ROME, Vendredi 15 décembre 2006 (ZENIT.org) – « Nous avons vécu 1000 ans ensemble ; puis 1000 autres années nous ont séparés. Notre histoire a connu des moments tragiques. Nous nous sentions souvent blessés. Mais cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui nous ne puissions pas vivre comme des frères », affirme Mgr Agathangelos, évêque grec orthodoxe, dans cet entretien accordé à Zenit.
Mgr Agathangelos est évêque de Fanarion, recteur du Collège théologique « Apostoliki Diakonia ». Il est chargé, dans l’Eglise orthodoxe de Grèce, des missions, de la formation des séminaristes et des activités éditoriales.
Au printemps dernier Mgr Agathanghelos a conduit à Rome une délégation grecque orthodoxe soucieuse de mieux connaître la tradition et la culture de l’Eglise catholique. Il estime en effet qu’« il est important de découvrir tout ce qui unissait nos Eglises au premier millénaire avant qu’elles ne se séparent ; tout comme il est important de se connaître mutuellement et de discuter sans préjugés. Mais cela n’est faisable qu’à travers la prière et cet amour réciproque capables d’abattre les barrières de la crainte »
Zenit : Comment évaluez-vous l’état des relations entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe de Grèce ?
Mgr Agathanghelos : La visite de Jean-Paul II en Grèce en 2001 a marqué une étape décisive dans le processus de normalisation des relations entre nos Eglises. Le pape a rencontré à l’aréopage l’Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce S.B Christodoulos. Au cours des années successives, c’est-à-dire depuis que je dirige l’Apostoliki Diakonia, nous avons noué des relations avec l’Eglise catholique, en particulier avec le Conseil pour l’Unité des Chrétiens. L’un des fruits de notre collaboration est la préparation d’un fac-similé de l’ancien et richement décoré, Code sur la vie des saints, « Ménologue de Basile II », conservé dans la Bibliothèque vaticane. Cette œuvre est une œuvre très importante car elle fut réalisée à l’époque post-iconoclaste. Elle marque un tournant décisif dans l’histoire de l’Eglise d’orient qui recommencera à vénérer des icônes, découvrant l’importance de la beauté.
A l’occasion de la publication de ce Code nous avons invité à Athènes le cardinal Jean-Louis Tauran, bibliothécaire et archiviste de la Sainte Eglise Romaine, qui nous a transmis les salutations de Benoît XVI. C’est à ce moment-là que S.B. Christodoulos fut invité à se rendre au Vatican.
L’année dernière nous avons offert, par le biais de la Nonciature apostolique à Athènes, des bourses d’études à 30 catholiques afin qu’ils viennent visiter notre pays, apprennent notre langue, et connaissent notre culture et la tradition orthodoxe. Une manière pour les catholiques de se rapprocher de « l’autre partie » de l’Eglise. Cette Eglise qui, 1000 ans auparavant, ne formait qu’« une seule Eglise ».
Zenit : Dans quelle mesure le dialogue œcuménique, tel qu’il est perçu par l’Eglise orthodoxe grecque, peut-il, selon vous, servir d’exemple pour les autres Eglises orthodoxes ?
Mgr Agathanghelos : Je pense que tout homme de bonne volonté est en mesure de découvrir le sens de ce dialogue et d’apprendre à dialoguer. La collaboration entre les Eglises ne peut être comparée aux relations entre les Etats. Cette collaboration revêt plusieurs aspects et l’un de ses aspects est lié à toutes ces visites qui permettent de surmonter nos préjugés. Cela est très important, surtout maintenant, au moment où nos Eglises sont entrées dans une nouvelle phase de dialogue. Je voudrais souligner une chose: de nombreuses Eglises et Patriarcats (Patriarcat œcuménique de Constantinople, Patriarcat d’Alexandrie, Patriarcat de Jérusalem, Eglise de Chypre, Eglise d’Albanie) collaborent avec nous, et nomment des professeurs de théologie grecs pour qu’ils travaillent à l’amélioration de ces contacts œcuméniques.
Zenit : L’Eglise catholique s’inquiète de cette nouvelle vision de l’homme et de la famille qui contredit toujours davantage l’anthropologie chrétienne. L’Eglise orthodoxe grecque partage-t-elle cette inquiétude ?
Mgr Agathanghelos : Nous avons les mêmes inquiétudes que vous. Nous constatons avec tristesse que l’Europe, l’Europe occidentale surtout, s’éloigne du christianisme. Les politiciens ne reconnaissent pas l’identité de notre continent qui est fruit de notre histoire et que l’on ne peut renier. C’est un grave problème, et nous devons l’affronter en collaborant ensemble.
Zenit : Comment peut-on selon vous influencer les politiques familiales des gouvernements… en sachant par exemple que certaines Eglises protestantes reconnaissent les unions homosexuelles ?
Mgr Agathanghelos : C’est pour cela que le dialogue entre les Eglises catholique et orthodoxe est si important. Nous sommes unis par une tradition commune, la théologie, la succession apostolique, nos opinons sur la bioéthique, les droits de l’hommes, la paix dans le monde. Nous avons vécu 1000 ans ensemble ; puis 1000 autres années nous ont séparés. Notre histoire a connu des moments tragiques. Nous nous sentions souvent blessés. Mais cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui nous ne puissions pas vivre comme des frères.
Zenit : De quelle manière nos Eglises peuvent-elles s’opposer ensemble à la politique anti-chrétienne et au processus de sécularisation dans le monde occidental ?
Mgr Agathanghelos : La seule réflexion que je voudrais faire, c’est que notre dialogue théologique rend témoignage à Jésus Christ. Aujourd’hui, les personnes qui sont en quête de vérité nous demandent : pourquoi êtes-vous divisés ? Comment, en étant divisés, pouvons-nous convaincre nos fidèles de l’amour du Christ ?
Zenit : Avez-vous déjà rencontré Benoît XVI ?
Mgr Agathanghelos : Avoir pu rencontrer le pape Benoît XVI et avoir pu l’écouter personnellement fut pour moi un très grand moment. Après la visite, nous sommes repartis l’esprit fort, disposés à renforcer notre travail en faveur d’une réunification de nos Eglises. Ce sont nos projets d’hommes. Mais si nos intentions sont bonnes et si nos cœurs sont ouverts, le Seigneur nous bénira : l’histoire du monde et de l’Eglise repose entre Ses mains.