ROME, Mardi 8 février 2011 (ZENIT.org) – « En Indonésie, des musulmans attaquent trois églises et un orphélinat chrétien. Pour l’évêque de Semarang, l’intolérance grandit : c’est le titre par lequel Radio Vatican dénonce aujourd’hui en italien ces violences contre les chrétiens en Indonésie. A ce propos, Eglise d’Asie, l’agence des Missions étrangères de Paris publie ce soir une information complète dans cette dépêche que nous reproduisons in extenso.
« A Java-Centre, des islamistes brûlent des églises chrétiennes en réclamant la peine de mort pour un chrétien accusé de blasphème », titreEglises d’Asie.
Alors que les condamnations des attaques de dimanche dernier contre les Ahmadis se multiplient, de nouvelles attaques se sont produites, cette fois contre les chrétiens, dans la province de Java-Centre.
Mardi 8 février, une foule d’extrémistes musulmans en colère a attaqué trois églises chrétiennes, un orphelinat ainsi qu’un centre de soins tenus par des chrétiens à la suite d’une décision de justice rendue le matin-même par le tribunal de Temanggung, localité de Java-Centre. Il s’agit d’un bilan non exhaustif, les nouvelles parvenant depuis Java faisant état d’une situation qui n’est pas encore revenue au calme.
Les violences qui se sont produites à Temanggung n’ont pu être stoppées par l’intervention de la police, qui a été la cible elle aussi des manifestants, malgré le renfort de l’armée. Le nombre des blessés et des personnes arrêtées pendant cette journée d’émeute n’est pas encore connu.
A l’origine de ce déchaînement de violence, se trouve la condamnation, jugée trop clémente par les islamistes, d’un chrétien accusé de prosélytisme et de blasphème, Antonius Richmond Bawengan, 58 ans, originaire de Célèbes-Nord, province à majorité chrétienne. Richmond Bawengan avait été arrêté en octobre 2010 pour avoir distribué des brochures chrétiennes qui auraient tourné en dérision des symboles de l’islam. Ce mardi 8 février, les juges de Temanggung l’ont reconnu coupable de blasphème, le condamnant à cinq ans de prison, la peine maximale pour ce type de délit en Indonésie (1). Toutefois, lorsque le verdict a été connu de la foule massée devant le tribunal, une émeute a immédiatement éclatée, à l’instigation des nombreux mouvements islamistes présents (dont le Front des défenseurs de l’islam, groupe connu pour son activisme, qui a réclamé que la peine de mort soit appliquée).
Selon les médias locaux, le tribunal a été attaqué par les manifestants, qui étaient plus d’un millier ; le bâtiment a été envahi le bâtiment, les vitres brisé, des véhicules incendiés. Les juges ont été molestés, ainsi que le procureur et l’accusé, qui ont pu être soustraits à la fureur de la foule mais on signale qu’au moins l’un d’entre eux a été gravement blessé.
Les émeutiers ont ensuite pris pour cibles les édifices religieux chrétiens de la ville. L’église catholique Saints-Pierre-et-Paul, sur le boulevard Sudirman, a été la première à être attaquée. Le lieu de culte a été caillassé puis saccagé pendant que le P. Sadhana, missionnaire de la Sainte Famille, était violemment frappé par les agresseurs en essayant de protéger le tabernacle de la profanation. La foule s’est ensuite dirigée vers une église pentecôtiste (Pantekosta Church), qui, selon le pasteur Darmanto, président de l’Eglise chrétienne d’Indonésie (Gereja Kristen Indonesia, GKI (2)), a été entièrement brûlée. Impossibles à contenir malgré les efforts de la police, les émeutiers auraient, selon des sources ecclésiastiques locales, également attaqué un orphelinat catholique et un centre de soins des Sœurs de la Providence, ainsi que la maison mère de la congrégation. Les premiers rapports de police font mention de nombreuses voitures, dont des véhicules de la police, incendiées, de bâtiments attaqués et de personnes molestées. Des sources, provenant de l’épiscopat catholique, font mention d’un autre lieu de culte protestant incendié par les islamistes, l’église Bethel Indonesia (rue Soepeno).
