Pour Mgr Francesco Follo, les lectures de la messe de dimanche prochain, 22 décembre 2019, 4ème Dimanche de l’Avent (Année A), sont une « invitation à accueillir l’Enfant Jésus comme saint Joseph l’a fait: avec amoureuse confiance et total abandon ».
L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France) propose aussi comme lecture patristique un extrait d’un sermon de saint Augustin d’Hippone.
Accueillir le Fils de Dieu comme l’a fait saint Joseph, Gardien du Rédempteur et « vicaire » du Père céleste.
1) Accueillir le Christ comme saint Joseph l’a fait.
Seulement deux jours séparent ce quatrième dimanche de l’Avent de Noël. Après-demain soir, nous nous réunirons pour célébrer le grand mystère de l’amour infini qui ne cesse pas de nous étonner : Dieu s’est fait Fils de l’Homme pour que nous devenions fils de Dieu.
Pour nous aider à bien accueillir le Messie, la liturgie d’aujourd’hui nous offre l’exemple de saint Joseph. Comme lui, nous devons accueillir le Dieu fait homme qui vient à nous comme un don fait en Marie, la Vierge Mère. Comme Joseph, nous devons « simplement » l’accepter.
En faisant la narration des faits qui ont précédé la naissance de Jésus, l’Evangile d’aujourd’hui nous aide à apprendre le « comment » mis en acte par Joseph pour accueillir le don de Dieu et pour le vivre comme une vocation et non comme un problème.
Dans son récit, l’évangéliste Matthieu n’explique pas quelles étaient les pensées de saint Joseph, mais nous dit l’essentiel sur le Gardien et protecteur du Rédempteur. Ce saint du silence (les Evangiles n’enregistrent aucune de ses paroles et face au fait étonnant de la maternité de Marie, il ne dénonce pas son épouse pour infidélité. Il est silencieux parce qu’il croit en sa pureté innocente), il essaie de faire la volonté de Dieu et il est prêt à renoncer radicalement à ne pas accueillir dans sa maison sa femme légitime qui avait fasciné son esprit et son cœur. En fait, au lieu de faire valoir ses droits en tant qu’homme marié, Joseph choisit une solution qui représente un énorme sacrifice pour lui. Et l’évangile dit : « Puisqu’il était un homme juste et qu’il ne voulait pas l’accuser publiquement, il pensait la répudier en secret » (Mt 1,19).
Cette brève phrase résume un véritable drame intérieur, si l’on pense à l’amour que Joseph avait pour Marie. Mais même dans une telle circonstance, Joseph a l’intention de faire la volonté de Dieu et décide, sûrement avec une grande douleur, de renvoyer Marie en secret. Ce verset doit être médité avec une profonde attention, pour comprendre quelle a été l’épreuve que Joseph a dû endurer dans les jours qui ont précédé la naissance de Jésus. Une épreuve semblable à celle du sacrifice d’Abraham, quand Dieu lui a demandé son fils Isaac (cf. Gn 22) : renoncer à la chose la plus précieuse, la personne la plus aimée.
Mais, comme dans le cas d’Abraham, le Seigneur intervient : il a trouvé la foi qui cherche et ouvre un chemin différent, un chemin d’amour et de bonheur : « Joseph, n’aie pas peur de prendre Marie, ton épouse, avec toi. Car l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20).
Le récit évangélique de ce dimanche nous montre toute la grandeur d’esprit de saint Joseph. Il suivait son bon plan de vie, mais Dieu lui a réservé un autre plan, une plus grande mission. Joseph était un homme qui écoutait toujours la voix de Dieu, il était un homme attentif aux messages qui lui venaient du fond du cœur et d’en Haut. Il n’a pas persisté à poursuivre son projet de vie, il n’a pas laissé le ressentiment empoisonner son âme, mais il était prêt à se rendre disponible à la nouveauté qui, d’une manière déconcertante, lui était présentée. C’est vrai, c’était un homme bien. En lui il n’y avait pas de la haine, et il ne laissait pas le ressentiment empoisonner son âme. Au contraire de nous qui haïssons, qui détestons aussi au point tel que le ressentiment empoisonne nos âmes. Et ça fait mal. Ne le permettons jamais, à l’exemple de l’époux de Marie.
Joseph devint ainsi encore plus libre et plus grand. En acceptant le plan du Seigneur, Joseph se trouve pleinement au-delà de lui-même. Sa liberté de renoncer à ce qui est à lui, de posséder sa propre existence et sa pleine disponibilité intérieure à la volonté de Dieu nous interpelle et nous montre le chemin. Si, comme saint Joseph, nous acceptons le Christ, l’Evangile vivant, nous faisons l’expérience que l’Evangile ne détruit rien. L’Évangile ne laisse pas de côté toute réalité, consacre tout, révèle tout, révèle tout, accomplit tout, donne à la vie une dimension infinie, merveilleuse et joyeuse.
