Etats-Unis : défense de la liberté religieuse

« La répression religieuse arrive », déplore Mgr Lori

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Ann Schneible

Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, jeudi 5 juin 2012 (ZENIT.org) – « Prière, catéchèse, éducation et action » : tel est le programme que se donne le Comité pour la liberté religieuse des évêques des Etats-Unis pour impliquer les catholiques dans cette lutte.

« En tant que croyants, en tant que citoyens, en tant que patriotes, nous ne pouvons pas laisser notre pays devenir ce qu’il n’a jamais été destiné à être », déclare l’archevêque de Baltimore, Mgr William E. Lori, président de ce comité qui déplore : « La répression religieuse arrive ».

Invité à inaugurer l’Observatoire de la liberté religieuse à Rome la semaine dernière, le nouvel archevêque de Baltimore a reçu le Pallium des mains de Benoît XVI le 29 juin.

Zenit – Excellence, vous vous êtes adressé à l’Observatoire italien de la liberté religieuse. Quels sont les principaux objectifs de cet observatoire, et de quelle manière pouvez-vous, comme archevêque américain, contribuer à cette initiative internationale ?
Mgr Lori –
Le discours de la semaine dernière était d’abord destiné à remercier la ville de Rome et le gouvernement italien pour l’institution de cet observatoire, qui se penche vraiment sur les problèmes de liberté religieuse, non seulement en Italie, mais plus largement dans le monde entier, en particulier dans les endroits qui connaissent la répression ou la persécution brutale.

Il peut sembler un peu étrange que quelqu’un venu des Etats-Unis, que beaucoup considèrent comme le berceau de l’expérience démocratique moderne, parle des menaces qui pèsent sur la liberté religieuse dans son pays, alors qu’on n’y souffre pas comme dans de nombreux endroits du monde. Mais je pense qu’il est important d’expliquer la nature subtile de l’érosion qui a eu lieu, et maintenant les menaces palpables qui commencent à émerger. Mon rôle est d’être le « crieur public » si vous voulez, de dire : « Regardez : tout peut sembler correct en surface, mais ce n’est pas la réalité ».

La répression est en train d’arriver. La répression religieuse arrive. Et elle vient très visiblement à travers le mandat du Département de la santé et des services sociaux (HHS) qui force les Eglises à agir contre ce qu’elles enseignent en fournissant des produits pharmaceutiques et des interventions chirurgicales qui sont contraires à nos croyances. Mais ce mandat comporte aussi une définition de qui nous sommes et de qui sont les Eglises, qui veut nous reléguer dans les sacristies. Il précise que vous pouvez être dispensé de transgresser votre enseignement si vous ne servez pas le bien commun, si vous vous contentez d’embaucher des gens de chez vous et d’enseigner uniquement votre doctrine. Si vous dirigez des organismes de bienfaisance catholiques, des écoles dans les quartiers défavorisés, ou des hôpitaux, alors vous n’êtes pas assez religieux.

C’est la première fois que ce genre d’incursion de l’État dans la vie intérieure des Eglises, et en particulier dans l’Eglise catholique, se passe au niveau fédéral. C’est déjà arrivé au niveau d’un État, mais maintenant cela se passe au niveau fédéral.

Dès les années 1940, différentes décisions judiciaires et des interprétations de la constitution ont réduit la liberté religieuse. En tant qu’évêques, nous avons laissé s’éroder la liberté religieuse en considérant les menaces au niveau des États. Certaines portaient sur des points comme le service des immigrés, le mariage homosexuel ; par exemple, des diocèses ont dû cesser leurs services de familles d’accueil ou d’adoption, ou encore des personnes n’ont pas pu continuer de gérer leurs entreprises selon les principes chrétiens. Mais maintenant le mandat HHS pourrait compromettre bien plus gravement notre liberté religieuse.

