ROME, Mardi 7 mars 2006 (ZENIT.org) – Si l’on veut éviter un conflit entre l’Orient et l’Occident et répondre aux désirs les plus profonds du monde, il faut « que les chrétiens travaillent et parlent d’une seule voix », a affirmé le secrétaire du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens.
Cet entretien accordé à Zenit a été recueilli par « Cooperatores Veritatis », lors de la visite de Mgr Brian Farrell, L.C. à Porto Alegre, au Brésil, à l’occasion de la IX Assemblée du Conseil oecuménique des Eglises (COE) qui a eu lieu du 14 au 23 février. Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.
Q : Le pape Benoît XVI a choisi comme une priorité de son pontificat d’œuvrer pour l’unité des chrétiens. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Mgr B. Farrell : Cela signifie servir le Christ, car la nuit avant sa mort Il a prié afin que ses disciples soient un, comme le Père et Lui sont un. Cette division qui existe dans l’Eglise doit donc être surmontée, et c’est une priorité de l’Eglise, du pape et de nous tous, car nous ne pouvons pas la considérer comme une chose secondaire. C’est une chose essentielle pour l’Eglise, pour rendre témoignage afin que le monde croie. C’est ce qu’a dit Jésus Christ : être unis afin que le monde croie.
Q : Répondant à l’invitation du patriarche orthodoxe de Constantinople, Bartolomée I., le pape se rendra en Turquie en novembre. Quelle signification cette visite revêt-elle sur le plan œcuménique ?
Mgr B. Farrell : Les relations avec le patriarche œcuménique sont très positives et très cordiales depuis longtemps. Le fait que le pape aille lui rendre visite à Constantinople est d’une certaine manière un geste de reconnaissance et d’amour fraternel. Le patriarche est venu à Rome à différentes reprises pour voir le pape Jean-Paul II. Maintenant le pape Benoît XVI se rend là-bas, comme Jean-Paul II l’avait fait, la première année de son pontificat.
Q : Le Conseil pontifical pour l’Unité des Chrétiens accorde actuellement une attention particulière à la promotion du rapprochement entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes. Que manque-t-il encore pour parvenir à l’unité ?
Mgr B. Farrell : Il existe des problèmes sérieux représentés par mille ans de division. Mille ans, c’est long. En mille ans, l’Orient et l’Occident se sont développés de manière différente, avec des perceptions différentes, avec des formulations doctrinales différentes. Toutes ces choses doivent être assimilées dans leur ensemble, pour montrer que les différences sont peu nombreuses, et que ce qui nous divise maintenant est une question presque – je dirais – de perception psychologique, culturelle, plus qu’une raison de fond théologique.
Nous avons actuellement également un problème concret. Je ne dis pas qu’il sera difficile à résoudre mais il demandera un effort énorme aussi bien de notre part que de la part des orthodoxes. Il s’agit de la manière d’exercer le primat de l’Evêque de Rome, que les orthodoxes pourraient dans un certain sens reconnaître, mais la manière dont est exercée ce primat en Occident n’est pas exactement la manière dont il a été exercé en Orient au cours du premier millénaire. Il faut par conséquent trouver une manière de l’exercer. Dans sa grandiose encyclique Ut unum sint, le pape Jean-Paul II, au n. 95, invite toutes les Eglises orthodoxes, les théologiens catholiques, à réfléchir à une manière, acceptable pour eux, dont le primat pourrait être exercé, au service de l’unité et de l’amour.
Q : Pensez-vous que la promotion de l’unité des chrétiens d’Occident et d’Orient soit un moyen pour lutter contre la division du monde en deux pôles, mise en évidence par la vague de violence déchaînée par la publication des caricatures sur le prophète Mahomet ?
Mgr B. Farrell : Il est de toute évidence nécessaire que les chrétiens travaillent et parlent d’une seule voix. Sinon ils ne pourront jamais donner un témoignage commun et ne pourront jamais répondre aux interrogations du monde islamique et du monde en général. Il est par conséquent nécessaire que nous, chrétiens, toujours plus unis, puissions participer au dialogue interreligieux en unissant toutes les possibilités et les forces dont nous disposons pour pouvoir faire face à cette grande question qui consiste à chercher à éviter un conflit de civilisation entre l’Orient et l’Occident.
Q : Où en est l’œcuménisme en Europe ? Y a-t-il un rapprochement concret entre les chrétiens ? Au Brésil il existe de nombreuses difficultés avec les frères séparés…
Mgr B. Farrell : L’oecuménisme n’est pas une réalité unique. Il est différent selon les situations et selon les différentes parties du monde. En Europe l’œcuménisme est très important, très profond et très motivé sur le plan théologique, car c’est en Europe que sont nées toutes ces divisions, et c’est en Europe que l’on doit travailler surtout sur le plan théologique pour les surmonter. Je ne peux pas parler de la situation au Brésil mais ce que j’ai constaté lors de mon bref séjour est que le type de relations œcuméniques au Brésil est très différent de celui qui existe en Europe. Ici, il s’agit en général de communautés fondées récemment, des communautés charismatiques pentecôtistes et évangéliques, qui sont issues d’une tradition très différente de celle des Eglises historiques. Ces nouvelles formes de vie chrétienne doivent donc encore trouver une forme et une structure qui leur permettent d’entrer dans un dialogue sérieux, théologique, sur les bases de leur foi, comme c’est le cas entre les Eglises historiques.
A suivre