Les chrétiens de l’Etat du Gujarat ont considéré comme un événement de première importance l’élection à l’assemblée législative locale, le 13 octobre dernier, d’un membre d’une ethnie locale de confession protestante. C’est avec une marge de 13 000 voix que Punabhai Dhedabhai Gamit, candidat du Parti du Congrès, a gagné le siège de la circonscription électorale de Vyara. Ce jour-là, les élections portaient sur cinq circonscriptions de l’Etat. Trois ont été gagnées par le Parti du Congrès, les deux autres étant remportées par le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Six candidats briguaient le siège de Vyara, dont cinq appartenaient à la même ethnie que Gamit, ethnie qui constitue environ 50 % des 168 269 électeurs de la circonscription. Le siège était devenu vacant à la suite de l’élection à l’Assemblée législative fédérale de son ancien détenteur. Le pasteur A. J. Rajwadi, de l’Eglise (protestante) du Nord de l’Inde, considère cette victoire comme le début d’une nouvelle ten-dance dans cette région où les ethnies minoritaires (aborigènes) forment l’essentiel de la population. Elle illustre un engagement politique plus prononcé des chrétiens dont la majorité appartiennent à l’Eglise du Nord de l’Inde.
Gamit, âgé de 56 ans, chrétien de la seconde génération, appartient à l’Eglise pentecôtiste du plein Evangile. Il a été conducteur de cars dans une entreprise publique puis chef de village et enfin responsable d’une société de marketing. Il est aujourd’hui vice-directeur d’une raffinerie de sucre. Ses amis disent de lui qu’il a une foi profonde en l’Evangile et qu’il est sincèrement animé par un désir de justice pour les aborigènes de l’Etat. Au cours de la campagne, il a déclaré que sa priorité serait de lancer des programmes susceptibles de créer des emplois dans le district et de freiner la migration de la population des ethnies locales vers la ville. Il s’est déclaré contre le fondamentalisme religieux, persuadé que seule une action politique de caractère laïque pouvait être de quelque utilité aux ethnies locales, s’opposant ainsi au BJP, considéré par beaucoup comme responsable des violences exercées contre les chrétiens en 1998 et contre les musulmans en 2002.
A l’issue de la victoire de Gamit, Martin Taylor, secrétaire d’une paroisse de l’Eglise du Nord de l’Inde, a affirmé qu’il fallait se réjouir de voir un chrétien choisi comme candidat aux législatives par le principal parti d’opposition de l’Etat, après un hiatus de dix-sept ans ; un événement, souligne-t-il, qui arrive au bon moment et concerne la personne qui convient. Un prêtre catholique, le P. Antony Britto, curé d’une paroisse du Vyara, s’est montré plus nuancé en affirmant que la religion professée par le candidat était moins importante que ses origines ethniques. La victoire d’un de leurs frères d’ethnie était un réconfort pour tous les aborigènes de la région.
Commentant son élection, le nouvel élu a expliqué que les attaques anti-chrétiennes de 1998 au Gujarat avaient aidé le BJP à s’implanter au sein des ethnies minoritaires qui traditionnellement soutenaient le Parti du Congrès. Depuis cette époque, le parti nationaliste hindou avait gardé le pouvoir sauf pendant une période de un an. Mais Damit a assuré que des changements avaient eu lieu au sein de la population locale. Les auteurs des violences avaient changé d’attitude. Il s’est dit persuadé que les membres des ethnies minoritaires ne permettraient pas que les troubles se renouvellent.
C’est surtout en 1998 que la population chrétienne de l’Etat, qui ne représente que 0,6 % des 50,67 millions d’habitants de la région, avait été victime des exactions de groupes d’hindouistes extrémistes. Dans le district de Dangs, à 78 km de Vyara, la veille de Noël 1998, des militants fondamentalistes avaient mené une attaque anti-chrétienne au cours de laquelle des chrétiens avaient été maltraités, des bibles brûlées et des églises détruites (1). Depuis, en février-mars 2002, les violences avaient opposé les hindous aux musulmans, faisant plus de 1 000 morts dans la population de l’Etat, surtout chez les musulmans. Plus tard, le 26 mars 2003, c’est une inspiration anti-chrétienne qui avait poussé l’Etat du Gujarat à faire adopter une loi, intitulée « Loi sur la liberté des religions », destinée à restreindre les possibilités de conversion (2). La loi imposait, entre autres, trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 roupies (2 100 euros) à tous ceux qui convertiraient une personne par la contrainte ou en utilisant des moyens frauduleux.
(1) Voir EDA 278, 279 (2) Voir EDA 372, 373, 379
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