Homélie du cardinal André Vingt-Trois, donnée le lundi 4 avril 2016 en l’église Saint-Denys d’Argenteuil (France, diocèse de Pontoise), à l’occasion de l’ostension jubilaire de la Sainte Tunique.
Frères et Sœurs,
Il y a à peine plus d’une semaine, nous avons célébré le mystère pascal, dans lequel nous avons été conduits, tout au long de la semaine sainte, à suivre pas à pas le chemin du Christ et à découvrir à travers les récits, en particulier celui du jeudi saint, de la Cène, de la Passion le vendredi saint, à reprendre conscience de ce que signifiait le verset du psaume que nous avons chanté : « Je suis venu, O Dieu, pour faire ta volonté ». Nous avons été conduits par la main, au cours de la vigile pascale en entendant les lectures, à reprendre conscience du lien qui s’était rompu entre l’homme que Dieu avait créé pour être son vis-à-vis et pour vivre avec lui en bonne communion et en intelligence, et Dieu. Cette rupture qui résulte du détournement du péché, de la désobéissance, du refus de suivre les indications de la parole de Dieu, nous est présentée par la bible comme l’entrée dans le monde du mal et de la mort. Nous avons découvert, en parcourant le mystère pascal, que le rétablissement de la communion avec Dieu ne pouvait pas se faire autrement que par un acte qui remette en vigueur le lien qui unit Dieu à l’humanité. Il fallait que ce soit un homme, un être humain, pétri de la pâte humaine, qui assume l’héritage lourd de l’humanité, qui le vive et qui rende cet acte effectif : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice… ; tu n’exigeais ni holocauste ni victime… voici je viens » (Ps 39,7.8)
Nous comprenons en méditant avec les Pères de l’Église, comment la plénitude de l’humanité du Christ, comme la plénitude de sa communion avec le Père, sont les conditions indispensables pour que soit inversée la logique de la souffrance et de la mort. Le Christ meurt pour que nous vivions. En offrant sa vie dans l’obéissance à son Père, il ouvre le chemin de la résurrection et de la vie pour tous. C’est cette obéissance du Fils qui apprit, comme nous le dit l’épître aux Hébreux, par la souffrance ce que veut dire obéir. C’est cette obéissance du Christ qui rétablit la communion avec Dieu, et c’est cette obéissance sans partage, qui doit être enracinée et qui doit prospérer dans son humanité. C’est pourquoi, la manière dont Marie accueille l’Annonciation, est tellement importante. Il ne s’agit pas simplement de se laisser facilement conduire. Elle dit : « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta Parole. » (Lc 1,38). D’une certaine façon, c’est cette acquiescement délibéré, quoi qu’obscur de Marie, qui est le premier pas de l’obéissance de son fils, qui sera la cause de notre salut. C’est parce que Marie accueille cette parole avec confiance, parce qu’elle croit ce que lui dit l’ange, « que rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37), parce qu’elle engage sa vie sur cette foi et sur cette confiance, que l’aventure de l’incarnation du Verbe va devenir possible. C’est dans l’obéissance de Marie que s’enracine la venue du Fils unique de Dieu, le chemin de sa propre obéissance et l’offrande qu’il fait de lui-même pour le salut du monde.
Ainsi quand nous vénérons les reliques de la Passion de Jésus, comme nous le faisons ici avec la sainte Tunique, notre dévotion ne va pas simplement aux signes sensibles, elle va à la réalité que ces signes évoquent. La tunique du Christ évoque les ultimes moments de sa vie humaine, elle évoque le moment où il se donne tout entier par amour pour les hommes et par obéissance au Père. Vénérer la Tunique du Christ, ce n’est pas appeler un signe supplémentaire, c’est entrer dans le signe absolu qui a été donné au Golgotha. Ces reliques de la Passion du Christ, que ce soit la Couronne d’épines que nous vénérons à Notre-Dame de Paris, que ce soit la Tunique qui est vénérée ici, ou le Saint Suaire qui est vénéré à Turin, ces reliques de la Passion du Christ sont des soutiens sensibles pour provoquer en nous le dynamisme intérieur qui va nous joindre à l’offrande que Jésus fait de lui-même. On ne les vénère pas dans une démarche magique qui nous laisserait croire que, parce que l’on a vénéré telle ou telle relique, Dieu va changer notre vie malgré nous. On les vénère pour recevoir en nos cœurs une motivation supplémentaire de croire que rien n’est impossible à Dieu, comme un appel nouveau à nous convertir. En ce jour où nous célébrons la fête de l’Annonciation, c’est une invitation pour nous aussi, à nous mettre dans la position du serviteur : « voici la servante du Seigneur » (Lc 1,38).
Que Dieu nous donne ce soir, ici dans cette basilique, de nous mettre dans cette attitude intérieure, voici le serviteur, « voici la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta Parole. » (Lc 1,38) Que nous puissions formuler cette parole en nos cœurs de telle sorte que notre liberté tout entière soit ouverte à la volonté de Dieu. Que nous nous laissions conduire avec confiance par celui pour qui rien n’est impossible. Que nous laissions l’obéissance du Christ, initiée par l’obéissance de Marie, investir notre propre liberté et nous faire nous aussi devenir obéissants à la volonté de Dieu. « Il est écrit pour moi que je dois faire ta volonté. Mon Dieu, voilà ce que j’aime ; ta loi me tient aux entrailles. » (Ps 39,8-9).
