Puebla 40 © Vatican Media

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Evangélisation : humour du pape François qui s’auto-accuse de «plagiat» (traduction complète)

40e anniversaire de la Conférence de Puebla

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Le pape François s’est en quelque sorte auto-accusé avec humour d’un « élégant plagiat » de l’exhortation apostolique de saint Paul VI « Evangelii nuntiandi » (8 décembre 1975) dans sa propre exhortation « Evangelii gaudium » (24 novembre 2013). Le pape voulait ainsi manifester l’importance du document de Paul VI aujourd’hui encore pour le chemin de l’Eglise. Une référence importante en ce Mois missionnaire extraordinaire.
Le pape François a en effet reçu en audience, jeudi 3 octobre 2019, au Vatican, les participants d’un congrès commémorant la IIIe Conférence générale épiscopat latino-américain réunie à Puebla (Mexique, 1979).
Le pape François souligne aussi l’importance de la venue du saint pape Jean-Paul II et son discours qui balisait les travaux (28 janvier 1979) : il rappelle que c’était le premier voyage international de Jean-Paul II élu deux mois plus tôt, le 16 octobre 1978. Rappelons que l’Amérique latine devait faire face aux développements des théologies dites « de la libération » : le mot libération revient 21 fois dans le discours de Jean-Paul II, ici et là accompagné des adjectif « vraie » ou « chrétienne ».
Le pape François rappelle un troisième élément qui a marqué « Puebla »  : l’héritage de la Conférence de Medellin en Colombie, en 1968, à laquelle se rendit Paul VI, et qui entérina “l’option préférentielle de l’Église pour les pauvres” et la lutte contre l’injustice sociale: des “intuitions prophétiques”.
Parmi les “contenus significatifs de Puebla”, le pape retient par exemple l’ecclésiologie, une mariologie ancrée dans une piété populaire, l’évangélisation de la culture, la défense des droits humains, et « les options pour les jeunes, les pauvres et les bâtisseurs la société ».
Il a souligné le lien avec la Conférence d’Aparecida (Brésil, 2007) : le cardinal Bergoglio a été une cheville ouvrière du document quise trouve en français sur le site du CELAM. Et le pape Benoît XVI en a inauguré les travaux par son discours du 13 mai 2007.
Surtout, le pape François invite à tirer de ces documents ce qu’ils disent de la « piété populaire », renvoyant là aussi à Evangelii nuntiandi, et à Aparecida qui parle même de « spiritualité populaire ».
Voici notre traduction, rapide, de travail, à partir du texte en espagnol publié par le Saint-Siège.
AB
Discours du pape François
Frères et soeurs, bienvenus !
Je remercie le Révérend Père Bernard Ardura, président du Comité pontifical des sciences historiques, pour ses aimables paroles  – et en le voyant ainsi, on dirait un vice-pape [le p. Ardura, moine prémontré, est habillé de blanc, avec lui aussi une mosette – ou camail, ou pélerine -, ndlr] – je félicite le Comité et la Commission pontificale pour l’Amérique latine d’avoir voulu commémorer, par ce Congrès qui se tient actuellement à Rome, le 40e anniversaire de la IIIe Conférence générale de l’épiscopat de latino-américain de Puebla de los Ángeles.
Je suis heureux de rencontrer, même brièvement, les intervenants et les organisateurs de cet événement. Je vous assure que j’aurais aimé avoir plus de temps et partager tant d’événements et d’expériences avec vous.
Si vous me permettez quelque souvenir personnel, j’étais alors provincial de la Compagnie de Jésus en Argentine, et j’ai suivi avec une grande attention et un grand intérêt tout le processus intense et passionnant de préparation de cette troisième conférence. Je pense à trois faits marquants qui, sans aucun doute, allaient guider l’événement.
Le premier c’est la décision de saint Jean-Paul II de faire son premier voyage apostolique précisément au Mexique et de prononcer le discours inaugural de la Conférence, qui a clairement indiqué les voies de son déroulement. Ce fut comme l’inauguration de son long pontificat missionnaire, itinérant et fécond.
