un État indifférent à la religion ou, pire, un État agnostique. Cela signifie plutôt un État qui, étant conscient de la valeur de la croyance religieuse pour beaucoup de ses citoyens et du rôle important des communautés religieuses dans la société, permet à chacun de vivre selon sa propre conscience religieuse, à la fois individuellement et collectivement, tout en respectant également ceux qui ne professent aucun système de croyance.

Comme nous l’avons déjà noté, les instruments internationaux entérinent non seulement l’inviolabilité de la conscience humaine, mais aussi la dimension religieuse dans sa spécificité en tant que phénomène socialement organisé. En conséquence, les droits des confessions religieuses à exister en tant qu’organisations autonomes est déjà reconnu dans les instruments internationaux, ce qui a été souligné à juste titre dans de nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

Au cours des dernières années, le respect du droit à la liberté religieuse a été remis en question sur la scène internationale pour un certain nombre de raisons. En premier lieu, en raison de la propagation du fondamentalisme et du maintien d’États autoritaires et non-démocratiques, on a assisté à une diminution déconcertante du respect de la liberté religieuse dans de nombreux pays, une détérioration qui, en plus d’un endroit, a malheureusement atteint des proportions de persécution pure et simple, et où les chrétiens sont fréquemment parmi les premières victimes. En second lieu, dans beaucoup de pays de vieille tradition démocratique, la religion tend à être vue avec un certain soupçon : en raison des défis soulevés dans un contexte multiculturel, mais aussi à cause d’une vision du monde profondément laïque, selon laquelle la religion représente une vision des êtres humains et de la société en concurrence directe avec la pleine affirmation des droits des
hommes et des femmes, la religion est vue comme un résidu du passé qu’il faut surmonter.

Dans le contexte d’une société hautement sécularisée, les démonstrations publiques de foi sont rapidement considérées comme étant problématiques : il y a la tentation de restreindre le droit à la liberté religieuse sur les lieux de travail, dans les institutions d’enseignement ou dans les établissements de santé. Avec une fréquence croissante, ceux qui désirent légitimement travailler selon les principes qui découlent de leurs croyances religieuses courent le risque d’être accusés de discrimination. Ceci attire davantage l’attention internationale : le rapporteur spécial Heiner Bielefeldt a consacré son rapport intérimaire d’août 2014 au thème de la liberté religieuse sur le lieu de travail, maintenant, entre autres, l’utilité de l’application du principe d’« accommodement raisonnable ». Bien d’autres idées intéressantes sont aussi apparues dans la recherche menée par la Commission de l’égalité et des droits humains du Royaume-Uni, publiée en mars 2015 sous le titre « Religion ou croyance sur le lieu de travail et dans les prestations de service ».

Dans un contexte multiculturel, la coexistence de différentes affiliations religieuses exige un effort substantiel de la part des autorités civiles et des acteurs dans la société. Le principe d’ « accommodement raisonnable » peut être appliqué dans de nombreux domaines de la vie publique. Ce processus requiert beaucoup de réflexion et de patience, mais il peut porter du fruit en encourageant plus efficacement une plus grande intégration.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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