Réagissant dès les premières nouvelles de l’émeute, l’archevêque catholique de Semarang, Mgr Johannes Pujasumarta, diffusait un message, transmis à Eglises d’Asie par des sources ecclésiales locales : « Ce mardi 8 février 2011, à 11h10 (heure locale), j’ai été informé par le P. Sadhana, MSF, vicaire de la paroisse de Temanggung, que l’église catholique Saints-Pierre-et-Paul avait été dévastée par une foule déchaînée. (…) Dès qu’il a été au courant de l’événement, le P. F.-X. Krisno Handoyo, vicaire épiscopal de Kedu, s’est immédiatement rendu sur place (…). Il m’informe que le P. Sadhana, en état de choc, a été évacué et mis en sécurité au centre local des forces militaires territoriales. On lui a décrit la situation dans l’église dévastée : le mobilier brisé, les vitres cassées, l’autel, le tabernacle et les statues brisés par la foule en furie. »
Cette journée d’émeute contre la communauté chrétienne se produit deux jours à peine après les attaques de dimanche dernier, toujours à Java (province de Banten, dans la partie occidentale de l’île), d’un millier d’islamistes armés de pierres et de machette, contre la communauté musulmane des Ahmadis, considérés comme hérétiques par le courant majoritaire de l’islam. Sous les yeux de la police, qui ne semble pas être intervenue, le groupe a pénétré dans une maison particulière où se réunissaient une vingtaine d’Ahmadis, dans le village musulman de Cikeusik, tuant trois personnes et blessant gravement six autres. Une vidéo de l’attaque, des scènes de violences et d’humiliations insoutenables, a été diffusée sur Internet provoquant l’indignation et la réaction de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, qui ont condamné unanimement l’attaque.
Lundi 7 février, lors d’une intervention télévisée, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono s’est déclaré « profondément choqué » par cette violence qui s’est déclenchée à la veille de « la semaine pour l’harmonie entre les religions », manifestation officielle qui devait célébrer le pluralisme religieux en Indonésie.
« De cet événement, on peut retenir qu’agir violemment en détruisant le bien d’autrui n’est pas une manière intelligente de résoudre un problème. Puissent une raison saine et une conscience éclairée continuer de nous guider pour une vie en commun bâtie sur une haute moralité. Je demande à tous les camps de se retenir afin de ne pas répondre à la violence par la violence (…) », a encore déclaré Mgr Pujasumarta dans son communiqué du 8 février.
Il y a quelques jours, l’Institut Setara pour la démocratie et la paix, un centre de recherche indépendant, a fait paraître un rapport dénonçant l’augmentation des violences en Indonésie à l’encontre des minorités religieuses (3).
(1) La loi anti-blasphème, promulguée par le président Sukarno en 1965, punit d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq années de prison ceux qui « manifestent des sentiments d’hostilité ou de haine, volontairement et en public, vis-à-vis de la religion, (…), dénigrent la religion (…) ou la déshonorent (…) ainsi que ceux qui enseignent des ‘interprétations déviantes’ ». Progressivement, la loi a été étendue à toutes les religions reconnues officiellement par l’Indonésie : islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme et, plus récemment, confucianisme.
Au sujet de la loi punissant le blasphème en Indonésie, voir ED
A 523
(2) L’Eglise chrétienne d’Indonésie (Gereja Kristen Indonesia) a été formée en 1962 par l’union de trois Eglises protestantes fréquentées principalement par des Sino-Indonésiens, l’Eglise chrétienne de Java-Ouest, l’Eglise chrétienne de Java-Centre et l’Eglise chrétienne de Java-Est, union parachevée en 1988 sous une forme œcuménique.
(3) Voir la dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 3 février 2011.
A l’heure où nous publions cette dépêche, précise « Eglises d’Asie » ce soir, des informations nous parviennent faisant état de la poursuite des violences à Temanggung.