Chine: Analyse de Mgr Zen après l’annonce du consistoire du 24 mars

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ROME, Jeudi 16 mars 2006 (ZENIT.org) – Selon Mgr Zen, les critiques émises par le responsable de l’Association patriotique à son endroit trahissent sa crainte de voir les relations sino-vaticanes normalisées, indique « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA 437, eglasie.mepasie.org).

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L’évêque de Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, récemment nommé au cardinalat (1), a estimé que les récentes déclarations critiques du principal responsable de l’Association patriotique des catholiques chinois à son égard trahissaient les craintes de ce responsable quant à une éventuelle normalisation des relations entre Pékin et le Vatican.

Le responsable en question, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique et véritable patron de cette organisation, mise en place par les autorités communistes pour assurer leur contrôle sur les structures « officielles » de l’Eglise, a accordé une interview à l’agence Reuters, le 8 mars dernier. Réalisée en marge de la session annuelle de la deuxième assemblée chinoise, la Conférence consultative politique du peuple chinois, où siège Anthony Liu Bainian, l’interview reflétait un changement de ton par rapport à l’accueil, relativement neutre, adopté par le responsable chinois au lendemain de l’annonce par Rome de l’élévation au cardinalat de Mgr Zen. Le 23 février, Anthony Liu Bainian s’était contenté de déclarer que la nomination de Mgr Zen obéissait à « des considérations politiques » de la part du Vatican, sans plus de précision. Ce 8 mars, il a décrit Mgr Zen comme représentant une menace pour Pékin, comme l’était le pape Jean-Paul II pour le régime communiste en Pologne. Anthony Liu Bainian a précisé que l’évêque de Hongkong était « largement connu pour être un opposant au communisme ». Son élévation au cardinalat témoignait de « l’hostilité du Vatican à l’égard de la Chine ».

Le lendemain, 9 mars, à Hongkong, le cardinal Zen a réagi en rendant public un communiqué. Qualifiant les propos d’Anthony Liu Bainian d’« un peu surprenants », notamment en regard des commentaires plutôt neutres adoptés le 23 février par un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, puis le 7 mars par le ministre chinois des Affaires étrangères en personne, l’évêque de Hongkong a déclaré que les propos tenus par Liu Bainian indiquaient à quel point celui-ci était « inquiet » d’une normalisation éventuelle des relations entre Pékin et le Vatican. Quant à la comparaison entre la Chine et la Pologne, Mgr Zen l’a qualifiée de « tirée par les cheveux », ajoutant qu’il était « évident que les catholiques n’acceptaient pas le communisme du fait de ses présupposés athées », mais qu’il ne fallait pas en conclure que lorsque l’évêque de Hongkong critiquait la politique du gouvernement, il défiait le gouvernement en tant que tel.

Au sujet de la personne même de Liu Bainian, Mgr Zen a déclaré que le vice-président de l’Association patriotique se présentait comme le représentant de l’Eglise catholique en Chine approuvée par le gouvernement, mais que, si liberté était donnée aux évêques, aux prêtres et aux fidèles de parler en vérité, le son de cloche serait différent. Mgr Zen a ajouté que si Liu Bainian aimait véritablement la Chine, « il saurait persuader le gouvernement (chinois) de permettre le plein exercice (de cette liberté) pour le bien de l’harmonie sociale. Ainsi, nos responsables gouvernementaux pourraient se présenter la tête haute sur la scène internationale des droits de l’homme ».

Enfin, répondant à l’accusation régulièrement lancée contre lui, à savoir qu’il agit sous l’influence de puissances étrangères, Mgr Zen a déclaré qu’il n’y avait « rien de plus ridicule », s’interrogeant si ce n’était pas « trop demander que d’espérer que nos dirigeants puissent un jour discerner ceux qui aiment véritablement leur patrie de ceux qui trahissent les vrais intérêts de la patrie ». Il a également réitéré un propos tenu en d’autres occasions, à savoir que lui et Anthony Liu ont dépassé les 70 ans, et qu’il espérait donc que l’âge serait, pour eux deux, synonyme de sagesse, notamment dans les décisions qu’ils ont à prendre.

