Carlo Casini, président et fondateur du Mouvement italien pour la vie (MpV) , commente le succès de l’initiative citoyenne « Un de Nous », la restriction de l’avortement en Espagne et l’opposition populaire en France.
En Europe, les clairs-obscurs d’une question comme la protection de la vie sont évidents. Si d’un côté des pays comme la France étendent le droit à l’avortement, d’autres, comme l’Espagne, s’emploient à le limiter.
En même temps, le succès d’initiatives comme « Un de Nous » – pour la reconnaissance des droits des embryons et leur non destruction à des fins de recherche scientifique – nous rappelle que le « peuple de la vie » n’est absolument pas endormi.
A la veille de la prochaine Journée italienne pour la vie, ZENIT a affronté ces questions avec Carlo Casini, député européen.
Zenit – Monsieur le député, nous sommes, en Italie à la veille de la Journée pour la vie : quelles initiatives le Mouvement pour la vie a-t-il prévues pour cet événement ?
Carlo Casini – La Journée pour la Vie n’est pas une initiative du Mouvement pour la Vie, mais un événement ecclésial qui implique toutes les institutions religieuses et laïques italiennes. Elle a été instituée en 1978, à l’époque de l’approbation de la loi 194 et son but est de s’opposer à cette loi et de sauvegarder l’objection de conscience.
Le Mouvement pour la vie, pour sa part, sera présent surtout dans les paroisses, pour distribuer des primevères – symboles de la vie naissante – et des copies de notre organe de presse Sì alla Vita et promouvoir le projet Gemma. Nous irons également dans les hôpitaux pour saluer les femmes qui viennent d’accoucher ou doivent accoucher. Il y aura aussi une exposition sur le prof. Jérôme Lejeune, l’homme qui a découvert le gêne du syndrome de Down et pour lequel est en cours la cause de béatification. Celle-ci tournera ensuite l’Italie, les dimanches suivants,. Au niveau local, sont prévues de nombreuses marches. Dimanche 2 février, les représentants du MpV et tous les participants à la Journée pour la vie seront sur la place Saint-Pierre pour l’angélus du pape.
La collecte de signatures pour Un de Nous a largement dépassé toutes les prévisions. Quels seront les prochains pas ?
Le 11 décembre dernier nous avons remis les 1.896.000 signatures aux autorités compétentes des 28 pays. La loi européenne établit que d’ici trois mois, chaque Etat doit vérifier la validité des signatures: donc le 11 février nous connaîtrons le résultat définitif. Jusqu’ici les trois pays à avoir répondu à cette demande, ont relevé 90% de signatures valables.
Après le 11 février, les organisateurs de Un de Nous auront une rencontre d’abord avec la Commission européenne puis avec les commissions compétentes du parlement européen, pour expliquer le sens de cette initiative.
Après quoi, la commission européenne devra décider ce qu’elle doit faire: je suis convaincu qu’elle ne pourra rester les mains dans les poches parce qu’il s’agit d’une initiative citoyenne et il me paraît impossible qu’à l’approche des élections européennes, une initiative née pour montrer que les citoyens comptent en Europe – donc qu’il y une démocratie – ne soit pas prise en considération. A un moment où la confiance envers les institutions européennes est haute, un geste de ce genre serait un suicide.
Le plus logique serait que la commission européenne adopte une ou plusieurs lois qui tiennent compte de ce changement et interdisent tout financement à la destruction des embryons humains.
Après cela nous lancerons la souscription de trois déclarations venant de trois catégories: 1) les médecins, qui affirmeront que, scientifiquement, l’embryon est déjà un être humain; 2) les juristes, qui demanderont que le principe d’égalité s’applique aussi à l’enfant à naître; 3) les politiques, à partir du moment où le principe de chaque action politique est un service au bien commun.
Tous les comités nationaux ont déjà décidé de constituer une fédération européenne des mouvements pour la vie qui s’appellera donc Un de Nous: cet autre résultat aussi n’est pas secondaire.
Que pensez-vous du projet de loi pour la restriction de l’avortement en Espagne ?
La première loi espagnole sur l’avortement de 1985, qui prévoyait cette possibilité dans les cas limites (viol, malformation du fœtus, danger pour la santé de la mère), avait maintenu le nombre des interruptions de grossesse à un niveau assez bas, autour des 40.000 par an. Avec les réformes, plus permissives, les années suivantes – en particulier la loi de Zapatero de 2010, qui garantissait le libre choix de la mère – les avortements sont montés à 110.000 par an.
La nouvelle loi proposée par le ministre de la justice, Alberto Ruiz-Gallardon, a été critiquée par les féministes mais aussi par tant d’anti avortements qui la juge encore trop faible. Personnellement, je trouve qu’on peut l’améliorer, en insérant, par exemple, comme dans notre Loi 40, une clause qui protège l’embryon comme sujet de droit.
Toutefois, toute nouveauté qui réduit le mal est positive. L’approbation de cette loi est le symptôme d’un réveil des consciences en Europe, il faut donc soutenir ce changement. Au contraire affirmer la liberté absolue de la femme c’est faire passer le concept que l’embryon est une « chose ».
En France, au contraire, on veut garantir le droit à l’avortement, mais aussi sanctionner – voire pénalement – qui se bat pour l’empêcher …
Un fait comme celui-ci montre encore une fois que la politique est importante. On a tendance à laisser cette question en dehors de la sphère politique, à dire que les vrais problèmes sont ailleurs : le chômage, une économie qui ne se développe pas, etc. Toutes ces questions ont justes mais la défense de la vie est une question non moins politique et vraiment pas « périphérique ». Quand il y a une guerre, il y a des morts: la première chose à faire est de la stopper et d’éviter ces morts. Même chose lorsqu’arrivent les grosses barques d’immigrés de l’autre côté de la Méditerranée : éviter qu’il y a ait des naufrages et des morts. Donc, quand on dit que l’enfant à naître est un de nous et constatons que chaque année dans le monde il y a aujourd’hui des millions de victimes innocentes, la politique devrait avoir voix au chapitre.
Je lance un cri d’alarme aussi pour l’Italie : faites attention à comment vous votez et à quel parti vous choisissez. Si vous aimez la vie, vous ne pouvez pas envoyer des personnes qui sont contre la vie.
Quant à la France, il faudra entreprendre une série d’actions d’ « éclairage » et de résistance et il me semble qu’à ce sujet, il y a déjà des signes positifs en ce sens: il y a déjà une présence du peuple qui résiste contre la loi Taubira sur le mariage homosexuel, la Manif Pour Tous a rempli les places comme on avait jamais vu ça auparavant.
Et ce qui concerne aussi le droit à la vie, la traditionnelle Marche pour la vie a rassemblé cette année plus de 40.000 personnes à Paris: cela veut dire qu’il y a un réveil des consciences. Du mal peut naître aussi le bien. J’espère qu’en France aussi – qui paraissait dormir sur ces questions-là – il y a un réveil et que l’on arrive à empêcher que dans ce pays l’avortement soit considéré comme un droit.