Benoît XVI répond aux questions des journalistes dans l’avion pour l’Australie

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ROME, Mercredi 16 juillet 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral des questions posées au pape par les journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion en direction de Sydney, le 12 juillet dernier, ainsi que les réponses de Benoît XVI.

* * *

Q – Lucio Brunelli, journaliste de la RAI, chaîne publique de télévision italienne : Votre Sainteté, il s’agit de votre deuxième JMJ, la première – pour ainsi dire – qui soit entièrement la vôtre. Avec quels sentiments vous apprêtez-vous à la vivre et quel est le message principal que vous désirez offrir aux jeunes ? Ensuite, pensez-vous que les JMJ influencent profondément la vie de l’Eglise qui les accueille? Et enfin : Pensez-vous que la formule de ces rassemblements de masse des jeunes soit encore actuelle ?

Benoît XVI – C’est avec des sentiments de profonde joie que je me rends en Australie. J’ai de très beaux souvenirs de la JMJ de Cologne: cela n’a pas simplement été un événement de masse, cela a surtout été une grande fête de la foi, une rencontre humaine de la communion en Christ. Nous avons vu que la foi ouvre les frontières et a réellement une capacité d’unir les diverses cultures, et qu’elle suscite la joie. Et j’espère que la même chose se produira à présent en Australie. C’est pourquoi je suis joyeux de rencontrer de nombreux jeunes, et de les voir unis dans le désir de Dieu et dans le désir d’un monde réellement humain. Le message essentiel est indiqué dans les paroles qui sont la devise de cette JMJ: nous parlons de l’Esprit Saint qui fait de nous les témoins du Christ. Je voudrais donc concentrer mon message précisément sur cette réalité de l’Esprit Saint qui apparaît dans différentes dimensions: il est l’Esprit qui agit dans la Création. La dimension de la Création est très présente, car l’Esprit est créateur. Cela me semble un thème très important à l’époque actuelle. Mais l’Esprit est également l’inspirateur de l’Ecriture: sur notre chemin, à la lumière de l’Ecriture, nous pouvons aller de l’avant avec l’Esprit Saint; l’Esprit Saint est Esprit du Christ, il nous guide donc en communion avec le Christ et finalement il se montre selon saint Paul dans les charismes, c’est-à-dire dans un grand nombre de dons inattendus qui changent les différentes époques et donnent une nouvelle force à l’Eglise. Et ces dimen-sions nous invitent donc à voir les traces de l’Esprit et à rendre l’Esprit également visible aux autres. Une JMJ n’est pas simplement un événement de ce moment: elle est préparée par un long chemin avec la Croix et avec l’icône de la Vierge qui, entre autres, est préparé du point de vue de l’organisation mais également dans sa dimension spirituelle. Ces journées ne sont donc que le moment culminant d’un long chemin précédent. Toute chose est le fruit d’un chemin, du fait de marcher ensemble vers le Christ. La JMJ crée ensuite une histoire, c’est-à-dire que des amitiés se créent, de nouvelles inspirations se créent: ainsi la JMJ se poursuit. Cela me semble très important: ne pas voir simplement ces trois ou quatre jours, mais voir tout le chemin qui précède et celui qui suit. Dans ce sens, la JMJ me semble – au moins pour notre prochain avenir – une formule valable qui nous prépare à comprendre que de différents points de vue et de différentes parties de la terre nous allons de l’avant vers le Christ et vers la communion. Nous apprenons ainsi une nouvelle façon d’avancer ensemble. Dans ce sens, j’espère qu’elle est également une formule pour l’avenir.

Q – Paul John Kelly, journaliste de « The Australian », l’un des grands journaux de ce pays : Je souhaiterais poser ma question en anglais: l’Australie est un pays fortement sécularisé, avec une faible pratique religieuse et beaucoup d’indifférence religieuse. Je voudrais vous demander si vous êtes optimiste sur l’avenir de l’Eglise en Australie, ou bien inquiet et alarmé que l’Eglise australienne puisse suivre le chemin du déclin de celle qui est en Europe? Quel message offrirez-vous à l’Australie pour surmonter son indifférence religieuse?