En ce dimanche, préparons-nous à accueillir Jésus comme un enfant, comme saint Joseph l’a fait. Le prix qu’il reçut fut l’amour de Marie et de Jésus, devenant son père putatif (il vaudrait mieux dire : légal) et le vicaire sur terre du Père céleste.
Mais gardons Marie et Joseph ensemble. Ainsi, d’un seul regard, nous contemplons la Vierge Mère, la femme pleine de grâce qui a eu le courage de se confier totalement à la Parole de Dieu, et Joseph, l’homme fidèle et juste qui a préféré croire au Seigneur au lieu d’écouter les voix du doute et de la fierté humaine. Avec eux, nous marchons ensemble vers la crèche, avec eux nous construisons la crèche pour déposer le Christ, Don de Dieu, Vérité qui sauve nos vies.
2) L’Ange porta l’annonce à Joseph.
L’évangile de ce dimanche nous parle de l’annonce à Joseph, père légal de Jésus, qui naît parce que aussi cet artisan de Nazareth a dit « oui » et a donné une demeure sûre où le Verbe d’Amour incarné puisse être l’Emmanuel. Il y a une relation étroite entre l’annonce faite à Marie et celle faite à Joseph. En apparaissant en rêve à cet homme juste, l’Ange l’introduit dans le mystère de la maternité virginale de Marie : cette jeune femme, qui selon la loi est son « épouse », est devenue mère par l’œuvre du Saint Esprit en restant vierge.
L’Ange s’adresse à Joseph comme « l’époux de Marie », à celui qui le temps venu devra imposer le nom de « Jésus » au Fils qui naitra de la Vierge Marie de Nazareth mariée à lui. Il s’adresse donc à Joseph, lui confiant les devoirs d’un père terrien envers le Fils de Marie : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi, Marie, ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus[1], car c’ est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » ( Mt 1,20-21).
La réponse du saint Menuisier (Charpentier) de Nazareth à l’Ange ne fut pas donnée avec des paroles, mais avec l’obéissance active (factice) : « Joseph fit ce que l’Ange lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse » (Mt 1,24). Il prit soin de Marie avec amour et se consacra à l’éducation de Jésus avec joie (cf. St Irénée, Adversus Haereses, IV,23,1: S.Ch.100/2, 692-694). Il n’apparait pas que Jésus ait suivi une école particulière, mais a eu, outre que Marie, trois maîtres qui furent plus grands que les maîtres diplômés : Joseph travailleur, la Nature, et la Sainte Ecriture.
N’oublions pas que Jésus fut un travailleur et fils légal d’un travailleur. Il ne faut pas oublier que Jésus naquit pauvre et vécut parmi des personnes qui travaillaient avec leurs propres mains, qui gagnaient leur pain avec l’ oeuvre de leurs mains. Mains qui bénirent les enfants, les pauvres, acquittèrent les pécheurs et guérirent les malades. Mains qui, avant d’être tâchées de son sang versé pour nous, furent mouillées de sueur et sentirent la douleur de la fatigue. Mains qui, savaient la force qu’il fallait pour enfoncer les clous, Mains qui sont « le paysage du cœur » (B. Jean-Paul II).
N’oublions pas la Nature qui nous apprend Dieu en nous montrant toute sa splendeur. Si nous étudions le livre de la Nature, nous perçevons en elle l’empreinte de Dieu. Notre prière devient contemplation du Créateur et nous disons : « Sois bénis, Seigneur, dans le firmament, digne de louanges et de gloire dans les siècles » (Dn 3,56). A travers cette prière le chrétien exprime toute sa gratitude non seulement pour le don de la création mais aussi parce qu’il se voit comme un destinataire de l’attention paternelle de Dieu, qui dans le Christ a élevé l’homme à la dignité de Fils. Une attention paternelle qui fait voir au Christ avec un nouveau regard et en fait savourer la beauté, dans laquelle on entrevoit – comme en filigrane – l’Amour de Dieu.
N’oublions pas la Sainte Ecriture, qui, pour Jésus, fut une alimentation évidente, par la quelle Il répondit au diable qui le tentait : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu ». La Parole de Dieu s’entrecroise (entrelace) avec l’Eucharistie, comme Origène écrit : « Nous lisons les Saintes Ecritures. Je pense que l’Evangile est le corps du Christ; je pense que les Saintes Ecritures sont leur enseignement. Et quand il dit : » qui ne mange pas ma chair et ne boit pas mon sang » (Jn 6,53). Bien que ces paroles doivent s’entendre aussi du Mystère eucharistique, toutefois le corps du Christ et le sang du Christ sont vraiment la parole de l’Ecriture, ils sont l’enseignement de Dieu. Lorsque nous nous rendons au Mystère eucharistique, s’il en tombe une mie, nous nous sentons perdus. Et nous courrons un grand danger lorsque pensons à d’autres choses, lorsque nous sommes en train d’écouter Parole de Dieu et la Parole de Dieu et la chair du Christ et son sang sont versée dans nos oreilles »[2].
3) L’Emmanuel est un miracle d’obéissance.
