Dimanche 24 janvier 2010 (ZENIT.org) – Deux résolutions vont être soumises à l’examen et au vote de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, cette semaine : l’un vise à promouvoir les droits des « LBGT » (Lesbienne, Gay, Bisexuels et Transsexuels), notamment au mariage, à l’adoption ou à l’insémination artificielle ; et l’autre à encourager une politique de réduction démographique, notamment au moyen de l’avortement, explique Grégor Puppinck dans cet entretien à ZENIT.
Grégor Puppinck est Directeur du European Centre for Law and Justice*, une ONG basée à Strasbourg spécialisée en droit européen ; il a participé aux travaux du « Comité d’experts sur la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre » (DH-LGBT) du Conseil de l’Europe.
Zenit : L’attention a été attirée sur deux textes problématiques qui seront soumis à l’examen et au vote lors de la prochaine session de l’Assemblée Parlementaire, cette semaine. Un certain nombre de députés et d’ONG se sont manifestés pour corriger ou contrer ces textes. De quoi s’agit-il ?
G. Puppinck : Il s’agit de deux rapports parlementaires élaborés dans le cadre du Conseil de l’Europe. Ils visent, pour l’un à promouvoir les droits des « LBGT » (Lesbienne, Gay, Bisexuels et Transsexuels), notamment au mariage, à l’adoption ou à l’insémination artificielle ; et pour l’autre à encourager une politique de réduction démographique, notamment au moyen, ce qui est problématique, de l’avortement. Ils seront discutés et votés respectivement mercredi 27 et vendredi 29 janvier à Strasbourg.
Zenit : Quels problèmes particuliers posent le rapport sur les droits des « LBGT » ?
G. Puppinck : Le rapport de M. Andréas Gross dont l’intitulé précis est « Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre » est problématique car il ne se limite pas au but respectable de vouloir protéger les personnes « LBGT » contre les violences et discriminations injustifiées. En effet, au-delà, la résolution tend à forcer l’opinion et les consciences en imposant l’idée selon laquelle tout type de relations (hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles ou transsexuels) seraient naturellement et moralement équivalentes. Par suite, aucune distinction morale, politique ou juridique ne serait plus permise, notamment quant au mariage, à l’adoption ou à l’insémination artificielle.
En allant au-delà de la légitime protection des personnes « LBGT » contre les violences physiques et les discriminations injustifiées, cette résolution porte atteinte à plusieurs droits fondamentaux. Tout d’abord, ce sont les libertés d’opinion, d’expression, et de religion qui sont entamées, car il n’est plus jugé admissible d’avoir une opinion morale ou religieuse sur l’homosexualité. C’est simplement le droit de ne pas être d’accord qui est retiré au profit d’une pensée unique, au nom de « l’éradication de l’homophobie et de la transphobie ».
La liberté de l’Église et des croyants est directement et actuellement menacée dans ce domaine.
Ensuite, ce sont les intérêts des enfants et des familles qui sont également entamés. En effet, la famille et les enfants ne sont plus reconnus comme des réalités naturelles en soi, mais comme des désirs subjectifs. Parce que l’adulte LGBT en a le désir, cette résolution conclut à l’existence de « droits » pour ce dernier à se marier, à adopter des enfants, et à fonder « une famille » comme si les réalités naturelles n’existaient pas. Quant à l’intérêt de l’enfant, il est passé sous silence. D’autre part il conviendrait d’éduquer les enfants dès le plus jeune âge contre les préjugés.
Zenit : Quelle est la philosophie sous-jacente à cette résolution ?
G. Puppinck : L’affirmation des droits des personnes LBGT s’opère d’une part par la négation des distinctions objectives entre les réalités pourtant différentes que sont un couple hétérosexuel et les relations LGBT, et d’autre part, sur le fondement d’une neutralisation morale de la sexualité, notamment dans sa variante LGBT.
Cette résolution se fonde sur le présupposé de l’extériorité de la sexualité de la sphère de l’agir moral. Or, la sexualité humaine, comme toute activité volontaire possède une dimension morale : elle est une activité mettant en œuvre la volonté individuelle au service d’une finalité ; elle n’est pas une « identité ». En d’autres termes, elle relève de l’agir et non de l’être, même si les tendances homosexuelles peuvent avoir des racines profondes dans la personnalité. Nier la dimension morale de la sexualité revient à nier la liberté de l’homme en la matière et porte atteinte ultimement à sa dignité ontologique.