Le deuxième fait qui m’a paru fondamental dès le début de la préparation de la Conférence a été de considérer l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi de saint Paul VI comme toile de fond et source de référence pour toute son déroulement. Evangelii nuntiandi est le meilleur document pastoral post-conciliaire et il est toujours valable aujourd’hui. Et une chose personnelle: quand je me suis trouvé à Rome, pour des raisons indépendantes de ma volonté, j’ai demandé qu’on m’apporte quelques livres, très peu, pas plus de sept, dont mon premier exemplaire d’Evangelii nuntiandi que j’avais souligné. Redemptoris Mater de Saint Jean-Paul II, avec tous les documents que j’avais pris pour donner des retraites spirituelles, et le document de Puebla entièrement souligné de différentes couleurs. Cela pour vous dire comment j’ai suivi de près tout cela à ce moment-là. Il m’est souvent arrivé de répéter qu’Evangelii nuntiandi est pour moi un document décisif, d’une grande richesse, sur le chemin post-conciliaire de l’Église. De plus, Evangelii gaudium est un élégant plagiat d’Evangelii nuntiandi et du Document d’Aparecida. Vous savez, je pars de là. L’exhortation apostolique Evangelii gaudium se situe dans son sillage, avec le Document d’Aparecida.
Le troisième fait important était le point de départ des intuitions et des options prophétiques de la Conférence de Medellin pour faire, à Puebla, un pas de plus sur le chemin de l’Église latino-américaine vers sa maturité.
Je sais que vous étudiez les contenus de la conférence de Puebla en vue de l’avenir. Je me souviens de certains parmi les plus significatifs: la nouveauté d’une prise de conscience historique de l’Église en Amérique latine; une bonne ecclésiologie qui reprend l’image et le chemin du peuple de Dieu du Concile Vatican II; une mariologie bien inculturée; les chapitres les plus riches et les plus créatifs sur l’évangélisation de la culture et de la piété populaire en Amérique latine; en ce qui concerne l’évangélisation de la culture, Puebla a jeté les bases très sérieuses pour avancer: une critique courageuse de la méconnaissance des droits de l’homme et des libertés qui marquaient à l’époque la région et les options pour les jeunes, les pauvres et les bâtisseurs la société.
Beaucoup d’entre vous l’ont vécu de près, et nous avons «l’enfant terrible» de cette époque qui a su prophétiser et faire avancer les choses [probablement Gustavo Gutiérrez, dominicain péruvien né en 1928, avec une canne sur la photo, à gauche du pape, ndlr] .
On peut dire que Puebla a jeté les bases et ouvert des routes menant à Aparecida. C’est curieux que de Puebla on saute à Aparecida. Saint-Domingue (1992, ndlr), a ses mérites, mais en est resté là. Parce que Saint-Domingue était très conditionnée par des compromis. Et le saint évêque de Mariana, qui était le rédacteur, a dû négocier avec tout le monde pour avancer. Il y a des choses bonnes, utiles, mais [le document] n’interpelle pas comme Puebla ou Aparecida. Eh bien, ce sont les aléas de l’histoire, sans diminuer la qualité de Saint-Domingue, mais Puebla a été un pilier et on saute ensuite à Aparecida. Il suffirait d’affirmer cela pour souligner cette bonne occasion de commémorer ses 40 ans, non seulement en regardant en arrière, mais en la projetant jusqu’à nos jours dans l’Eglise.
Et, je vous en prie, continuez à travailler sur ces choses, sur ces documents de l’épiscopat latino-américain qui ont beaucoup de jus, beaucoup de moelle, beaucoup de jus. Et qu’ils sont capables développer les très grandes richesses de l’Amérique latine, avant tout la piété populaire. Certains en Argentine ont demandé: mais pourquoi la piété populaire est-elle si riche? Parce que ce n’a pas été cléricalisé. Comme elle n’avait pas d’importance aux yeux des prêtres, le peuple s’organisaient à sa manière. Il est vrai que saint Paul VI, dans le numéro 48 d’Evangelii nuntiandi, dit ceci: « Il faut purifier certaines choses », mais après avoir loué le mouvement et changé le nom. Avant on parlait de « religiosité populaire », maintenant de « piété populaire » : il a changé le nom, Aparecida va plus loin et parle de « spiritualité populaire ».
Merci pour tout ce que vous faites. Ensemble, je vous invite à prier la Vierge de Guadalupe et à lui demander sa bénédiction.
© Traduction de Zenit, Anita Bourdin
 
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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