L’Algérie donne son accord pour la béatification, à Oran, des sept moines français de Tibhirine, assassinés en 1996, annonce le ministre algérien des Affaires étrangères, sur France 24, ce mardi 10 avril 2018.
«L’Algérie a donné son accord pour la béatification de ces moines et cela a été signifié au Vatican», a déclaré Abdelkader Messahel.
Il a précisé le lieu, mais pas la date: «La béatification se fera dans quelques mois, dans quelques semaines, à Oran.»
Les sept trappistes français ont été enlevés en mars 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l’Atlas, à 80 km au sud d’ Alger. la nouvelle de leur mort a été apportée le 23 mai suivant, par un communiqué du Groupe islamique armé (GIA).
Seules les têtes des sept moines ont été retrouvées, laissant planer un doute sur leur mort: comment ont-ils été tués? Le ministre a réfuté toute éventuelle implication du gouvernement algérien de l’époque: « Tout le monde sait dans quelles circonstances ils ont disparu, les Français le savent, les Algériens le savent. La coopération entre les appareils judiciaires algériens et français a été totale, nous avons travaillé en toute transparence. »
Il n’a pas écarté la possibilité d’une présence du pape François: «On verra, pourquoi pas? »
Le pape François a ouvert la voie à la béatification des sept moines et de douze autres religieux et religieuses tués en Algérie entre 1994 et 1996 dont, justement, l’ancien évêque d’Oran, Pierre Claverie, dominicain, en reconnaissant leur « martyre », le 26 janvier 2016. D’où le choix de son ancien diocèse pour la béatification.
Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger a évoqué le sens de cette béatification dans une interview du journal algérien « Reporters » publiée par le site de l’Eglise catholique en Algérie: « Nous avons bien conscience que nos dix-neuf frères et sœurs martyrs ne sont qu’une toute petite goutte dans un océan de violence qui a vraiment meurtri l’Algérie pendant une dizaine d’années, et nous ne pouvions pas penser à nos martyrs sans penser à tous les martyrs d’Algérie; ceux et celles qui ont donné, eux aussi, leur vie, en fidélité à leur foi en Dieu et à leur conscience. Je pense en particulier, nous l’avons rappelé au Saint-Père, à cette centaine d’imams qui sont morts pour avoir refusé de signer ou de cautionner des fatwas justifiant la violence. Je pense aussi aux intellectuels, aux journalistes, aux écrivains… mais surtout à ces petites gens, des hommes, des femmes, des papas et des mamans qui refusaient d’obéir aux ordres des groupes armés. »
Mgr Desfarges, Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, et le p. Thomas Georgeon, postulateur, ont été reçus en audience par le pape François le 1er septembre 2017: « Nous avons alors voulu dire au Saint-Père que cette béatification, nous souhaitions que, lors de son annonce, elle soit une source de paix, de paix pour tous. Certes dans notre Eglise nous sommes dans la paix, nous sommes dans le pardon, mais nous souhaitons qu’elle soit aussi une grâce pour tout le peuple algérien. Qu’elle nous aide tous à avancer ensemble sur le chemin de la paix et de la réconciliation et, si la grâce est donnée, du pardon. Le Saint-Père a été très sensible à tout cela. Il nous a écoutés avec beaucoup d’attention et nous a dit combien était vraie la souffrance que le peuple algérien a endurée il y a vingt ans et a dit comprendre que les plaies ne soient pas encore refermées. Ainsi il nous a dit : «Soyez très délicats car il ne faut pas blesser; il faut que l’évocation de ce souvenir soit une occasion de se tourner vers l’avenir. Nous désirons le vivre ainsi». »
Mgr Desfarges rappelle le jeune Mohamed, assassiné en même temps que Mgr Claverie, le 1er août 1996, à Oran: « Monseigneur Pierre Claverie est justement mort à Oran, assassiné en même temps qu’un jeune Algérien, Mohamed, qui avait lui-même écrit dans un petit carnet qu’il acceptait de risquer sa vie en gardant des relations avec cet évêque, une relation d’amitié. Monseigneur Pierre Claverie avait dit lui-même que «rien que pour un jeune comme Mohamed, je suis prêt à rester». C’est là un beau signe que nos martyrs sont morts avec des frères et des sœurs au milieu d’un peuple meurtri, un peuple aussi de martyrs, d’hommes et de femmes qui ont perdu leur vie en voulant rester fidèles à Dieu et à leur conscience. Le sang de tous les martyrs est mêlé. »
Sur ces 19 martyrs, 16 sont Français, deux sont des religieuses Espagnoles et un missionnaire est Belge.
Les onze autres martyrs sont :
-un frère mariste, Henri Vergès et sœur Paul-Hélène Saint-Raymond, des petites Sœurs de l’Assomption, assassinés le 8 mai 1994 à Alger;
-soeur Esther Paniagua Alonso, et soeur Caridad Álvarez Martín, religieuses espagnoles des Sœurs Augustines Missionnaires, tuées le 23 octobre 1994 à Babael Oued;
-quatre pères blancs – trois Français et un Belge -, assassinés à Tizi Ouzou, le 27 décembre 1994: Jean Chevillard, Charles Deckers, Alain Dieulangard et Christian Chessel;
-le 3 septembre 1995 sont assassinées deux sœurs missionnaires de Notre-Dame des Apôtres: Angèle-Marie Littlejohn et Bibiane Leclercq;
-le 10 novembre 1995, sœur Odette Prévost, des petites Sœurs du Sacré-Cœur, est tuée à Alger.
Les moines de Tibhirine sont Christian de Chergé, Luc Dochier, Christophe Lebreton, Michel Fleury, Bruno Lemarchand, Célestin Ringeard, Paul Favre-Miville.
Notre-Dame de l'Atlas © moines-tibhirine.org/notre-dame-de-l-atlas
Algérie: feu vert du gouvernement pour la béatification des moines français à Oran
« Cela a été signifié au Vatican »