Benoît XVI – Je ferai de mon mieux en anglais, je vous prie de m’excuser pour mes lacunes dans cette langue. Je pense que l’Australie dans sa situation historique actuelle appartient au « monde occidental », d’un point de vue économique et politique, et il est donc clair que l’Australie partage aussi les réussites et les difficultés du monde occidental. Le monde occidental a connu ces cinquante dernières années de grandes réussites – des réussites économiques, techniques; mais la religion – la foi chrétienne – est dans un certain sens en crise. Cela apparaît clairement dans cette impression que nous n’avons pas besoin de Dieu, nous pouvons tout faire par nous-mêmes, nous n’avons pas besoin de Dieu pour être heureux, nous n’avons pas besoin de Dieu pour créer un monde meilleur, Dieu n’est pas nécessaire, nous pouvons tout faire par nous-mêmes. D’autre part, nous constatons à présent que la religion est toujours présente dans le monde et sera toujours présente car Dieu est présent dans le coeur de l’être humain et ne peut jamais disparaître. Nous constatons comment la religion est réellement une force dans ce monde et dans certains pays. Je ne parlerais pas vraiment de déclin de la religion en Europe: assurément il y a une crise en Europe, dans une moindre mesure en Amérique, mais là-bas aussi, et en Australie.

Mais d’un autre côté, il y a toujours une présence de la foi sous de nouvelles formes, de nouvelles manières; peut-être de manière minoritaire, mais elle est toujours présente pour tous dans la société. Et à présent dans ce moment historique, nous commençons à voir que nous avons besoin de Dieu. Nous pouvons faire beaucoup de choses, mais nous ne pouvons pas créer notre climat. Nous avons pensé que nous pourrions le faire, mais nous ne pouvons pas. Nous avons besoin du don de la Terre, du don de l’eau, nous avons besoin du Créateur; le Créateur réapparaît dans sa création. Et nous pouvons ainsi parvenir à comprendre que nous ne pouvons pas être réellement heureux, nous ne pouvons pas véritablement défendre la justice pour le monde entier, sans un critère dans nos propres idées, sans un Dieu qui est juste, et nous donne la lumière, nous donne la vie. Donc, je pense qu’il y a bien dans notre monde occidental une crise de notre foi, mais il y aura toujours aussi une renaissance de la foi, parce que la foi chrétienne est simplement vraie et la vérité sera toujours présente dans le monde humain, et Dieu sera toujours vérité. En ce sens, je suis finalement optimiste.

Q – Auskar Surbakti de la chaîne de télévision SBS. Très Saint-Père, je suis désolé, je ne parle pas bien l’italien. Je poserai donc ma question en anglais. Les victimes australiennes d’abus sexuels par des prêtres ont lancé à Votre Sainteté un appel à aborder la question et présenter des excuses aux victimes durant votre visite en Australie. Le cardinal Pell lui-même a dit qu’il serait approprié que le Pape aborde la question, et vous avez fait vous-même un geste de ce genre lors de votre récent voyage aux Etats-Unis. Votre Sainteté, parlerez-vous du problème des abus sexuels et présenterez-vous des excuses ?

Benoît XVI – Oui, le problème est essentiellement le même qu’aux Etats-Unis. J’ai ressenti l’obligation d’en parler aux Etats-Unis car il est essentiel pour l’Eglise de réconcilier, de prévenir, d’aider et également de reconnaître ses fautes sur ces questions, je dirai donc essentiellement les mêmes choses que j’ai dites en Amérique. Lorsque j’ai dit que nous avons trois dimensions à clarifier: la première que j’ai mentionnée est notre enseignement moral. Il doit être clair, il a toujours été clair depuis les premiers siècles que le sacerdoce, être un prêtre, est incompatble avec ce compo
rtement, car le prêtre est au service de notre Seigneur, et Notre Seigneur est la sainteté en personne, et nous l’enseigne toujours – l’Eglise a toujours insisté sur ce point. Nous devons réfléchir à ce qui était insuffisant dans notre éducation, dans notre enseignement au cours de ces dernières décennies. Il y avait dans les années 50, 60 et 70 l’idée d’un proportionnalisme de l’éthique: il soutenait que rien n’est mauvais en soi, mais toujours en proportion à d’autres; avec ce proportionnalisme, il était possible de penser sur certains sujets – la pédophilie pouvait en être un – que, dans une certaine mesure, ils pouvaient être une bonne chose. Ceci dit, il faut clairement affirmer que cela n’a jamais été la doctrine catholique. Il y a des choses qui sont toujours mauvaises, et la pédophilie est toujours mauvaise. Dans notre éducation, dans les séminaires, dans la formation permanente des prêtres, nous devons aider les prêtres à être réellement proches du Christ, à apprendre du Christ, et ainsi d’être des soutiens, et non des adversaires de notre frère humain, de nos chrétiens. Nous ferons donc tout notre possible pour clarifier l’enseignement de l’Eglise et aider à l’éducation et à la préparation des prêtres, dans la formation permanente, et nous ferons tout notre possible pour soigner et réconcilier les victimes. Je crois que c’est le sens essentiel de ce que le mot « s’excuser » veut dire. Je pense qu’il est mieux, plus important de donner un contenu à la formule, et je pense que le contenu doit expliquer les manquements de notre comportement, ce que nous devons faire à ce moment-là, comment nous pouvons prévenir et comment nous pouvons guérir et réconcilier.

