ROME, dimanche 23 mars 2003 (ZENIT.org) – « Les difficultés qui existent dans les relations père-fils nous invitent à redécouvrir toute la portée de la révélation que Dieu est notre Père », déclare l’archevêque Paul Josef Cordes, président du Conseil Pontifical Cor Unum, qui vient de consacrer un livre au rôle du père : « L’eclisse del padre » (L’éclipse du père) publié en italien.
Dans cet ouvrage, Mgr Cordes prend en considération les phénomènes sociologiques, les changements dans le domaine juridique, les tendances psychologiques et pédagogiques, le nouveau féminisme.
« Celui qui en vérité nous révèle que Dieu est Père, c’est le Fils Eternel, le Seigneur Jésus Christ », a déclaré Mgr Cordes au quotidien italien Avvenire. « Ce point central du Nouveau Testament est un peu voilé déjà par le langage de saint Augustin qui préfère utiliser d’autres termes : Dieu, le Tout-puissant, le Créateur. Vis à vis du monde païen il fallait éviter qu’il y ait un malentendu entre le Dieu du Nouveau Testament et Zeus, père des dieux et des hommes. On préférait donc parfois ne pas utiliser le mot « Père ». C’est une tendance qui devint excessive avec Luther qui avait une relation tellement conflictuelle avec son propre père qu’il était incapable d’utiliser ce mot en pensant à Dieu. Au cous de sa première messe, au moment où il allait prononcer l’expression « Père très bon », il fut tenté de fuir. Le prêtre qui l’accompagnait dût l’en empêcher. Sigmund Freud a ensuite ébranlé une nouvelle fois l’idée du père dans notre culture, faisant du mythe d’Oedipe la clé de son anthropologie. Aujourd’hui par conséquent, même les difficultés de la relation père-fils nous invitent à redécouvrir toute la portée de la révélation que Dieu est notre Père ».
Q : Y a-t-il un signe des temps qui pousse en ce sens ?
R : Susan Faludi, une journaliste devenue célèbre par la publication d’un livre ayant eu beaucoup de succès aux Etats-Unis, visant à promouvoir le féminisme, a voulu analyser la condition de l’homme, dix ans après. A la fin de son enquête elle déclarait : ‘je voulais écrire un livre sur les hommes, c’est en revanche devenu un livre sur les pères’. Elle a en effet découvert que beaucoup d’hommes souffraient encore de l’absence du père vécue dans leur enfance. Ils l’avaient pour cela critiqué, haï. Le seul moyen de retrouver leur identité de père était de pardonner à leurs pères et de se pardonner à eux-mêmes, mais cela était impossible sans s’ouvrir à la foi en un Dieu Père.
Q : Le refus de cette ouverture est peut-être la cause profonde de beaucoup de situations familiales difficiles ?
R : Le livre cite Pietro di Bernardone, père de saint François, qui refusa d’accepter la volonté de Dieu sur son fils, car il avait projeté sur lui sa propre image. A cet exemple on peut opposer la parole d’Abraham qui, face au commandement de sacrifier son fils, apprend à travers la souffrance à être un père, en ne doutant jamais de l’amour de Dieu.
Q : Que peut signifier cela pour les hommes d’aujourd’hui ?
R : Accepter que le rôle du père soit différent de celui de la mère. La paternité comme vocation ne se limite pas à l’amour tendre pour son fils ; elle ne cherche pas son propre plaisir en accordant au fils ce qu’il désire. Et elle n’est pas non plus bien sûr une aversion émotive envers lui. C’est quelque chose d’autre : c’est de la responsabilité. Il faut donc avoir le courage de préserver sa propre autorité. Un fils aujourd’hui est une merveilleuse opportunité pour surmonter l’égoïsme qui en règle générale est beaucoup plus fort chez l’homme que chez la femme. C’est un combat pour le père de corriger son fils. Ce combat est bien décrit par Karol Wojtyla dans un poème intitulé « Rayons de paternité ».
Q : Il y a parfois des plaies difficile à guérir.
R : Si l’on n’a pas vécu dans sa vie la vraie dimension de la paternité, on peut, à travers la paternité spirituelle, trouver ce qui a manqué au cours de la vie. Comme dit le pape, les normes éthiques universelles ne suffisent pas. Nous avons besoin de témoignages qui, tout en exerçant sur nous une influence, nous laissent libres. Dans l’un de ses livres, Karol Wojtyla prouve cela en racontant l’effet que son catéchiste Jan Tyranowski a eu sur lui-même et sur ses compagnons. Nous ne savions pas, dit Karol Wojtyla, pourquoi il nous fascinait ainsi. Ce qu’il disait nous touchait. Ce n’était pas original, mais sa vie intérieure donnait du poids à ses paroles. Elle expliquait toutes ses attitudes, elle attirait à lui malgré toutes les réserves et les résistances.