ROME, Jeudi 2 décembre 2010 (ZENIT.org) – L’influence du cardinal Joseph Ratzinger dans la révision du système pénal catholique est mis en évidence par une étude de Mgr Juan Ignacio Arrieta, secrétaire du Conseil pontifical pour les textes législatifs.
L’Osservatore Romano en italien du 2 décembre a publié en partie cette étude de la revue jésuite « Civiltà Cattolica » du 4 décembre.
Mgr Arrieta montre en quoi le cardinal Ratzinger, à l’époque où il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, « a eu un rôle fondamental dans le renouvellement de la discipline pénale dans l’Eglise, pour la rendre plus rapide et plus efficace notamment pour faire face aux cas de prêtres qui se seraient rendus coupables de comportements graves et scandaleux », résume Radio Vatican qui publie le document en français dans son intégralité à cette adresse en ligne : http://www.radiovaticana.org/fr1/Articolo.asp?c=443757
Un rôle déterminant
Mgr Arrieta indique le motif de cette étude : « Je tenais surtout à présent à souligner le rôle déterminant joué, dans ce processus, datant de plus de 20 ans, de rénovation de la discipline pénale, par l’action décisive de l’actuel Pontife, au point de constituer véritablement – avec beaucoup d’autres initiatives concrètes – une des « constantes » qui a caractérisé l’action de Joseph Ratzinger ».
Il est notoire que le cardinal Ratzinger a en effet voulu rendre les procédures plus rapides et plus efficaces pour gérer les cas de prêtres qui se seraient rendu coupables de comportements graves et scandaleux.
Mais la documentation inédite présentée par Mgr Arrieta témoigne concrètement de cette action décisive. Il s’agit d’un échange de lettres de 1988 entre le cardinal Ratzinger et celui qui présidait alors la Commission pontificale pour l’interprétation authentique du nouveau Code de Droit canon de 1983, le cardinal Castillo Lara.
Mgr Arrieta expose les raisons qui ont empêché que les demandes du cardinal Ratzinger aboutissent. Mais déjà, on constate la ligne d’action dont il n’a pas dévié jusqu’à ce que Jean-Paul II confie à la Doctrine de la Foi la gestion des « délits les plus graves » en 2001, et donc les délits d’abus sexuels sur mineurs dont se seraient rendu coupables des membres du clergé ou de religieux, ce qui conduisit à la promulgation en 2001 – et à la mise à jour en 2010 – des normes relatives à ces délits.
Mgr Arrieta signale une autre initiative moins connue du cardinal Ratzinger en tant que rapporteur à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, en 1997, à la demande de Jean-Paul II, de « facultés spéciales » pour que ce dicastère intervienne plus rapidement dans des situations pénales déterminées.
Révision du Droit canon de 1983
Mgr Arrieta annonce également que « dans les prochaines semaines, le Conseil pontifical pour les textes législatifs enverra à ses membres et à ses consulteurs un projet contenant quelques propositions pour la réforme du Livre VI du Code de Droit canonique, qui est la base du système pénal de l’Église ».
C’est le résultat du travail d’une Commission d’experts pénalistes, pendant presque deux ans, pour la révision du Code de 1983 (qui remplaçait celui de 1917), « à la lumière des nécessités apparues au cours des années qui ont suivi ».
« Le but, explique-t-il, est de conserver la structure générale et la numération successive des canons, mais aussi, en même temps, de modifier de manière décisive quelques choix de l’époque qui se sont révélés par la suite moins appropriés ».
Cette révision a été demandée par Benoît XVI au Conseil pontifical le 28 septembre 2007, à Castel Gandolfo.
Procédures plus rapides et plus efficaces
A propos de la lettre du cardinal Ratzinger en date du 19 février 1988 au président de ce qui était alors la Commission pour l’interprétation authentique du Code de Droit Canonique, Mgr Arrieta y voit un « document important et unique, où sont dénoncées les conséquences négatives que commençaient à produire dans l’Église certaines options du système pénal établi à peine cinq ans plus tôt ».
Il rappelle que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, était, à cette époque, compétente « pour étudier les demandes de dispense des obligations sacerdotales liées à l’ordination ». Or, cette dispense « était accordée comme un geste maternel de grâce de la part de l’Église, après avoir, d’une part, examiné attentivement l’ensemble de toutes les circonstances concomitantes dans chaque cas, et, d’autre part, pesé la gravité objective des engagements pris devant Dieu et devant l’Église au moment de l’ordination sacerdotale ». L’auteur rappelle que « les circonstances qui motivaient certaines demandes de dispense de ces obligations, toutefois, ne méritaient absolument pas des actes de grâce » : la lettre est éloquente à ce sujet.
Le cardinal Ratzinger écrit : « Éminence, ce Dicastère, dans l’examen des demandes de dispense des obligations sacerdotales, est confronté au cas de prêtres qui, durant l’exercice de leur ministère, se sont rendus coupables de comportements graves et scandaleux, pour lesquels le CIC, après la procédure de rigueur, prévoit que soient infligées des peines déterminées, sans exclure la réduction à l’état laïc.
Ces mesures, de l’avis de ce Dicastère, devraient, dans de tels cas, pour le bien des fidèles, précéder l’éventuelle concession de la dispense sacerdotale qui, de par sa nature, apparaît comme une « grâce » accordée à celui qui la demande. Mais, compte tenu de la complexité de la procédure prévue à ce sujet par le Code, il est à prévoir que certains Ordinaires trouvent de grandes difficultés à la mettre en œuvre. » Il demande donc « une procédure plus rapide et simplifiée ».
Mgr Arrieta fait observer que la lettre manifeste qu’alors « la responsabilité juridique en matière pénale retombe sur les Ordinaires ou sur les Supérieurs religieux », et non sur la Doctrine de la foi.
Punir les crimes « abominables »
Mgr Arrieta fait ensuite état de deux « importantes interventions postérieures ».
« La première initiative, désormais assez connue, concerne la préparation, durant la dernière période des années 90, des Normes sur ce qu’on appelle les « delicta graviora », qui ont permis de rendre effectif l’art. 52 de la Constitution apostolique « Pastor Bonus », en indiquant concrètement quels délits contre la morale et quels délits commis dans la célébration des sacrements devaient être considérés « particulièrement graves », et donc de la juridiction exclusive de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ». Des normes promulguées en 2001.
En outre, ajoute Mgr Arrieta, « au cours des années qui suivirent 2001, et sur la base de l’expérience juridique qui naissait, le Préfet de la Congrégation de l’époque obtint du Saint-Père de nouvelles facultés et dispenses pour faire face aux diverses situations, aboutissant même à la définition de nouveaux « cas d’espèce » pénaux » et « dans certains cas particulièrement graves, la Congrégation n’hésita pas à solliciter du Souverain Pontife le décret de démission ex officio de l’état clérical à l’égard des clercs qui avaient commis des crimes abominables ».
Il précise que « ces adaptations successives sont réunies maintenant dans les Normes sur les delicta graviora publiées par la Congrégation au mois de juillet » 2010.
Facultés spéciales pour intervenir plus vite</b>
La deuxième initiative est, fait observer Mgr Arrieta, « beaucoup
moins connue, qui souligne qu’elle « a certainement contribué à modifier le panorama de l’application du Droit pénal dans l’Église » : « Il s’agit de son intervention, en tant que Membre de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, dans la préparation des facultés spéciales concédées à cette Congrégation ».
Il fait valoir qu’à cause « du manque de moyens en tous genres, les obstacles pour mettre en œuvre le système pénal du Code se présentèrent de manière particulière dans les circonscriptions missionnaires, qui dépendent de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples et qui, grosso modo, représentent presque la moitié du monde catholique ».
A l’Assemblée plénière de février 1997, cette Congrégation décida de demander à Jean-Paul II des « facultés spéciales » pour lui permettre d’intervenir, « par voie administrative », dans des situations pénales précises : « Ces « facultés » ont été mises à jour et élargies en 2008, et d’autres, de nature analogue, même si spécifiques à cause de leurs nécessités particulières, ont été concédées par la suite à la Congrégation pour le Clergé ».
Anita S. Bourdin