Q – Martine Nouaille, journaliste de l’Agence France Presse (AFP). L’un des sujets du dernier G8 au Japon a été la lutte contre les changements climatiques. L’Australie est un pays très sensible à ce sujet du fait de la forte sécheresse et des événements climatiques dramatiques dans cette région du monde. Pensez-vous que les décisions prises dans ce domaine soient à la hauteur du défi? Parlerez-vous de cela pendant votre voyage ?

<i> Benoît XVI – Comme je l’ai déjà évoqué dans ma première réponse, ce problème sera assurément très présent dans cette JMJ parce que nous parlons de l’Esprit Saint et, par conséquent, nous parlons de la Création et de nos responsabilités vis-à-vis de la Création. Je ne prétends pas entrer dans les problèmes techniques que les hommes politiques et les spécialistes doivent résoudre, mais donner les encouragements essentiels afin de comprendre les responsabilités, pour être capables de répondre à ce grand défi: redécouvrir dans la Création le visage du Créateur, redécouvrir notre responsabilité face au Créateur pour sa Création qu’Il nous a confiée, former la base éthique pour un style de vie qu’il est nécessaire de suivre si nous voulons faire face aux problèmes de cette situation et si nous voulons réellement arriver à des solutions positives. Ensuite, éveiller les consciences et voir le grand contexte de ce problème, dans lequel s’inscrivent les réponses détaillées qu’il ne nous appartient pas de donner, mais à la politique et aux spécialistes.

Q – Cindy Wooden, journaliste de Catholic News Service (CNS), agence catholique des Etats-Unis. Pendant que vous serez en Australie, les évêques de la Communion anglicane, qui est également très présente en Australie, se rencontreront à la Lambeth Conference. Un des sujets principaux sera les manières possibles de renforcer la communion entre les provinces et de trouver un moyen d’éviter que certaines provinces ne prennent des intitiatives que d’autres estiment contraires à l’Evangile ou à la tradition. Il y a là un risque de fragmentation de la Communion anglicane et la possibilité que certaines personnes demandent d’être accueillis dans l’Eglise catholique. Quel est votre voeu pour la Lambeth Conference et pour l’archevêque de Canterbury?

Benoît XVI – Ma contribution essentielle ne peut qu’être la prière et avec ma prière je serai très proche des évêques anglicans qui se réunissent à la Lambeth Conference. Nous ne pouvons et ne devons pas intervenir directement dans leurs débats, nous respectons leur responsabilité et notre désir est que puissent être évités des schismes ou de nouvelles fractures et qu’une solution soit trouvée qui conjugue la responsabilité vis-à-vis de notre époque et la fidélité à l’Evangile. Ces deux aspects doivent aller de pair. Le christianisme est toujours contemporain et il vit dans ce monde, dans une certaine époque, mais il rend présent dans cette époque le message de Jésus Christ et, donc, n’offre de véritable contribution à celle-ci qu’en étant fidèle de façon mûrie, de façon créative mais fidèle au message du Christ. Nous espérons, et je prie personnellement, qu’ils trouvent ensemble la route de l’Evangile dans notre époque actuelle. C’est mon voeu pour l’archevêque de Canterbury: que la communion anglicane dans la communion de l’Evangile du Christ et dans la Parole du Seigneur trouve les réponses aux défis actuels.

[Traduction réalisée par L’Osservatore Romano

© Copyright 2008 – Libreria Editrice Vaticana]

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