Argentine : l'effet François, une Eglise plus proche

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Entretien avec le card. Poli

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En Argentine et au-delà, l’élection du pape François a suscité « un très grand rapprochement de l’Eglise », grâce à « la proximité du pape avec les gens » : « sentir un pape si proche est une grande joie pour les gens », déclare le cardinal Mario Poli, successeur de Jorge Mario Bergoglio à la tête de l’archidiocèse de Buenos Aires.

Le pape François « a un million d’amis » à Buenos Aires : dans les bidonvilles notamment, « chacun possède une image de lui, un tableau ou une photo, et ils me racontent sa visite chez eux », ajoute le nouveau cardinal créé par le pape François au consistoire du 22 février 2014.

Samedi après-midi, après la cérémonie et les visites de courtoisie, le cardinal est rentré à son logement, à quelques kilomètres du Vatican. Différentes personnes se sont offertes de l’accompagner en voiture, mais il a préféré prendre les transports en commun. Et c’est en se rendant à l’arrêt de bus qu’il a rencontré Zenit, avec qui il a parlé du pape François et de l’Eglise d’aujourd’hui.

Zenit – Les personnes qui vivaient aux côtés de Jorge Mario Bergoglio disent qu’il a beaucoup changé…

Cardinal Poli – Je trouve cette affirmation exagérée. Il est vrai que depuis 1992, l’année où il fut nommé archevêque de Buenos Aires, mais avant aussi lorsqu’il était évêque auxiliaire, vicaire général du cardinal Antonio Quarracino, puis évêque, cardinal, président de la conférence épiscopale argentine, etc, il avait tant de responsabilités et était souvent très fatigué. Néanmoins il a toujours gardé sa bonne humeur, cette spiritualité qui le caractérise. Et il a toujours été très créatif avec l’Évangile, comme il l’est encore maintenant, parce que le pape est un grand lecteur des Ecritures. Et maintenant il manifeste tout cela dans son magistère universel. Et il le fait bien ! C’est cela la grande nouveauté : une grande veine pastorale qui ne perd pas sa stature morale et doctrinale. Je crois que c’est la clef pour comprendre le pape.

Pour vous qui le connaissez depuis de longues années, quelles sont les caractéristiques du pape ?

Il a un grand équilibre. Et puis la capacité d’écouter, toujours ; nous l’avons vu jeudi et vendredi (consistoire extraordinaire sur la famille, ndlr), le pape est resté là pour écouter tout le temps. Tous les derniers papes l’ont fait. Ici, à Rome, il y a les synodes, les évêques, les experts, et c’est à travers eux que le pape écoute la voix de l’Eglise. Aujourd’hui le magistère de l’Eglise a la possibilité de recueillir et de conserver pour ensuite élaborer ; enfin la parole du pape donne forme au magistère et à l’autorité. La caractéristique principale du pape François est de savoir beaucoup écouter. Et ça on le voyait très bien quand nous étions ses auxiliaires à Buenos Aires.

Comment la grâce d’être pape a influé sur Jorge Mario Bergoglio ?

François dit toujours que c’est l’Esprit Saint qui lui donne la force et la joie. Il se réveille toujours très tôt, physiquement il se sent très bien. Il faut reconnaître qu’ici à Rome tout le monde s’est empressé de prendre bien soin de lui. Nous, en Argentine, comme je le disais, nous le voyions souvent très fatigué, il avait du mal à rester très longtemps debout à cause d’un problème aux jambes. Aujourd’hui, il a une vitalité surprenante, j’ai vraiment  l’impression que Dieu veille sur son apôtre. 

En Argentine, voit-on des fruits de conversion grâce au pape François ?

En Argentine, son élection fut la meilleure des choses qui pouvaient nous arriver, et on le voit à tous les niveaux : aux gens qui conservent une photo de lui, à toutes les personnes qui, grâce à lui, se sont rapprochées de l’Eglise. Tout le monde le confirme: les prêtres, les recteurs de sanctuaires, les aumôniers dans les hôpitaux et les prisons… Il y a eu un très grand rapprochement de l’Eglise, fruit de la proximité du pape avec les gens. Il a suscité une grande sympathie, la même dont il jouissait à Buenos Aires, grâce à ce charisme si beau qui attire les personnes. Et cela n’arrive pas seulement en Argentine, mais aussi au niveau universel, aux Philippines, comme au Burundi, comme nous l’ont confirmé les cardinaux eux-mêmes durant le consistoire.

Et parmi les pauvres en Argentine sent-on cet « effet pape François » ?

Quand je vais dans les bidonvilles en accompagnant les prêtres qui y travaillent, je vois que le pape a un million d’amis : chacune de ces personnes a un souvenir de leur ancien archevêque de Buenos Aires. Je ne sais pas comment, ni quand, mais chacun possède une image de lui, un tableau ou une photo, et ils me racontent sa visite chez eux, et ainsi de suite. Ils ont un souvenir très clair de ces moments, et je crois qu’aujourd’hui, sentir un pape si proche est une grande joie pour les gens. En Argentine il y a une phrase qu’on nous dit depuis tout petit : « Il faut aimer le pape ». François, les gens l’aiment, comme ils ont aimé Benoît XVI aussi, surtout après sa renonciation exemplaire.

Racontez-nous autre chose sur le pape émérite Benoît XVI…

Pour moi c’est un homme sage, un saint, un vieil homme vénérable qui est arrivé dans les années de maturité en faisant des pas importants. Il nous a laissé un magistère prolifique et une théologie extraordinaire. Surtout par sa trilogie sur Jésus de Nazareth que j’ai lue et conseille désormais à tous les séminaristes, prêtres ou quiconque n’aurait pas encore eu l’occasion de la lire. Le sommet de la vérité et de l’authenticité de Benoît XVI fut sa vertueuse et exemplaire renonciation. Je crois que celle-ci restera un point de référence obligée pour montrer ce que signifie ne s’attacher à aucun pouvoir, encore moins au pontificat qui n’est pas un pouvoir mais un service. Malgré les critiques qu’il a reçues et l’exemple d’un pape comme Jean Paul II qui est resté jusqu’au dernier moment, il a eu cette lucidité de faire un choix de ce genre. Et c’est ce qui est à l’origine de toutes les grâces que nous vivons aujourd’hui.

L’Eglise traverse un moment particulier, grâce aux derniers papes…

En tant que professeur d’histoire de l’Eglise, je pense qu’au XXème siècle nous avons eu de bons et saints papes, et que vraiment chacun a laissé un magistère magnifique, une Eglise missionnaire, vivante, sérieuse, malgré ses péchés dus à nos faiblesses. C’est une Eglise dont le visage reflète le visage de Dieu.

Traduction d’Océane Le Gall

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Sergio Mora

Buenos Aires, Argentina Estudios de periodismo en el Istituto Superiore di Comunicazione de Roma y examen superior de italiano para extranjeros en el Instituto Dante Alighieri de Roma. Periodista profesional de la Associazione Stampa Estera en Italia, y publicista de la Orden de periodistas de Italia. Fue corresponsal adjunto del diario español El País de 2000 a 2004, colaborador de los programas en español de la BBC y de Radio Vaticano. Fue director del mensual Expreso Latino, realizó 41 programas en Sky con Babel TV. Actualmente además de ser redactor de ZENIT colabora con diversos medios latinoamericanos.

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