ROME, Mercredi 3 novembre 2010 (ZENIT.org) – Le cardinal de Barcelone, Lluís Martínez Sistach, qui accueillera le pape le 7 novembre prochain, explique dans cet entretien à Zenit ce qui, dans la Sagrada Familia, a attiré Benoît XVI : « La richesse symbolique biblique, liturgique et catéchétique que Antoni Gaudi a conférée à son projet », ainsi que la vie exemplaire de cet « architecte de Dieu ».
Le cardinal et archevêque de Barcelone explique le type de fruits qu’il attend de cet évènement, et il souligne l’originalité particulière pour la ville de Barcelone de ce nouveau temple, que le pape va consacrer comme basilique devant plusieurs milliers d’Espagnols, dans moins d’une semaine.
Q – Une visite papale crée toujours des attentes et laisse des traces. Vous souhaitez qu’elle laisse de « nombreux fruits spirituels ». Espérez-vous un essor des vocations, un nouvel élan d’évangélisation, une plus grande implication des catholiques dans la vie publique ?
Cardinal Martínez Sistach : Je pense que oui. Habituellement, les visites du pape dans les pays qu’il visite portent du fruit. Le pape a le souci de l’Eglise universelle et il nous renforcera dans cette catholicité, avec un dynamisme évangélisateur et missionnaire. Mon souhait est que, grâce à la présence du pape et à son message, nous puissions découvrir que c’est Dieu qui nous a donné la vie et qu’Il nous l’a confiée pour réaliser la vocation que chacun d’entre nous a reçue de Lui.
J’aimerais qu’augmentent les vocations au mariage chrétien, au sacerdoce, à la vie consacrée et à la mission. Le pape réaffirme la vocation propre des laïcs chrétiens, qui consiste dans leur engagement dans la vie publique. Ici et d’une façon générale dans le monde entier, nous avons besoin de cette présence pour semer dans les réalités du monde les valeurs de l’Evangile. Nous attendons de cette visite apostolique de nombreux fruits spirituels et pastoraux.
Q – Selon vous, qu’est-ce qui, dans cette consécration à la Sainte Famille, va attirer le plus Benoît XVI ?
Outre la beauté de l’église de la Sagrada Familia Benoît XVI a saisi le concept théologique de l’église de Antoni Gaudí, qui s’accorde avec celui du Saint-Père. Cet architecte génial s’est inspiré du prophète Ezéchiel – au chapitre 47 – et du livre de l’Apocalypse, au chapitre 22, concevant la Sagrada Familia, comme la Jérusalem céleste, la Cité nouvelle et sainte qui descend du ciel. Le pape a été attiré par la richesse du symbolisme biblique, liturgique et catéchétique que Gaudi a communiquée à son projet. Et aussi, par la vie de chrétien exemplaire de cet « architecte de Dieu » – comme il se considérait lui-même – dont la cause de canonisation est en cours, avec la Congrégation romaine pour la cause des saints.
Q – La Catalogne se dépense-t-elle beaucoup dans les préparatifs, ou attendriez-vous une implication plus grande ?
La Catalogne se donne beaucoup de mal dans les préparatifs. Cette église de Gaudi est profondément enracinée dans les cœurs des habitants de Barcelone, mais aussi des Catalans. Tous les diocèses catalans, aussi bien que du reste de l’Espagne viendront pour la célébration du 7 novembre. Nous avons distribué plus de cent mille exemplaires de sept catéchèses de préparation à la visite apostolique de Benoît XVI : trois sur le service ecclésial de Pierre et de ses successeurs, deux sur Antoni Gaudí et deux sur la symbolique du temple et le sens de sa consécration à Dieu.
Gaudí attire des foules de touristes. Peut-il également entraîner des conversions?
Gaudí attire les foules. Chaque année, ce sont environ trois millions de personnes qui visitent l’intérieur de l’église, et quatre millions qui contemplent l’extérieur.
Pourquoi viennent-ils. Parce qu’ils Ils sont attirés par l’harmonie, la beauté, les symboles. Je pense que cette église évangélise. Gaudí voulait que toutes ses constructions conduisent les gens à Dieu. Je pense qu’il a plus que réalisé son objectif avec le temple de la Sagrada Familia. Il y a eu des conversions, et nous les connaissons.
La construction du temple a converti de plus en plus l’architecte lui-même, au point qu’il s’est consacré totalement à cette œuvre, renonçant à des propositions de nouvelles constructions à Paris et à New York.
Un autre exemple est celui du sculpteur japonais Etsuro Soto qui, en travaillant pour le temple, a reçu le don de la foi pour lui et sa femme. Il y a d’autres exemples de conversion que nous ignorons, mais elles ont certainement eu lieu, parce que la visite de l’édifice aide à méditer sur la création et le salut comme œuvres de Dieu.
Comme l’a dit Benoît XVI aux artistes réunis en novembre de l’année dernière dans la Chapelle Sixtine, la beauté est un chemin vers le transcendant, vers le mystère ultime, vers Dieu. Le pape veut exprimer et renouveler l’amitié de l’Eglise pour le monde de l’art, une amitié renforcée puisque le christianisme a compris depuis toujours la valeur des arts et utilisé ses langages multiples pour communiquer son message immuable de salut.
La Sagrada Familia est un nouveau temple. Barcelone a déjà sa cathédrale, son temple expiatoire (Tibidabo) et d’autres églises. Quelle est sa particularité?
Sa particularité consiste en son originalité. Projeté 1883, ce temple est à part, nouveau, ne répète aucun style ancien. Mais sa particularité principale réside dans sa richesse symbolique, fruit de la connaissance de Gaudi et de son admiration de la liturgie : il avait sur sa table de chevet le livre L’Année liturgique, de Dom Prosper Guéranger, père abbé de Solesmes. Tous les contenus liturgiques, bibliques et catéchétiques sont pensés.
Ce temple que le Saint-Père consacrera comme basilique, le 7 novembre prochain, a la particularité d’être visité, chaque année, par des millions de personnes de tous les continents. Croyants et incroyants. Comme une »cour des Gentils » pour de nombreuses personnes qui ne sont pas encore dans l’Eglise, mais que la symbolique de ce magnifique temple fait réfléchir.
Propos recueillis par Miriam Díez i Bosch