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris
Il y a à peine plus d’une semaine, nous avons célébré le mystère pascal, dans lequel nous avons été conduits, tout au long de la semaine sainte, à suivre pas à pas le chemin du Christ et à découvrir à travers les récits, en particulier celui du jeudi saint, de la Cène, de la Passion le vendredi saint, à reprendre conscience de ce que signifiait le verset du psaume que nous avons chanté : « Je suis venu, O Dieu, pour faire ta volonté ». Nous avons été conduits par la main, au cours de la vigile pascale en entendant les lectures, à reprendre conscience du lien qui s’était rompu entre l’homme que Dieu avait créé pour être son vis-à-vis et pour vivre avec lui en bonne communion et en intelligence, et Dieu. Cette rupture qui résulte du détournement du péché, de la désobéissance, du refus de suivre les indications de la parole de Dieu, nous est présentée par la bible comme l’entrée dans le monde du mal et de la mort. Nous avons découvert, en parcourant le mystère pascal, que le rétablissement de la communion avec Dieu ne pouvait pas se faire autrement que par un acte qui remette en vigueur le lien qui unit Dieu à l’humanité. Il fallait que ce soit un homme, un être humain, pétri de la pâte humaine, qui assume l’héritage lourd de l’humanité, qui le vive et qui rende cet acte effectif : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice… ; tu n’exigeais ni holocauste ni victime… voici je viens » (Ps 39,7.8)
Nous comprenons en méditant avec les Pères de l’Église, comment la plénitude de l’humanité du Christ, comme la plénitude de sa communion avec le Père, sont les conditions indispensables pour que soit inversée la logique de la souffrance et de la mort. Le Christ meurt pour que nous vivions. En offrant sa vie dans l’obéissance à son Père, il ouvre le chemin de la résurrection et de la vie pour tous. C’est cette obéissance du Fils qui apprit, comme nous le dit l’épître aux Hébreux, par la souffrance ce que veut dire obéir. C’est cette obéissance du Christ qui rétablit la communion avec Dieu, et c’est cette obéissance sans partage, qui doit être enracinée et qui doit prospérer dans son humanité. C’est pourquoi, la manière dont Marie accueille l’Annonciation, est tellement importante. Il ne s’agit pas simplement de se laisser facilement conduire. Elle dit : « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta Parole. » (Lc 1,38). D’une certaine façon, c’est cette acquiescement délibéré, quoi qu’obscur de Marie, qui est le premier pas de l’obéissance de son fils, qui sera la cause de notre salut. C’est parce que Marie accueille cette parole avec confiance, parce qu’elle croit ce que lui dit l’ange, « que rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37), parce qu’elle engage sa vie sur cette foi et sur cette confiance, que l’aventure de l’incarnation du Verbe va devenir possible. C’est dans l’obéissance de Marie que s’enracine la venue du Fils unique de Dieu, le chemin de sa propre obéissance et l’offrande qu’il fait de lui-même pour le salut du monde.
Ainsi quand nous vénérons les reliques de la Passion de Jésus, comme nous le faisons ici avec la sainte Tunique, notre dévotion ne va pas simplement aux signes sensibles, elle va à la réalité que ces signes évoquent. La tunique du Christ évoque les ultimes moments de sa vie humaine, elle évoque le moment où il se donne tout entier par amour pour les hommes et par obéissance au Père. Vénérer la Tunique du Christ, ce n’est pas appeler un signe supplémentaire, c’est entrer dans le signe absolu qui a été donné au Golgotha. Ces reliques de la Passion du Christ, que ce soit la Couronne d’épines que nous vénérons à Notre-Dame de Paris, que ce soit la Tunique qui est vénérée ici, ou le Saint Suaire qui est vénéré à Turin, ces reliques de la Passion du Christ sont des soutiens sensibles pour provoquer en nous le dynamisme intérieur qui va nous joindre à l’offrande que Jésus fait de lui-même. On ne les vénère pas dans une démarche magique qui nous laisserait croire que, parce que l’on a vénéré telle ou telle relique, Dieu va changer notre vie malgré nous. On les vénère pour recevoir en nos cœurs une motivation supplémentaire de croire que rien n’est impossible à Dieu, comme un appel nouveau à nous convertir. En ce jour où nous célébrons la fête de l’Annonciation, c’est une invitation pour nous aussi, à nous mettre dans la position du serviteur : « voici la servante du Seigneur » (Lc 1,38).
Que Dieu nous donne ce soir, ici dans cette basilique, de nous mettre dans cette attitude intérieure, voici le serviteur, « voici la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta Parole. » (Lc 1,38) Que nous puissions formuler cette parole en nos cœurs de telle sorte que notre liberté tout entière soit ouverte à la volonté de Dieu. Que nous nous laissions conduire avec confiance par celui pour qui rien n’est impossible. Que nous laissions l’obéissance du Christ, initiée par l’obéissance de Marie, investir notre propre liberté et nous faire nous aussi devenir obéissants à la volonté de Dieu. « Il est écrit pour moi que je dois faire ta volonté. Mon Dieu, voilà ce que j’aime ; ta loi me tient aux entrailles. » (Ps 39,8-9).
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris