Le Saint-Père rencontre les membres de l’Académie pontificale pour la vie © Vatican Media

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Comment comprendre ce qui qualifie l’être humain ?

Audience aux membres de l’Académie pontificale pour la vie (texte intégral)

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Lundi 12 février 2024, le Saint-Père a reçu en audience les membres de l’Académie pontificale pour la vie, à l’occasion de l’Assemblée générale qui s’est tenue à Rome, au Centre de conférences Augustinianum, du 12 au 14 février 2024, sur le thème « Signification et défis de l’être humain ». Nous publions ci-dessous le discours dans son intégralité, que le pape a adressé aux personnes présentes lors de cette rencontre.

Mesdames et Messieurs,

Je salue S.E. Mgr Paglia, vos Excellences, Son Eminence et le nouvel Archevêque de Santiago du Chili et je vous remercie pour votre engagement dans le domaine de la recherche sur les sciences de la vie, de la santé et des soins ; un engagement que l’Académie pontificale pour la vie poursuit depuis trente ans.

La question que vous abordez lors de cette Assemblée générale est de la plus haute importance : c’est comment comprendre ce qui qualifie l’être humain.

C’est une question ancienne et toujours nouvelle, que les étonnantes ressources offertes par les nouvelles technologies proposent à nouveau sous une forme encore plus complexe. La contribution des savants nous a toujours dit qu’il n’est pas possible d’être a priori « pour » ou « contre » les machines et les technologies, car cette alternative, qui se réfère à l’expérience humaine, n’aurait aucun sens. Et aujourd’hui encore, il n’est pas plausible de recourir uniquement à la distinction entre processus naturels et processus artificiels, en considérant les premiers comme authentiquement humains et les seconds comme étrangers, voire même contraires à l’expérience humaine : c’est une erreur. Il faut plutôt inscrire les connaissances scientifiques et technologiques dans un horizon de signification large, en évitant ainsi l’hégémonie technocratique (cf. Lettre encyclique Laudato si’, 108).

Considérons, par exemple, la tentative de reproduire l’être humain avec les moyens et la logique de la technologie. Une telle approche implique la réduction de l’être humain à un agrégat de performances reproductibles à partir d’un langage numérique, qui prétend exprimer, à travers des codes numériques tout type d’information. L’étroite consonance avec le récit biblique de la tour de Babel (cf. Gn 11,1-11) montre que le désir d’une langue unique est inscrit dans l’histoire de l’humanité ; et l’intervention de Dieu, trop rapidement comprise comme une punition destructrice, contient au contraire une bénédiction intentionnelle. Elle manifeste en effet une tentative de corriger la dérive vers une « pensée unique » à travers la multiplicité des langues. Les êtres humains sont ainsi confrontés à leurs limites et à leur vulnérabilité et sont ainsi appelés à respecter l’altérité et à prendre soin les uns des autres.

Certes, les capacités croissantes de la science et de la technologie conduisent les êtres humains à se sentir protagonistes d’un acte créateur proche de l’acte divin, produisant l’image et la ressemblance de la vie humaine, y compris la capacité de langage dont les « machines parlantes » semblent être dotées. L’homme aurait-il donc le pouvoir d’insuffler de l’esprit à la matière inanimée ? La tentation est insidieuse. Il nous est donc demandé de discerner comment la créativité de l’homme confié à lui-même peut être exercée de manière responsable. Il s’agit de déployer les talents reçus en évitant que l’humain ne soit défiguré et que les différences constitutives qui ordonnent le cosmos ne s’annulent (cf. Gn 1-3).

Le débat se situe donc au niveau anthropologique et requiert le développement d’une culture qui, en intégrant les ressources de la science et de la technologie, puisse répondre aux besoins de l’humanité ; une culture qui soit capable de reconnaître et de promouvoir l’humain dans sa spécificité irremplaçable, unique. Il faut même se demander si cette spécificité ne devrait pas être placée en amont du langage, dans la sphère des sensations physiques et de l’émotion, du désir et de l’intentionnalité, que seul l’être humain peut exprimer, reconnaître, apprécier et convertir en relations orientées pour le bien des autres, aidé par la grâce du Créateur. Il s’agit donc d’une tâche culturelle, parce que la culture façonne et dirige les forces spontanées de la vie et des pratiques sociales.

Chers amis, tout comme le sujet que vous abordez est un défi stimulant, les deux manières dont vous comptez le faire le sont également. D’abord, parce que je vois en vous l’effort de mettre en œuvre un dialogue efficace, un échange transdisciplinaire sous cette forme que Veritatis gaudium décrit comme « plaçant et faisant fermenter toute connaissance dans l’espace de Lumière et de Vie offert par la Sagesse qui émane de la Révélation de Dieu » (n° 4c). J’apprécie que votre réflexion s’inscrive dans la logique d’un véritable « laboratoire culturel » dans lequel l’Église exerce l’interprétation au plus juste de la réalité qui découle de l’événement de Jésus-Christ et se nourrit des dons de Sagesse et de Science dont l’Esprit Saint enrichit […] le Peuple de Dieu (ibid., 3).

C’est pourquoi j’encourage cette forme de dialogue, qui permettra à chacun d’exprimer ses propres réflexions en interagissant avec les autres dans un échange et un enrichissement réciproque. C’est ainsi que l’on peut aller au-delà de la juxtaposition des savoirs, en initiant une réélaboration des connaissances à travers l’écoute mutuelle et la réflexion critique.

Il s’agit là d’une manière synodale de procéder, bien adaptée pour aborder les thèmes qui sont au cœur de la mission de l’Académie. Il s’agit d’un type de recherche exigeant, parce qu’il implique attention et liberté d’esprit, ouverture afin d’emprunter des voies inexplorées et inconnues, affranchissement d’un traditionalisme stérile.  Pour qui s’engage dans un renouvellement sérieux et évangélique de la pensée, il est indispensable de mettre aussi en question des opinions acquises et des hypothèses non examinées de manière critique.

Dans cette lignée, le christianisme a apporté des contributions significatives, en tirant de chaque culture dans laquelle il s’est inséré les traditions de sens qu’il y a trouvées inscrites : en les réinterprétant à la lumière de la relation avec le Seigneur révélée dans l’Évangile, des ressources linguistiques et conceptuelles présentes pour chaque contexte singulier. Un long parcours d’élaboration, toujours à reprendre, qui exige une pensée capable d’englober plusieurs générations : comme celle de celui qui plante des arbres dont les fruits seront mangés par ses enfants ou celui qui construit des cathédrales qui seront achevées par ses petits-enfants.

C’est cette attitude ouverte et responsable, docile à l’Esprit dont, comme le vent, « vous ne savez ni d’où il vient ni où il va » (Jn 3,8), que je désire invoquer du Seigneur pour vous tous, en vous souhaitant un travail salutaire et fécond.  Je vous bénis de tout cœur. Et je vous demande de prier pour moi. Je vous remercie.

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Rédaction

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