Saint Louis et le dialogue interreligieux: un jubilé à Versailles

Par Mgr Eric Aumonier

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Mgr Eric Aumonier, évêque de Versailles, évoque le Jubilé de Saint-Louis qui vient de s’achever et l’actualité du message du saint roi de France pour aujourd’hui, notamment pour ce qui est du dialogue interreligieux et pour l’engagement des chrétiens au service de l’Etat et du bien commun des nations.

Zenit – Monseigneur Aumonier, tout au long de l’année 2014, les catholiques des Yvelines ont célébré le 800 ème anniversaire de la naissance et du baptême – à Poissy – du patron du diocèse de Versailles, le roi saint Louis : le baptême était au centre de ce jubilé?

Mgr Eric Aumonier – Absolument. Le diocèse de Versailles avait déjà vécu en 2011 un synode diocésain dont le titre « un baptême à vivre » nous invitait déjà à laisser la grâce de notre baptême irriguer l’ensemble de notre vie dans toutes ses dimensions : personnelle, familiale, intellectuelle, sociale … L’année Saint-Louis que nous venons de vivre a été l’occasion de montrer que chacun devait en quelque sorte s’approprier les grâces de son baptême, nous à notre époque comme saint Louis à la sienne. Et le fruit de cette appropriation est tout simplement la sainteté !

Quelles démarches ont été proposées pour vivre ce jubilé?

La proposition principale tenait en une invitation à se mettre en route, spirituellement pour effectuer ces conversions qui suivent la redécouverte de son baptême et des appels dont il est porteur, en particulier à la lumière du concile Vatican II. Physiquement, cette mise en route se réalisait par un pèlerinage aux fonts baptismaux de saint Louis qui sont toujours dans la vénérable collégiale de Poissy, afin que chacun puisse y renouveler les promesses de son baptême.

Les célébrations ont eu une dimension historique : qui était saint Louis?

Saint Louis est parfois un roi idéalisé, ou ignoré dans sa vérité historique, car on peut être tenté de projeter sur chaque moment de sa vie en cours de déroulement une sainteté qui n’a véritablement été authentifiée qu’à sa canonisation 27 ans après sa mort. Or saint Louis vivait avec ses incertitudes, ses hésitations … comme nous avec les nôtres. Il vivait donc dans la foi comme nous sommes appelés à en vivre … Aussi, nous avons fait appel aux historiens pour resituer de manière juste la personne de saint Louis, en particulier avec un colloque universitaire sur « la France religieuse du jeune saint Louis » dès le mois de mars. Ce détour par le passé a permis d’éviter des anachronismes et a aidé les pèlerins d’aujourd’hui que nous sommes tous, car la vérité historique montre que les choix de saint Louis ont parfois été difficiles, coûteux pour lui, et ainsi, nous ne pouvons pas être étonnés qu’une plus grande fidélité au Christ de notre part entraine des choix parfois difficiles pour nous aussi.
La modernité de saint Louis tient également à sa situation de laïc, marié, père de famille, homme aux multiples responsabilités ; il a montré que la sainteté n’était pas incompatible avec l’exercice des plus grandes responsabilités. Au contraire, la prise en compte sérieuse des appels de son baptême s’est faite non pas au détriment, mais au service de son devoir d’état qui était en l’occurrence un devoir d’homme d’Etat !

Patron de votre diocèse, roi et saint en même temps, saint Louis est-il imitable ?

Saint Louis n’a pas choisi d’être roi, mais il a choisi la façon dont il exercerait cette responsabilité. En cela, il a toujours quelque chose à nous dire. Il n’est pas à imiter dans des choix qui se comprennent dans le contexte de son époque et de sa culture. En revanche, il est certainement à imiter dans sa recherche de la sainteté, dans la prise au sérieux de son baptême, dans sa recherche de la paix et de la justice, dans son refus de mettre ses responsabilités de famille ou d’Etat à l’écart de sa vie de foi. Par delà les 800 ans qui nous séparent de son baptême, il nous rappelle que le bien commun d’une société dépend en partie de la sainteté de chacun.

En mars 2014, vous avez proposé la vénération de la Sainte Couronne d’épines – venue exceptionnellement de Notre-Dame de Paris – pourquoi ce choix ?

C’est à saint Louis lui-même que nous devons la présence en France de la Sainte Couronne d’Epines qui est une des plus insignes reliques de la Passion ; c’est donc lors du 3° dimanche de carême qu’elle s’est rendue à Poissy, lieu de la naissance et du baptême de saint Louis, car c’est là que sa vie de foi a commencé. La présence de la Sainte Couronne a suscité la venue d’une foule estimée à plus de 6 000 personnes, mais c’est surtout la très grande présence des familles et le climat de recueillement qui ont frappé pendant cette journée.

Vous avez invité les catholiques des Yvelines à clore l’année jubilaire, le 23 novembre, en accueillant et en priant tout particulièrement pour leurs frères d’Orient: pourquoi ce choix et comment les diocésains ont-il répondu?

On ne peut ignorer que saint Louis a passé 6 années de sa vie en Orient : à Chypre, en Egypte et en Terre Sainte. Vouloir délivrer le tombeau du Christ pour y permettre à nouveau les pèlerinages était pour lui un acte de dévotion religieuse, mais aussi une affirmation politique dans le sens le plus noble, à savoir l’affirmation que la civilisation occidentale trouvait une de ses sources à Jérusalem, dans une parole de foi, en même temps qu’à Rome, dans l’élaboration du droit, ou à Athènes, dans le développement de la philosophie et de la raison. Les catholiques des Yvelines sont sensibles à ces questions ainsi qu’aux souffrances de leurs frères chrétiens d’Orient dont l’actualité témoigne hélas ; la cathédrale de Versailles était donc remplie pour écouter les témoignages de nos frères chrétiens d’Orient qui n’ont jamais perdu la mémoire de saint Louis.

Le cardinal Jean-Louis Tauran est venu parler du dialogue interreligieux : dans quel sens?

Avec sa très grande connaissance du dialogue interreligieux, le cardinal Tauran nous a éclairés à la fois sur son impérieuse nécessité et ses réelles difficultés. Nécessité, car beaucoup croient que les religions sont le facteur déclenchant de guerres alors qu’elles sont souvent instrumentalisées. Difficultés pour un dialogue qui se fasse en vérité et aille au fond des problèmes. Le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux que le cardinal Tauran préside a en particulier appelé les responsables musulmans à condamner clairement les actes de violence commis en Orient par certains qui se réclament de l’Islam.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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