Actuellement, la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis soutient la « Quinzaine de la liberté ». Pourquoi est-il important que les catholiques participent activement à la défense de la liberté religieuse ? Et quel est le rôle de la prière ?
La « Quinzaine de la liberté » a été conçue bien avant que nous ne sachions que se préparait le mandat du Département de la santé et des services sociaux. Dès le début, dès que nous avons organisé notre comité pour la liberté religieuse, qui s’est réuni en novembre dernier, nous avons reconnu qu’il y avait un grand besoin de prière, de catéchèse, d’éducation, et d’action.

Un des évêques a proposé : « Pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose, à un moment approprié de l’année, où toute la communauté catholique et tous nos amis, chrétiens d’autres dénominations et d’autres religions, pourraient se joindre à nous ? » Et nous nous sommes dit : « Pourquoi pas pendant les deux semaines qui se terminent le 4 juillet ? » Nous avons réalisé que, pendant ces deux semaines, nous avions les fêtes de saint John Fisher, de saint Thomas More et des saints Pierre et Paul, et nous avons pensé que ces saints voulaient en quelque sorte remercier tous ceux qui se préoccupaient de leur pays avec patriotisme (c’est du moins ce que nous espérons).

Nous avons décidé que cela devait être avant tout un temps de prière. Tout ce à quoi nous aspirons d’important dans la vie nécessite la prière. La liberté religieuse ne fait pas exception : si nous voulons la défendre, si nous voulons l’encourager, la protéger, nous devons prier pour cela. Comme lorsque vous voulez davantage de vocations au sacerdoce et à la vie religieuse : vous vous mettez à genoux et vous priez.

Nous avons pensé que ce serait merveilleux de jumeler des événements nationaux, deux messes, en particulier, si nous voulions faire prier les paroisses. Il suffisait d’insérer une intention dans la prière d’intercession du dimanche, d’accueillir des temps particuliers de prière, de demander aux familles de prier, de distribuer à chacun des prières sur des petites cartes pour que l’on puisse prier en train en allant au travail, ou pendant la pause-café.

La prière est primordiale. Jésus a dit : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire ».

Ensuite, l’éducation. Il peut être décourageant de parler aux gens et de découvrir le peu qu’ils savent sur notre patrimoine en tant qu’Américains. Les évêques ne sont pas des professeurs d’histoire, mais nous sommes des citoyens, et nous croyons que c’est une bonne chose de connaître l’histoire de notre fondation, nos documents fondateurs, l’intention de nos fondateurs et la noblesse de l’expérience américaine. Sur le plan philosophique, ce n’est pas exactement identique à ce que l’Église enseigne sur la liberté religieuse, mais il y a de vastes domaines qui se rejoignent.

Et cela nous amène au troisième point, qui est la catéchèse. Il s’agit vraiment d’aider les gens à comprendre la doctrine sociale de l’Eglise dans le contexte de tout ce que l’Église croit et enseigne. Ce n’est pas à part : cela fait partie d’un tout. Il faut en particulier, relire Dignitatis humanae, le décret sur la liberté religieuse du Concile Vatican II, en reconnaissant que, dans un certain sens, c’était une contribution américaine au Concile, et cela exprime très bien les plus nobles aspects de notre expérience américaine et démocratique.

Une fois que les gens comprendront ce qu’est la liberté religieuse, une fois qu’ils comprendront combien c’est fragile, ils commenceront à prier pour cela ; puis ils vont se pencher sur les menaces spécifiques et ils se diront : « Nous ne pouvons pas permettre cela ». En tant que croyants, en tant que citoyens, en tant que patriotes, nous ne pouvons pas laisser notre pays devenir ce qu’il n’a jamais été destiné à être.

Nous essayons d’att
irer l’attention de nos élus et des candidats, et de dire, en tant que communauté religieuse – catholiques, évangéliques, protestants, juifs et musulmans : « Nous surveillons. C’est important pour nous. Vous avez une responsabilité envers nous. Vous avez la responsabilité de défendre la nature de la liberté religieuse, qui est un don de Dieu, et tout ce qui est écrit dans les documents fondateurs sur l’engagement de notre pays à la protéger ».

(à suivre)

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ZENIT Staff

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