Dans un entretien accordé à l’agence Ucanews (2), le 10 mars, Anthony Liu Bainian a paru revenir sur ses propos diffusés par Reuters. Il a ainsi déclaré que l’Eglise de Chine n’avait pas de position sur le caractère bienvenu ou non de l’élévation de Mgr Zen au cardinalat, car elle applique le principe « un pays, deux systèmes ». La nomination faite par le pape regarde le diocèse de Hongkong, et le Saint-Siège n’entretient pas de relations diplomatiques avec la Chine, a-t-il continué. Quant à la normalisation de ces relations, il a affirmé que « les catholiques (de Chine) n’y sont absolument pas opposés ». Enfin, au sujet de sa déclaration sur l’hostilité du Vatican à l’égard de la Chine, il a affirmé que c’était là l’opinion de nombreux non-catholiques qui lui ont parlé après l’élévation au cardinalat de Mgr Zen. « Ce n’est pas mon point de vue, a-t-il précisé. Je ne peux juger si le pape manifeste de l’hostilité ou non en nommant Mgr Zen au cardinalat parce qu’il ne dit pas si cette nomination a été faite pour un motif politique. »

Enfin, le même jour, à Pékin, Mgr Fang Xingyao, évêque « officiel » de Linyi et un des six vice-présidents de la Conférence « officielle » de l’Eglise catholique en Chine, a déclaré qu’une invitation du cardinal Zen à se rendre en visite en Chine continentale était à l’étude. « Le cardinal Zen a un rôle à jouer dans le développement des relations sino-vaticanes », a-t-il précisé. Un autre évêque « officiel », Mgr Zhan Silu, vice-président, comme Anthony Liu Bainian, de l’Association patriotique des catholiques chinois, a abondé dans le même sens, estimant que l’élévation au cardinalat de Mgr Zen « pouvait être avantageuse pour les relations entre la Chine et le Saint-Siège ». « L’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et le Saint-Siège est une orientation qui ne sera pas perturbée par de petites difficultés », a-t-il déclaré. Tout comme Anthony Liu Bainian, Msgr Fang et Zhan siègent à la Conférence consultative politique du peuple chinois (3).

(1) Voir EDA 436
(2) Ucanews, 10 mars 2006
(3) La session annuelle de la deuxième assemblée chinoise, la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), s’est achevée le 13 mars en présence de tous les hauts dirigeants du parti communiste et de l’Etat. Rassemblant plus de 2 000 conseillers de tout le pays, cette « 4e Session du 10e Comité national de la CCPPC » avait commencé dix jours auparavant, le 3 mars. En jargon officiel, « la CCPPC est une organisation patriotique de Front Uni (…) servant comme un mécanisme clé de coopération multipartis et de consultation politique, sous la direction du Parti communiste de Chine, et une manifestation majeure de démocratie socialiste », c’est-à-dire sans aucun risque politique pour le PCC. Ses membres en effet sont désignés, pas élus, parmi les huit petits partis autorisés, diverses organisations sociales et religieuses, des experts et des personnalités connues (dont 10 à 15 % font d’ailleurs de l’absentéisme, faute d’intérêt). Ils n’ont aucun pouvoir, mais s’expriment avec plus de diversité et de liberté que les membres de l’Assemblée nationale populaire (ANP) par des « propositions », dont près de 4 900 ont été retenues cette année, souvent pour être mises dans un tiroir. C’est ainsi, par exemple, qu’une de ces propositions, reprise par la presse, a dénoncé les extravagances de la haute administration à tous niveaux en matière de banquets et de construction de bureaux luxueux : 1 000 milliards de yuans (102,5 milliards d’euros) auraient ainsi été dépensés en 2005. L’auteur de la proposition proposait qu’une commission d’audit soit créée à l’Assemblée nationale populaire et que les départements d’audit, actuellement subordonnés à l’administration, lui soient rattachés. Comme chaque année, cett
e session nationale de l’assemblée consultative a coïncidé, avec deux ou trois jours d’avance, avec la session de l’ANP. Tout se passe comme si le rôle de la CCPPC était de compléter l’information sur le pays, les idées et les critiques (positives) que le Parti et l’ANP, trop disciplinés, ne font pas assez remonter vers l’exécutif. Et peut-être de stimuler ces derniers, puisque l’ANP aurait présenté 274 amendements au projet de XIe Plan de développement, dont 47 auraient été retenus. (source : QuestionChine.net)

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ZENIT Staff

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