Les conséquences de ce présupposé apparaissent tout au long du texte soumis à l’examen et au vote de l’Assemblée. Ainsi, en est-il par exemple du fait d’assimiler le comportement sexuel à des critères tels que la race, l’âge ou le sexe, alors que ces derniers critères sont communément admis en raison même de leur objectivité ; il relèvent de « l’être » et non de l’agir. Plus généralement, la conséquence majeure – et l’objectif sans doute – de l’extériorisation de la sexualité de la sphère de l’agir moral est d’interdire la possibilité même d’une appréciation morale du comportement. Par suite, la justification morale d’une différence de traitement – d’une discrimination – est rendue impossible : les différents types de comportements sexuels sont présentés in abstracto comme neutres et équivalents entre eux. Il devient même impossible voire interdit d’exprimer une opinion sur cette question. En revanche, l’approche classique et proprement juridique du concept de discrimination repose sur l’appréciation in concreto des circonstances justifiant, ou non, une différence de traitement.
Il est ainsi porté atteinte au droit d’avoir une opinion personnelle sur un type de comportement déterminé, et d’agir en conséquence dans sa propre sphère.
S’interdire de penser moralement la différence entre les réalités distinctes que sont un couple hétérosexuel et les relations LGBT condamne à adopter une approche indifférentiste incapable de répondre aux revendications idéalistes de prétendus « droits », tels que le droit au mariage, à l’adoption ou à la procréation médicalement assistée.
C’est pourquoi il est impératif de préserver les libertés juridiques de conscience et de religion, de pensée et de parole.
Zenit : Quelle est l’action du European Centre for Law and Justice (ECLJ) sur ce sujet ?
G. Puppinck : En tant qu’Organisation Non Gouvernementale spécialisée en droit international et européen des droits de l’homme, l’ECLJ a rédigé un mémoire très approfondi détaillant, sur la base d’une analyse purement juridique, les éléments de cette résolution qui mériteraient d’être corrigés. Ce mémoire est disponible, en anglais, sur le site de l’ECLJ.
Nous avons préparé ce mémoire à la demande d’un groupe de députés actifs conduit notamment par le très dynamique député italien Luca Volontè.
Jusqu’à présent, l’Assemblée Parlementaire a agi dans une relative indifférence sur des sujets pourtant très sensibles alors que ses recommandations ont une réelle influence, notamment sur la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Il est donc important de suivre de près ses travaux. Depuis quelques années, d’autres ONG mènent une activité de lobbying directe et classique, notamment en invitant à écrire aux députés. Cela fonctionne très bien. Les coordonnés des députés sont sur le site de l’Assemblée parlementaire.
Zenit : Qu’en est-il de l’autre texte, sur la démographie, qui sera voté cette semaine ?
G. Puppinck : Il s’agit d’une résolution intitulée « Quinze ans après le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement », c’est-à-dire sur la « Conférence du Caire ». Elle sera discutée vendredi 29 janvier.
L’ECLJ a fait part de son inquiétude quant à la promotion de l’avortement comme moyen de contrôle démographique et de planning familial. Lors de la négociation du Programme d’action du Caire, les États membres des Nations Unies ont explicitement exclu l’avortement des moyens de régulation des naissances, de même a été exclue l’affirmation d’un hypothétique « droit » fondamental à l’avortement. Enfin, l’ensemble du rapport se fonde sur une idéologie néo-malthusianiste en ce qu’il insiste sur la nécessité particulière de limiter les naissances dans les pays pauvres.
Pour cette résolution également, l’ECLJ a réalisé une étude de fond, disponible celle-ci en français et en anglais également sur internet. Cette intervention a provoqué un premier report de l’examen du texte, prévu initialement lors de la dernière session.
Dans cette analyse, nous insistons notamment sur le fait que promouvoir l’avortement viole les valeurs fondamentales sur lesquelles est construit le Conseil de l’Europe. Cette promotion va à l’encontre de la protection de la vie humaine et de la dignité, ainsi que du respect de la souveraineté nationale. Le Programme d’action du Caire n’a pas créé de « droit » à l’avortement et a laissé aux États membres le soin de décider du degré de protection dont bénéficie l’enfant à naître dans leur pays. Le programme d’action précise que la mise en œuvre de ses recommandations « est un droit souverain que chaque pays exerce de manière compatible avec ses lois nationales et ses priorités en matière de développement, en respectant pleinement les diverses religions, les valeurs éthiques et les origines culturelles de son peuple, et en se conformant aux principes des droits de l’homme universellement reconnus ».
* Le Centre Européen pour la Justice et les Droits de l’Homme (« ECLJ ») est une organisation non gouvernementale internationale fondée en 1998 à Strasbourg ayant pour objet la protection les droits de l’Homme et la liberté religieuse en Europe. Les juristes de l’ECLJ sont intervenus dans de nombreuses affaires portées notamment devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. L’ECLJ bénéficie du Statut Consultatif Spécial auprès des Nations-Unies (ONU) et est accrédité auprès du Parlement européen.