Archives de Pie XII : « L’attention aux Juifs est une constante dans l’action du Vatican » 

Le prof. Napolitano parle de la première journée de recherche

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« L’attention aux Juifs est une constante dans l’action du Vatican » avant et durant la guerre, affirme Matteo Luigi Napolitano, professeur à l’Université de Molise et consultant auprès du Comité pontifical des sciences historiques.

En tant qu’expert du rôle du Saint-Siège pendant les persécutions nazies, le prof. Napolitano a été parmi les premiers historiens à profiter de l’ouverture des fonds d’archives du Saint-Siège relatifs au pontificat de Pie XII (1939 – 1958) qui a eu lieu le 2 mars 2020. Il a confié à Radio Vatican les fruits de la première journée de recherche.

Il souligne que « ce qui a été appelé le silence de Pie XII sur la persécution des Juifs » n’était pas un silence « inopérant ». « Le silence n’est pas seulement l’absence de jugement et l’indifférence, explique-t-il: il peut aussi être autre. Même les archives parlent en silence et disent beaucoup aux historiens. »

Le professeur italien affirme qu’il n’y a pas de discontinuité entre le pontificat de Pie XI et celui de Pie XII : « J’ai trouvé une série qui rassemble les actions des deux pontificats sur exactement les mêmes thèmes, dit-il. Nous avons des mesures pour encourager l’émigration, des documents sur la question des visas des pays neutres, toujours pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous avons des documents dans lesquels de nombreux citoyens américains et le gouvernement américain lui-même expriment leur gratitude au Saint-Siège pour ce qu’il a fait pour les Juifs pendant la même période. C’est un matériel d’archives qui prouve l’existence d’un réseau consolidé de relations pour sauver les personnes persécutées, qui traverse deux pontificats. »

À tous ceux qui continuent de dire que le pape Pacelli n’a pas sauvé de Juifs, le prof. Napolitano répond que « ce nouveau courant historiographique » le « laisse perplexe ». « Comment juger les documents déjà connus qui contiennent les rapports envoyés à Pie XII sur ce qui était fait pour sauver les Juifs? » se demande-t-il. Il existe un document « déjà publié depuis un certain temps, qui répertorie les réfugiés dans les bâtiments d’institutions ecclésiastiques, y compris la résidence d’été du pape à Castelgandolfo ». « À Castelgandolfo, poursuit l’historien, il y avait des réfugiés juifs ou des Juifs recherchés de toutes sortes. Pouvons-nous vraiment penser que dans une Église hiérarchique comme celle de Pie XII, tout cela a été fait à l’insu du pape? Cela semble logiquement insoutenable. »

L’historien rappelle que « le Saint-Siège a demandé l’aide d’organismes de secours internationaux pour des personnes spécifiques de la communauté juive ou des familles juives entières ». « Et tout cela est prouvé par les documents d’archives du Saint-Siège également sur le pontificat de Pie XII », souligne-t-il.

Il cite aussi l’exemple des « abbayes bénédictines qui pendant la guerre ont préparé de faux documents pour le réseau de résistance en Italie ou ailleurs ». « Les abbayes, rappelle le professeur… par définition travaillent en silence, mais en silence ‘opérationnel’ ».

En ce qui concerne l’activité de la nonciature du Vatican à Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale, le prof. Napolitano précise « que l’ambassade du pape en Allemagne nazie était très contrôlée par les services secrets allemands ». Il cite l’exemple d’un « dossier intéressant de 1941 intitulé ‘Documents envoyés par le nonce apostolique en Allemagne pour prouver la falsification des sacs postaux du Vatican par les autorités nazies’ ». « Le nonce, explique l’historien, envoie même les sceaux « cassés » des valises postales pour démontrer aux supérieurs que les nazis ont systématiquement intercepté le courrier du Saint-Siège, même s’il était couvert par l’immunité diplomatique. »

Le professeur italien se réjouit de l’ouverture des archives du pape Pie XII : « Nous connaissons déjà les actions et les choix du Saint-Siège pendant la Seconde Guerre mondiale, précise-t-il, mais étudier dans les archives, reconstruire certains processus est vraiment important. »

Il souligne que les archives récemment ouvertes représentent « un cas unique » et « rare de démocratie archivistique numérique » : « Grâce à un travail de numérisation complète, tous les chercheurs ont la possibilité de voir tous les documents simultanément, explique-t-il. Cela signifie que personne ne doit attendre que quelqu’un ait fini de consulter un dossier papier, comme c’est généralement le cas. …L’ensemble des archives sur Pie XII a été numérisé, nous sommes donc vraiment en pleine démocratie numérique. »

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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