La piété populaire et rôle des femmes amazoniennes ont été évoqués dans les interventions au synode des évêques pour l’Amazonie, lors de la cinquième Congrégation générale, mercredi après-midi 9 octobre 2019.
Les exposés ont eu lieu en présence du pape François, et de 180 pères synodaux, indique le Saint-Siège qui propose, en italien, cette synthèse des interventions, traduite ici par nos soins.
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Le drame du trafic de drogue, avec ses conséquences, fait partie des thèmes qui ont été abordés au cours de cette sixième Congrégation générale. Dans certaines zones qui composent la région panamazonienne, la culture de la cocaïne est passée de 12 mille à 23 mille hectares, avec des effets dévastateurs dûs à l’augmentation de la criminalité et au bouleversement de l’équilibre naturel du territoire, de plus en plus désertifié.
La construction de centrales hydroélectriques, qui implique la déforestation d’amples réserves environnementales riches en biodiversité, de même que les incendies autorisés qui détruisent des millions d’hectares de terrain, ont un impact très fort sur l’environnement de certaines régions, altérant leur écosystème. C’est pourquoi il est nécessaire d’appeler à une conversion écologique : l’Église, dit-on en salle, doit être une voix prophétique pour que le thème de l’écologie intégrale entre dans l’agenda des organisations internationales.
Inculturation et évangélisation
Parmi les autres interventions des pères synodaux, l’équilibre entre inculturation et évangélisation et l’invitation à regarder l’exemple de Jésus, si éloquent. L’incarnation même, en effet, est le plus grand signe d’inculturation, parce que le Verbe de Dieu a pris la nature humaine pour se rendre visible dans son amour. Et c’est là la tâche de l’Église, appelée à s’incarner dans la vie concrète des personnes, comme l’ont fait les missionnaires en Amazonie.
Synodalité missionnaire
Dans une intervention en particulier, l’idée a été exprimée que l’Amazonie devienne un laboratoire permanent de synodalité missionnaire pour le bien des peuples qui vivent dans la région comme pour celui de l’Église. On a aussi souligné l’importance de l’interculturalité et de la valorisation des cultures et des populations autochtones dont la vision du cosmos aide au soin de notre maison commune.
Difficulté de la vocation et voie des ‘viri probati’
Toujours à propos de l’évangélisation, la difficulté d’avoir des vocations sacerdotales et religieuses a été évoquée, ainsi que la voie des ‘viri probati’ ; cela, a-t-on entendu dans une intervention, affaiblirait l’élan des prêtres qui vont d’un continent à l’autre et même d’un diocèse à l’autre. En effet, le prêtre n’appartient pas « à la communauté » mais « à l’Église » et, en tant que tel, il peut être « pour n’importe quelle communauté ». Une autre intervention fait valoir que ce ne sont pas tant les ministres du sacré qui sont nécessaires, mais des diaconies de la foi. La nécessité d’une formation plus ample et meilleure pour les prêtres a été rappelée, ainsi qu’une valorisation des responsabilités des laïcs, loin de tout cléricalisme.
La piété populaire
Un autre intervenant s’est arrêté sur le thème de la piété populaire, un aspect de l’évangélisation devant lequel on ne peut pas rester indifférent : c’est une caractéristique fondamentale des peuples de l’Amazonie et il est par conséquent nécessaire de la soigner, en tant que trésor où resplendit Jésus-Christ. D’où l’idée que les manifestations de piété populaire soient toujours davantage accompagnées, encouragées et valorisées par l’Église.
La théologie de la création
Le regard des participants au synode s’est aussi élargi à la théologie de la création dans laquelle réside la Parole de Dieu adressée à l’humanité. D’où la réflexion des Pères sur l’importance d’un plus grand dialogue entre cette théologie et les sciences positives parce qu’oublier la création signifierait oublier le Créateur lui-même. Autre thème abordé : celui de la défense des droits des peuples originaires d’Amazonie : le dialogue avec eux, dit-on en salle, est important et aide à les valoriser comme des interlocuteurs dignes et dotés de la capacités de s’autodéterminer. Une attention particulière doit en outre être réservée au soin pastoral des jeunes autochtones, qui se retrouvent partagés entre connaissances traditionnelles et connaissances occidentales.
Le rôle de la femme dans l’Église et dans la société
Au cours de cette 6ème Congrégation, certains auditeurs, délégués fraternels et invités spéciaux ont aussi pris la parole : en particulier, pour exhorter à promouvoir le rôle de la femme, à valoriser son leadership à l’intérieur de la famille, de la société et de l’Église. La femme est gardienne de la vie, évangélisatrice, artisan d’espérance, dit-on dans la salle ; elle est la brise douce de Dieu, le visage maternel et miséricordieux de l’Église. Il est donc important de reconnaître le style de l’annonce de l’Évangile porté par les femmes amazoniennes, souvent silencieuses, mais participant beaucoup à la société. Il faut renforcer, affirme-t-on encore, une synodalité du genre dans l’Église.
Dialogue interreligieux et oecuménique
Les discussions ont également porté sur l’importance du dialogue interreligieux, celui qui mise sur la confiance, qui voit les différences comme une opportunité, loin de la colonisation religieuse et proche de l’écoute et de la conscience de l’altérité. Le dialogue oecuménique a aussi fait l’objet d’une réflexion qui a mis en valeur l’importance d’un chemin commun y compris pour la protection des droits des populations autochtones, souvent victimes de violences, et des territoires amazoniens détruits par des méthodes d’extraction prédatrices ou par des cultures toxiques. Les chrétiens, affirme-t-on, ne peuvent se taire devant les violences et les injustices que subissent l’Amazonie et ses peuples : annoncer l’amour de Dieu dans les coins les plus reculés de la région signifie dénoncer toutes les formes d’oppression sur la beauté de la création.
Amazonie, un lieu concret qui concerne tout le monde
L’Amazonie est un lieu concret, dans lequel se manifestent de nombreux défis mondiaux de notre époque, défis qui concernent tout le monde. Les souffrances des peuples amazoniens, en effet, découlent d’un style de vie « impérial », où la vie est considérée comme une simple marchandise et où les inégalités finissent pas être de plus en plus renforcées. Au contraire, les peuples autochtones peuvent aider à comprendre l’interconnexion des choses : la coopération au niveau mondial est possible et urgente.
L’exemple du pape
Au commencement des interventions libres, le pape a voulu aussi contribuer à la relecture du chemin parcouru jusqu’ici, soulignant ce qui l’a le plus frappé dans ce qu’il a entendu. François, qui avait ouvert les travaux en priant pour nos « frères juifs » en ce jour de Yom Kippour, a rappelé dans la prière qui concluait la Congrégation les victimes de l’attentat à la synagogue de Halle, en Allemagne.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat