Le pape François accueille le patriarche Bartholomée à la basilique S. Nicolas, à Bari (Italie) 7/7/2018 © Vatican Media

Le pape François accueille le patriarche Bartholomée à la basilique S. Nicolas, à Bari (Italie) 7/7/2018 © Vatican Media

«La théologie après Veritatis Gaudium dans le contexte méditerranéen», message du patriarche Bartholomée

L’hospitalité évangélique et la réciprocité

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Le patriarche Bartholomée recommande l’hospitalité évangélique tout en souhaitant que l’accueil des populations migrantes dans le monde se fasse dans le respect à la fois de leur souffrance et de leur dignité, et dans le respect des populations qui les accueillent. Ils souhaite l’élaboration d’une théologie de l’accueil.
Le patriarche Bartholomée a en effet adressé un message au p. Pino Di Luccio, vice-doyen de la Faculté pontificale de théologie du sud de l’Italie (Section San Luigi), de Naples, à l’occasion d’un congrès sur « La théologie après Veritatis Gaudium dans le contexte méditerranéen » (20-21 juin 2019).
Le patriarche œcuménique de Constantinople, qui n’a pu venir y participer, remercie le p. Di Luccio pour son invitation et se réjouit de la participation du pape François et il salue «son « profond engagement pour la sauvegarde de la personne humaine et de tout ce qui l’entoure, engagement fondé sur la κοινωνία de la relation trinitaire ». Il salue le pape François et l’archevêque de Naples, le cardinal Crescenzio Sepe, les organisateurs et les participants.
Accueil et intégration
« L’accueil doit devenir principalement une intégration, mais jamais un syncrétisme », insiste le patriarche Bartholomée qui invite à la réciprocité: « S’il existe un besoin de justice mondiale pour de nombreux peuples en mouvement, il y a aussi la justice des peuples qui ouvrent leurs propres frontières. Il y a le devoir évangélique et humain d’accueillir les personnes en difficulté, mais il y a aussi le devoir de ceux qui sont accueillis de respecter les traditions, les coutumes et la foi de ceux qui les accueillent. »
Il fait observer que « le Mare Nostrum, Μεσόγειος θάλασσα, (…) – la mer entre les terres » est « le berceau de l’histoire, de la civilisation, des langues, des cultures et des religions capable d’interconnexions et d’échanges, qui ont guidé les processus sociaux de toute la région pendant des siècles, contribuant à la croissance des peuples ».
Il cite la contribution des religions à ces cultures : « Si le christianisme, dans son sens oriental et occidental, a joué un rôle fondamental après l’édit de Milan, le judaïsme puis l’islam ont contribué, en alternant des phases historiques, à trouver des moyens de communion et de coexistence. La succession de l’empire romain, des invasions barbares, de l’empire romain oriental à Byzance, de l’empire ottoman, n’ont jamais brisé la symphonie de communion » des peuples de la région, « malgré des tensions jamais endormies ».
Eliminer les causes
Or, cette mer est devenue récemment, fait observer le patriarche « plutôt une frontière à ne pas franchir entre le nord et le sud du monde, posant des questions sur le même concept d’accueil de l’étranger, dont le christianisme est l’expression maximale, selon l’enseignement de notre Maître et Sauveur ».
Il rappelle la position de l’Église orthodoxe exprimée « lors du Saint et Grand Conseil de Crète en 2016 » : elle dit son attachement «  au dialogue, et en particulier à celui avec les chrétiens non orthodoxes ».
Il évoque les « nationalismes » et « fondamentalismes » du XXe s. et « toujours présents dans de trop nombreuses régions de notre monde », les «  tensions qui s’enflamment aujourd’hui pour l’accueil des plus faibles, des personnes exposées aux tensions sociales, économiques et climatiques » et posent «  de nouvelles questions aux Eglises », ainsi que les questions de l a « mondialisation », et les « phénomènes extrêmes de violence et d’immigration ». mais il ajoute que dans ce contexte, les chrétiens se sont attaqués aux « causes » de la pauvreté pour « éliminer les causes qui créent des problèmes sociaux ».
Un phénomène mondial
Il ne s’agit pas seulement d’ « assistance », insiste le patriarche, mais « de vérité et de justice », qui implique de « comprendre les causes, prendre soin de leurs effets et témoigner avec force du danger que représentent les anciens et les nouveaux esclavages ».
Il déplore les flux migratoires touchant « des peuples entiers ou, pire encore, des générations complètes » et « engendre une pauvreté accrue dans l’hémisphère sud et des phénomènes d’intolérance chez ceux qui devraient pratiquer l’accueil ».
Un phénomène qui ne touche pas seulement les populations « des pays du continent africain qui se dirigent vers les pays riverains de la mer Méditerranée », mais aussi des « pays d’Amérique du Sud qui se dirigent vers le nord », des « pays asiatiques vers l’Océanie » et même « à l’intérieur de l’Europe même entre Est et Ouest ».
C’est dans ce cadre, insiste le patriarche, que prend toute son importance « l’engagement primordial des Eglises en faveur de la justice sociale ».
Et c’est là qu’intervient l’importance de « créer des présupposés théologiques et anthropologiques », notamment grâce au travail des universités et des centres d’études, pour « créer une nouvelle prise de conscience dans le monde ».
Pour affronter les causes de la crise, il recommande de favoriser un « économie éco-durable, respectueuse de l’environnement », en se souvenant du «  devoir de livrer » la planète « intacte aux générations futures », c’est-à-dire « une économie qui donne de la dignité à l’être humain » dans un monde « exempt de tensions, libre de foyers de guerre », loin de « l’égoïsme exagéré » et de « l’égocentrisme » d’un petit nombre.
Il s’agit d’une «  économie de respect des particularités des peuples et des régions » qui puisse « permettre d’améliorer l’existence de nouvelles générations entières, de créer un nouvel échange, fondé sur le dialogue et la justice, mais également sur une vérité non manipulée » qui puisse « éviter ou limiter » ces flux migratoires.
Une exigence évangélique
Il déplore que « le concept d’hospitalité » ne soit plus «  perçu par les peuples chrétiens » comme une « exigence évangélique » ou un « exemple de fraternité humaine », mais comme « une « invasion » de peuples chez d’autres peuples », mais il fait observer que ce « concept d’invasion » est une constante de l’histoire : « Nous parlons encore des invasions des Perses, des Romains, des invasions barbares, des invasions arabe, mongole et turque, des Blancs sur les Amérindiens, de la communauté noire d’Amérique déracinée dans le passé, et même des invasions nazie, soviétique et autres jusqu’à nos jours ».
Mais il met en garde contre un tel « sentiment » dans les Eglises : le patriarche invite à « examiner avec soin la manière dont nous accueillons, pourquoi nous accueillons mais surtout comment accueillir, dans le respect de la population locale ».

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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