Face au prodige de la conception virginale, Saint-Mathieu met en relief les paroles de la prophétie d’Isaïe et l’obéissance de Joseph, homme juste. Dans son contexte originel le texte d’Isaïe 7,14 fait référence à la naissance du fils du Roi Acaz, un signe que sa maison aurait eu un futur.
L’évangéliste l’utilise pour indiquer avant tout, la virginité[3] de Marie. En second lieu, le texte lui fournit le nom Emmanuel, Dieu avec nous, qui réaffirme l’identité du Fils de Dieu et introduit l’idée de la présence constante de Jésus auprès des siens qui sera explicitée par le Ressuscité au moment de l’ascension au ciel (voir Mt 28,20). L’apôtre Paul dira plus tard : « Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous? » (Rm 8,22).
Grâce à l’obéissance de la foi de Joseph et de Marie, grâce à leur accueil de la parole que Dieu leur a adressé à travers son Ange, ils accueillirent chez eux l’Emmanuel, le Dieu avec nous.
Joseph, comme Marie s’ouvrit au don de Dieu pour que Dieu puisse faire naître dans l’histoire le salut promis. Joseph prit avec lui Marie, son épouse, et avec elle la mission de donner chair à la Parole de Dieu. En réalité le récit de l’évangile se termine avec le v. 25 où Saint Mathieu affirme : « Mais il n’eut pas de rapports avec elle ; elle enfanta un fils, auquel il donna le nom de Jésus ».
En Joseph nous avons donne l’exemple d’un homme de foi qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu (cfr Mt 7,24). En accueillant la Parole de Dieu, il entre à faire partie de la famille divine, comme nous l’assure Jean : « Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12).
Les vierges consacrées, à l’exemple de Marie, accueillent la Parole de Dieu en obéissant avec amour virginal. Dans un monde, du moins dans monde chrétien, où la chasteté est admirée même si pas toujours comprise, dans un monde où l’obéissance est méprisée, ces femmes sont appelées à montrer que l’obéissance c’est de dire « oui » à Dieu, comme a fait Joseph, comme a fait Marie. Leur obéissance est conjugale et un geste de liberté et d’amour. L’obéissance est appropriée à l’amour du Christ, qui ne nous donne pas quelque chose mais nous donne lui-même, comme Epoux de l’Eglise.
L’obéissance convient à l’Amour parce qu’il est partage de l’invisible, participation créée à la perfection de Dieu, démesure de Dieu dans la mesure de l’homme. La vocation obéissante des vierges consacrées est l’empressement à accueillir l’action de Dieu, qui ai aimé sur toute chose et toute personne.
L’obéissance est la réponse de la personne consacrée qui, au contact priant de la Parole incarnée, découvre la volonté particulière de Dieu sur sa vie, la ratifie et fait expérience que la paix humaine est dans la volonté di Dieu (« in tua volontà è nostra pace » – Dante Alighieri).
Lecture Patristique
Saint Augustin d’Hippone
Sermon 51, PL 38, 338.
“Pourquoi le fils de la virginité de Marie ne serait-il pas reçu comme un fils par le chaste Joseph? Il est chaste mari comme elle est chaste épouse: pourquoi ne serait-il point père, tout vierge qu’il est, de même que Marie a mérité d’être mère sans cesser d’être vierge? Celui donc qui prétend qu’on ne doit point donner à Joseph le nom de père, parce qu’il n’a pas engendré de fils, cherche dans la génération des enfants la satisfaction de la concupiscence, et non la tendresse de l’affection. Joseph réalisait bien plus parfaitement dans son coeur ce que d’autres désirent accomplir d’une manière charnelle.” … “Sachant qu’il n’était pour rien dans le mystère de Marie, il devait normalement la considérer comme infidèle. Mais parce qu’il était “juste” et qu’il ne voulait pas la diffamer, il résolut de la renvoyer en secret.
Époux, le trouble s’empare de lui ; mais “juste” il ne sévit pas. Considérez la “justice” profonde de Joseph. S’il épargnait son épouse, ce n’était pas par le désir de vivre avec elle. Beaucoup, en effet, inspirés par un amour charnel, pardonnent à leurs épouses infidèles, désireux qu’ils sont, malgré leur faute, de les conserver, pour satisfaire ainsi leur propre désir. Cet homme juste, lui, ne veut point conserver son épouse; son affection n’a donc rien de charnel. Il ne veut pas non plus la punir: c’est l’effet d’un sentiment de miséricorde. Admirez le caractère de ce “juste”: c’est tout-à-fait avec raison qu’il a été choisi comme témoin de la virginité de son épouse.”
NOTES
[1] « Jésus » était un prénom connu parmi les Israelites et quelque fois était donné aux fils. Mais en ce cas il s’agit du Fils qui – selon la promesse divine – accomplira pleinement la signification de ce nom : Jésus – Yehossua’ qui signifie : Dieu sauve.
[2] Origène, Homélie sur le livre des Psaumes 74.
[3] Saint Mattieu utilise la traduction des LXX, qui utilise parthénos (vierge) pour indiquer le terme hébreux « alma » qui signifie jeune femme.