Lecture Ps 61, 2-3.8-9.12-13
1. Les douces paroles du Psaume 61 qui viennent de retentir sont un chant de confiance, ouvert par une sorte d’antienne, répétée à la moitié du texte. Elle est comme une prière jaculatoire sereine et forte, une invocation qui est également un programme de vie: «En Dieu seul le repos pour mon âme, de lui mon salut; lui seul mon rocher, mon salut, ma citadelle, je ne bronche pas» (vv. 2-3.6-7).
2. Dans son développement, le Psaume oppose cependant deux types de confiance. Il s’agit de deux choix fondamentaux, un bon choix et un choix pervers, qui comportent deux conduites morales différentes. Il y a tout d’abord la confiance en Dieu, exaltée dans l’invocation du début où entre en scène un symbole de stabilité et de sécurité, comme le rocher, «la citadelle», c’est-à-dire une forteresse et un rempart de protection.
Le Psalmiste répète: «En Dieu mon salut et ma gloire, le rocher de ma force. En Dieu mon abri» (v. 8). C’est ce qu’il affirme après avoir évoqué les trames hostiles de ses ennemis qui tentent de «l’abattre d’en haut» (cf. vv. 4-5).
3. Il y a ensuite une autre confiance liée à l’idolâtrie, sur laquelle l’orant fixe avec insistance son attention critique. C’est une confiance qui fait rechercher la sécurité et la stabilité à travers la violence, le vol et la richesse.
L’appel devient alors clair et net: «N’allez pas vous fier à la violence, vous essoufflant en rapines; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre cœur!» (v. 11).
Les idoles ici évoquées et proscrites comme étant contraires à la dignité de l’homme et à la coexistence sociale sont au nombre de trois.
4. Le premier faux dieu est la violence, à laquelle l’humanité continue malheureusement d’avoir recours également à notre époque ensanglantée. Cette idole s’accompagne de l’immense cortège de guerres, d’oppressions, de prévarications, de tortures et de tueries abominables; infligées sans aucun sursaut de conscience.
Le deuxième faux dieu est le vol, qui s’exprime dans l’extorsion, dans l’injustice sociale, dans l’usure, dans la corruption politique et économique. Trop de personnes cultivent l’«illusion» de pouvoir satisfaire de cette façon leur avidité.
Enfin, la richesse est la troisième idole à laquelle «s’attache le cœur» de l’homme dans l’espérance trompeuse de pouvoir se sauver de la mort (cf. Ps 48) et de s’assurer une suprématie grâce au prestige et au pouvoir.
5. En se servant de cette triade diabolique, l’homme oublie que les idoles sont des trouvailles inconsistantes et même nuisibles. En ne se fiant qu’aux choses et à soi-même, il oublie qu’il est «un souffle… un mensonge», et même, s’il est pesé sur une balance, «moins qu’un souffle» (Ps 61, 10; cf. Ps 38, 6-7).
Si nous étions davantage conscients de notre caractère caduc et de la limite propre aux créatures, nous ne choisirions pas la voie de la confiance dans les idoles, ni n’organiserions notre vie selon les critères de pseudo valeurs fragiles et inconsistantes. Nous nous orienterions plutôt vers l’autre confiance, celle qui a en son centre le Seigneur, source d’éternité et de paix. A lui seul, en effet, «appartient le pouvoir»; lui seul est source de grâce; lui seul est artisan de justice, payant «l’homme selon ses œuvres» (cf. Ps 61, 12-13).
6. Le Concile Vatican II a appliqué aux prêtres l’invitation du Psaume 61 à «ne pas attacher son cœur aux richesses» (cf. v. 11b). Le Décret sur le ministère et la vie sacerdotale exhorte: «Les prêtres, loin d’attacher leur cœur à la richesse, éviteront tout espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence commerciale» (Presbyterorum ordinis, n. 17).
Toutefois, cet appel à rejeter la confiance perverse et à choisir celle qui conduit à Dieu vaut pour tous et doit devenir notre étoile polaire dans le comportement quotidien, dans les choix moraux, dans le style de vie.
7.Certes, il s’agit d’une voie difficile qui comporte également des épreuves pour le juste et des choix courageux, qui sont cependant toujours marqués par la confiance en Dieu (cf. Ps 61, 2). Sous cette lumière, les Pères de l’Eglise ont vu dans l’orant du Psaume 61 la préfiguration du Christ, et ils ont placé sur ses lèvres l’invocation initiale de confiance et d’adhésion totale à Dieu.
A ce propos, dans son Commentaire sur le Psaume 61, saint Ambroise explique ce qui suit: «Qu’aurait dû faire en premier lieu notre Seigneur Jésus, en assumant la chair de l’homme pour la purifier dans sa personne, si ce n’est effacer l’influence maléfique de l’antique péché? A travers la désobéissance, c’est-à-dire en violant les prescriptions divines, la faute s’était insinuée en rampant. Il a dû alors rétablir tout d’abord l’obéissance, afin de bloquer le foyer du péché… En personne, il a pris sur lui l’obéissance, pour nous la transmettre» (Commento a dodici Salmi 61, 4: SAEMO, VIII, Milano-Roma 1980, p. 283).
Traduction réalisée par Zenit.